«…Ils avaient l’air perdus dans une époque qui n’était plus la leur.» 

Cette remarque de l’historien espagnol, José Luis Corral, est d’une grande richesse d’analyse… Elle pourrait s’appliquer à beaucoup d’hommes et de femmes, ayant vécu à divers moments de l’histoire et tout particulièrement dans les temps de rupture, où le cours répétitif et monotone des jours et des habitudes est soudain interrompu, comme «bousculé» par des événements qui surgissent et déstabilisent le plus grand nombre.

Ce ne sont pas toujours des drames guerriers, ni des cataclysmes ou des révolutions

politiques, culturelles ou autres…

Ce peut être la fin d’un cycle de civilisation qui voit s’effondrer, comme une muraille ou une bâtisse déjà plus qu’ébranlée, les derniers pans qui faisaient encore illusion, ou cachaient mal les lézardes…

Ce qui avait vieilli, devenu anachronique ou désuet, apparaît soudain comme tel et disparaît sans laisser de traces ni parfois de regrets…

L’ancien, «le vieillot» diront plusieurs, a disparu, et le «nouveau», le futur n’est pas encore là ! 

Que sera-t-il? Qui pourrait le dire, même si d’aucuns s’emploient à tenter de l’orienter, à le modeler… selon leurs désirs, leurs philosophies ou leurs idéologies…

Quoi qu’il en soit, ces temps de transition, sont toujours pleins d’incertitudes…

Peut-être pourrait- on cependant prédire sans risquer d’être démenti par les faits: 

«Ce qui a été ne sera plus !» Même si avec l’Ecclésiaste on peut affirmer que derrière «les nouveaux décors» : «ce qui a été c’est ce qui sera, ce qui s’est fait se fera», en considérant la permanence du comportement des hommes et des femmes de ce monde, qui, quels qu’ils soient et quelles que soient leurs déclarations ou promesses, laisseront toujours tôt ou tard apparaître les caractéristiques de l’âme humaine, avec peu ou prou : 

l’orgueil, la vanité, le désir de paraître et de dominer, la soif de posséder, voire accaparer, l’abandon aux passions et jouissances jusqu’à en être esclaves…

L’un des récents présidents de la République n’osait-il pas avouer : «…en trois ans on a goûté à toutes les jouissances que cette place offre…» 

Mais heureusement, apparaîtront aussi, les élans d’altruisme, la volonté d’aider et de secourir, la faculté de s’émouvoir et d’aimer… et chez les personnes aux idéaux élevés, une force d’âme qui peut conduire jusqu’au don de soi.

Il y a eu, il y aura des hommes et des femmes agissant ainsi, souvent sans ostentation ni recherche d’honneurs… Ce ne sera sans doute pas le plus grand nombre.

Est-ce une vision trop pessimiste ? 

Les péripéties de notre histoire nationale comme mondiale, les soubresauts de l’actualité de la vie des peuples le prouvent clairement.

Mais revenons, si vous le voulez bien, à l’observation et à la conclusion de José Luis Corral : «Ils avaient l’air perdus dans une époque qui n’était plus la leur.» 

Et si cela concernait nombre de nos contemporains ? 

Nous vivons un temps particulier, sinon unique, tout au moins peu banal  (il est vrai que l’on a toujours tendance à privilégier son époque, à la «grandir») !

Cette terrible épidémie a jailli, bouleversant tout, et ce jusqu’aux confins du monde… rendant caducs, obsolètes ou déphasés tant de projets, d’engagements, et de traditions en tous genres.

Elle a obligé, puissants comme modestes à s’arrêter brusquement, et pour beaucoup «à trembler» pour eux-mêmes ou les leurs.

En quelques semaines, la terre entière a été comme ébranlée et ses habitants contraints de tout reconsidérer, de vivre dans l’inconnu de lendemains précaires et ignorés.

Quelles sont et seront les conséquences apparentes et profondes qui perdureront ? 

Comment réagiront à court et long terme, les «vieux», les «jeunes», les enfants, les couples, les familles… dans les domaines affectifs, psychologiques, sociaux…,

dans la manière d’envisager l’avenir, d’entreprendre, de vivre ? 

Et ce d’autant plus que le déferlement numérique, avec ses algorithmes et ses développements exponentiels, a déjà effacé beaucoup de points de repère et «rabougri» la part de l’humain, laminé par la réalité froide du quantitatif et des nombres.

Pour certains ne faudrait-il pas ajouter à la réflexion de José Luis Corral : 

«Ils avaient l’air perdus dans une époque qui n’était plus la leur», cette autre, en forme de constatation attristée : 

«et ils ne s’en rendaient pas compte !» 

Les hommes et femmes et «leur temps» passent…

Les civilisations naissent et s’estompent…

Mais pour celui qui a appris à observer avec le nécessaire recul, avec une réserve réfléchie la marche du monde, ses modes et engouements comme ses souffrances et ses échecs,

pour celui qui a construit sa pensée et sa vie sur des bases immuables ! 

pour celui qui, regardant avec attention la création en a découvert la structure et la complexité admirables, a noté que tout y est vie, et vie qui se perpétue selon les multiples lois établies par le Créateur, 

pour celui qui mesure l’existence humaine, la vie et la mort à l’aune de la parole donnée par Dieu et qui s’éclaire en Jésus-Christ, 

pour celui qui, comme l’exhorte la Bible, «examine toutes choses et retient ce qui est bon», 

pour celui-là, l’espoir, l’espérance, ne disparaîtront jamais.