«L’ancrage local est pour moi totalement essentiel ! Tout d’abord parce que c’est ce que j’aime.

J’ai fait de la politique parce que j’aime les autres. Je préfère la réalité humaine, les complexités humaines au seul débat idéologique, aux discussions trop théoriques.

J’ai besoin d’être sur le terrain, de discuter avec les maires, les conseillers municipaux, les responsables associatifs…

Et j’estime très important de toujours confronter à la réalité concrète les votes faits à l’Assemblée Nationale.

Sans cette relation de terrain, je considérerais que mon mandat n’a aucun sens. Je tiens donc à cet ancrage, et c’est là que je me sens bien.»

Voici un peu plus de six ans, «Regard d’Espérance» interviewait M. Richard Ferrand, Conseiller Régional de Bretagne…

Alors qu’il est engagé dans de nouvelles actions et responsabilités, il nous a paru particulièrement intéressant de nous entretenir à nouveau avec lui, en tant que député de notre circonscription finistérienne, élu du Centre-Bretagne, et désormais acteur de premier plan dans la vie politique nationale…

Un entretien comme «Au coin du feu», selon une formule adoptée de longue date par «Regard d’Espérance» en de telles circonstances, pour un «tour d’horizon» effectué dans l’esprit du journal, sans polémiquer, ni éluder des questions parfois épineuses.

Sollicité par notre rédaction, M. Richard Ferrand a accepté de répondre à nos questions avec la simplicité, la disponibilité et le souci d’exactitude qui l’ont toujours caractérisé.


Avant même la création du mouvement «En Marche» et la candidature d’Emmanuel Macron à la présidence, vous vous étiez rapproché de lui, devenant l’un de ses proches…
Quelles considérations, personnelles et politiques, vous ont conduit à ce cheminement et à cette proximité grandissante ?

«C’est le travail qui nous a rapprochés et soudés: j’ai été le rapporteur général de la fameuse loi «Croissance et activité» – dite «Loi Macron» – si bien que nous avons travaillé ensemble quasiment au jour le jour pendant deux ans, moi comme parlementaire, lui comme Ministre de l’Économie.

Très vite, une complicité intellectuelle et amicale s’est nouée entre nous. J’ai également été très rapidement frappé par sa grande intelligence, sa compréhension des hommes et surtout par sa manière d’aborder les choses à la fois par le sens et par le concret, et non pas par une démarche technocratique…

Alors même que je trouvais que la qualité du «personnel politique» – si je puis dire – se dégradait, j’ai eu assez tôt l’intuition qu’il était un homme appelé à avoir un destin hors du commun, et ayant la capacité et le profil pour relever les défis de l’époque…»

 

Les médias, tout comme ses adversaires ou ses amis politiques, ont multiplié les qualificatifs pour définir l’homme et le Président qu’il est… Comment le décrivez-vous vous-même ?

«Exigeant… Avec lui-même et avec les autres. Pragmatique dans l’approche des problèmes.

Infatigable. Et fraternel dans ses rapports aux autres. C’est d’ailleurs un homme que je n’ai jamais vu changer dans son comportement, même si sa fonction l’oblige désormais à plus de retenue, de hauteur, de distance sans doute… Mais dans la réalité des échanges et des rapports aux autres, il reste le même.

Quand je dis «fraternel», ce n’est pas «mielleux». Il n’y a jamais rien de mielleux chez lui. C’est quelqu’un de direct, qui prend les gens en considération et accepte qu’on lui parle directement. Il ne cherche pas les faux-semblants…»

 

La Presse vous dit souvent proche parmi les proches du Président Macron. Comment qualifieriez-vous la nature et la qualité de vos relations?

«Profondément confiantes. Amicales… Et très franches.

Je ne sais pas, moi-même, parler autrement que franchement, et lui non plus. C’est donc la franchise, au sens où on se dit les choses – et il y a parfois dans la vie des choses désagréables à se dire! – mais d’une manière qui n’est jamais blessante. C’est direct et amical…»

 

Les attaques dont vous avez été l’objet – y compris en justice – ont-elles altéré
ces relations ?

«Jamais ; non, jamais ! Nous sommes toujours restés en confiance et en amitié.»

