Les Français ont-ils changé ou, au contraire, restent-ils semblables aux évocations auxquelles Pierre Daninos et son major Thomson, ainsi que bien d’autres, se sont souvent fait une joie de se livrer, caricaturant avec humour, les comportements de nos compatriotes… en vacances !

Des cartes postales lyriques aux partages intimistes sur Internet, l’emphase est-elle toujours aussi présente… ?

Qu’il soit sur les plages envahies de foules étendues sur le sable ou se baignant côte à côte,

ou peinant, sac au dos, derrière des files de randonneurs les yeux fixés sur le sol pierreux et sans un regard sur les cimes enchanteresses,

ou encore dans le calme – trop calme – de la solitude du «super petit coin perdu» où les jours s’écoulent avec de plus en plus de lenteur…,

qu’il fasse du trekking, du surf ou du ski, de la luge…

le Français, soulignent nos ironiques observateurs, a surtout à la pensée la relation enthousiaste, épique, sensationnelle, qu’il fera à son entourage, dès son retour… et que des photos – ah! ces soirées diapos du passé –, des films et autres vidéos… illustreront, dispensées sous des angles flatteurs et des scènes enjolivées…

Oui, c’est alors et surtout que les vacances atteignent leur apogée, quand les «restés sur place», amis, voisins ou collègues découvriront ce que les dites cartes postales, ou informations instantanées sur le Net  avaient laissé plus qu’entrevoir…

Car, disent nos caustiques amis d’outre-Manche, d’outre-Rhin ou d’ailleurs, les Français aiment se donner en spectacle et sublimer leur existence  et leurs joies…

Les années passent… et nous serions donc immuablement, incorrigiblement les mêmes, avec cette propension innée ou héritée à partager sans limites nos impressions, nos émotions, nos analyses… nos goûts et menus… et parfois nos critiques, voire sarcasmes à l’encontre des autochtones ou des autres touristes – surtout américains… En un mot, à étaler notre personne comme si le monde entier avait les yeux fixés sur Paris, la France… les Français…

La discrétion ne serait donc pas, selon ces souriants ou excédés censeurs, notre qualité première.

«Shocking» pensent en particulier, à l’instar du major Thompson, les Anglais… et pourtant, rappelons, sans triomphalisme, que beaucoup d’entre eux aiment venir en France et… d’aucuns, relativement nombreux, s’y installer à demeure!

On n’ose croire à la réalité historique de cette réflexion: «Comme la France serait agréable s’il n’y avait pas les Français… !»

Est-il possible, non pas pour défendre ce qui est finalement une manière d’être, mais pour enrichir la réflexion et inviter à nuancer un jugement trop définitif, de citer cette parole de François-René de Chateaubriand livrant, avec tant de simplicité, de sensibilité, d’élégance, les sentiments qui l’étreignent à la seule pensée de l’automne tout proche avec son cortège de couleurs, de fleurs qui se fanent, de vies qui s’achèvent… sa joie, son ravissement :

«…Je voyais avec un plaisir indicible, écrit-il, le retour de la saison des tempêtes…»

Nulle grandiloquence, nul désir de paraître… dans l’aveu de ce grand écrivain, si breton et français pourtant !

N’y aurait-il pas là sujet de méditation pour, peut-être, rééquilibrer les jugements souvent trop extrêmes sur «les Français en vacances» ?

Il est vrai que nous Français, sommes parfois déconcertants :

Déconcerté, je le fus lors d’un reportage dans le sud de l’Espagne…

Le bateau, glissant sur le Guadalquivir, permettait de découvrir les rives remarquables, aux paysages chargés d’Histoire…

Deux dames, installées près de nous, parlaient à haute voix, sans la moindre retenue, sans se soucier de la croisière sur ce fleuve de légende, ni des autres voyageurs…

Il paraissait, au contraire, que ces derniers – à leur corps défendant – formaient un auditoire qui ravissait ces volubiles personnages qui semblaient «en représentation».

Elles se remémoraient un voyage organisé en Inde… et s’extasiaient… «et dans cet hôtel… le  serveur si sympa, très bel homme…», etc.

Typiquement français, diront alors, non sans raison, ceux qui sont enclins à dénoncer ce travers difficilement contestable !

Mais après tout, en retenant un léger sourire, ne pouvait-on pas conclure avec indulgence :

«Pourquoi pas… si pour ces dames, en cela était le bonheur des vacances» ?

Tout autre était le regard de ce cher vieil homme qui, ancien prêtre, et homme à la foi profonde, vécut des années, avec délicatesse et discrétion en notre Centre Missionnaire :

Il aimait faire de longues promenades dans la nature…

Un coucher de soleil le ravissait… une fleur… de la bruyère… le chant d’un oiseau,

tout était joie et reconnaissance pour lui.

L’été est proche…

Vacances ou pas, nous pouvons goûter, tel Chateaubriand, les richesses de la saison dans laquelle nous entrons…

La joie ne dépend pas du kilométrage parcouru, ni de la notoriété des sites que la publicité sublime, «ni d’un lieu, ni d’un ciel bleu»… comme le rappelle le chant.

Elle est en nous…

et nous suivra là où nous irons…

Que l’on se déguise en touriste ou en autochtone, c’est en effet toujours le même personnage qui demeure…

Les jouissances peuvent s’obtenir, pour un court moment, de tant de manières parfois extrêmes et hypothéquantes,

mais la joie, la paix, comme la convivialité et le respect de l’autre sont des fruits à cultiver.

Pour que «notre joie demeure» ainsi que l’a merveilleusement exprimé Jean Sébastien Bach, il faut une source qui ne tarisse pas.

Le Christ, nous enseigne l’Évangile, a promis à qui l’écouterait, cette joie ineffable :

«Je vous donne ma joie» a-t-il déclaré.

Et cette promesse est toujours pleinement d’actualité.