 

Vous avez eu à vous «battre» des mois durant, sous les feux des médias, pour vous défendre d’accusations dont la Justice vous a lavé de tout soupçon.
Quels sentiments et réflexions sont aujourd’hui vôtres lorsque vous jetez un regard en arrière sur ces mois particulièrement difficiles ?

«Je crois qu’il est grave aujourd’hui – ceci dit en allant au-delà de ma personne – de devoir dire que les tribunaux sont devenus médiatiques: même si des journalistes prennent parfois des précautions de langage, être mis en cause «dans le journal», comme on dit, être jeté en pâture – François Mitterrand disait de Pierre Bérégovoy que l’on avait «jeté son honneur aux chiens»… – fait que votre honneur et votre réputation sont entachés, sans attendre la décision de la justice qui est souveraine dans un Etat de droit.

Il faut être très prudent avant de porter soi-même un jugement sur des faits dont on ne connaît pas les contours, et ne jamais hurler avec les loups. Il faut être mesuré en toutes choses, et dans un Etat de droit, respecter la justice.»

 

Ce décalage grandissant entre «le temps des médias» et «le temps de la justice», pour ne pas dire «la justice rendue dans et par des médias» ne pose-t-il pas un problème majeur à notre société ?

«Si. C’est un problème majeur. Et le Président de la République a eu l’occasion de dire qu’il faudrait s’attaquer, notamment sur les réseaux sociaux, à la propagation de fausses nouvelles…

Mais je crois que la profession journalistique elle-même devrait s’interroger, et créer son propre code de déontologie. Pour ne pas parler de moi, je prendrai l’exemple d’un collègue qui a subi une plainte pour agression sexuelle présumée. L’effet a été terrible dans la presse. Ses enfants, son épouse ont été profondément meurtris… Puis très vite, la justice s’est rendu compte qu’il n’y avait rien, et qu’il s’agissait d’un problème de relation de travail entre salarié et employeur, au point que ce collègue a été très rapidement disculpé.

Mais quel intérêt y avait-il à ce que sa photo et son nom circulent dans tous les journaux de France, sur tous les réseaux sociaux, alors même que rien dans toute sa vie ne plaidait pour cette culpabilité et que la justice de la République a indiqué qu’il n’était pas en cause ?…

Les journalistes devraient eux-mêmes penser leurs règles de déontologie, les rendre opposables au sein de leur profession, comme cela existe dans d’autres professions : médecins, avocats (etc.) ont des règles de déontologie et sont sanctionnés par leurs pairs s’ils font et disent n’importe quoi à n’importe qui…

Et il faut que nous, citoyens, apprenions et enseignions à nos enfants à prendre du recul, à ne pas prendre pour «argent comptant» tout ce que l’on entend ou lit un peu partout.
Il y a un effort de déontologie et d’éducation à faire.»

 

Que ressent-on, que vit-on quand les projecteurs des médias vous poursuivent de façon quasi permanente, et que certains assènent les éléments de langage, les caricatures… ?

«Parfois de l’accablement… Parfois de la colère… Et il faut essayer de s’armer de patience, car l’on sait très bien que quand on est confronté à la furia médiatique, on perd toujours ! Il faut donc essayer de prendre sur soi et espérer que la Justice dise le Droit, ce qu’elle a fait me concernant… Tout en sachant bien que les médias ne mettront jamais la même énergie à rendre publiques les décisions qui vous disculpent, qu’ils ne l’ont mise à colporter des «informations» salissantes, en y consacrant beaucoup, beaucoup d’espace!»

 

Vous connaissez de longue date le monde politique, ses combats, ses heurts, ses «coups bas» parfois… Etant amené à vous y mouvoir et à y œuvrer dans des sphères nationales au plus haut niveau, les avez-vous découverts encore plus âpres et plus durs que connus ou imaginés de vous auparavant ?

«Non… Car les oppositions politiques ne sont pas plus rudes au plan national qu’elles peuvent parfois l’être au plan local. C’est simplement que l’amplification médiatique, une fois encore, leur donne un caractère plus dur.

Vous pouvez prononcer ici ou là une demi-phrase un peu malheureuse, ou un propos inapproprié… Et c’est cela qui va sortir et prendre une ampleur terrible, alors que cela n’était pas le sens, la pensée voulus par leur auteur…

L’amplification donne donc une impression de dureté plus grande, mais il n’y a pas plus de rudesse que l’on ait pu en connaître ailleurs… y compris dans le Poher !»

 

La parole prêtée par Voltaire au roi de Macédoine Antigonos II : «… Gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge !» est devenue quasi proverbiale ! Avez-vous, vous-même, vu ou vécu des moments où cette conclusion vous a paru d’actualité ?

«Dans cette «histoire médiatique» qui m’a concerné – c’est ainsi que je la qualifie – j’ai d’abord été profondément ému par la fidélité, la solidarité et la fraternité qui ont été exprimées par les amis de Bretagne, de la circonscription, qui n’ont jamais douté… parce qu’ils me connaissent !

J’y ai été extrêmement sensible, et je remercie les électrices et les électeurs de m’avoir très largement élu.

Ceci dit, nous étions en période électorale… Et j’ai bien vu que certains ont eu l’inélégance de vouloir faire leur petit «commerce électoral» de ces faits médiatiques.

Mais, c’est Oscar Wilde, je crois, qui disait: «On ne peut être trahi que par les siens…». Puisque, par définition, ceux qui ne vous aiment pas… ne vous aiment pas !

Le plus difficile dans une période comme celle-là, c’est de sentir que le soupçon peut devenir un poison; percevoir que l’un ou l’autre se met à douter de vous. Cela vous ébranle, en vérité.Et c’est dur…

Léon Blum a eu cette phrase : «Il n’y a pas d’antidote contre le poison du soupçon.» Mais quand de rares amis se laissent ainsi manœuvrer, l’on se dit que cette amitié-là n’était finalement pas solide.»

 

Avez-vous, ainsi que les vôtres, souffert profondément ?

«Oui. Car passer pour malhonnête, voir ses enfants interpellés par des camarades de leur âge, sentir la détresse de votre compagne…

Ce sont des douleurs profondes, intimes, très bouleversantes.

Il faut s’accrocher…»

 

Dans une telle adversité, qu’est-ce qui empêche de renoncer, de céder à la tentation de tout abandonner pour se consacrer à autre chose qu’à la politique ?
Y avez-vous songé un instant ?

«J’ai d’abord estimé qu’il fallait ne rien céder tant que justice n’était pas rendue. Car lâcher aurait pu passer pour un aveu de culpabilité.

Ma compagne et moi avons considéré qu’il fallait faire face – et ma compagne et mes enfants l’ont fait avec beaucoup de courage.

Mais il est vrai que l’amplification médiatique d’accusations infondées incite davantage au retrait qu’à vouloir jouer les premiers rôles… De fait, quand je réponds aujourd’hui à des invitations de télévision, ou d’autres médias – j’y réponds infiniment moins que pendant la campagne électorale du Président Macron – je ne le fais que par devoir, et que pour ce qui me paraît absolument nécessaire dans le cadre de mes missions actuelles… mais avec beaucoup de réticence.»

 

L’adversité vous a-t-elle rendu plus fort, plus déterminé ?

«Plus fort, dans le sens où l’on mesure que l’on est capable, avec sa famille, ses amis, de surmonter une telle épreuve. Mais aussi plus sensible… On pense plus, quand on lit ou entend ici ou là que telle ou telle personne est publiquement mise en cause – indépendamment du fait de savoir ce qu’il en est – à ce que cette personne doit «encaisser»! Alors, oui cela rend plus fort, d’une certaine manière et plus sensible.»

 

Ouvrant maintenant un autre volet de cet entretien, venons-en à quelques questions qui concernent Carhaix et le Centre-Bretagne…
L’hôpital de Carhaix, sa pérennité, suscitent tour à tour espoirs et inquiétudes dans sa longue marche vers un avenir assuré… Quelle est votre analyse de sa situation actuelle ?

«L’on peut d’abord constater, maintenant avec le recul historique, que la solution de la fusion avec le C.H.R.U. de Brest était la bonne. Récemment, j’ai reçu ici les représentants du personnel, ai eu l’occasion de discuter avec le Dr Roudaut, que tout le monde connaît bien, et avec le directeur général, M. El Saïr…

Il est clair que nous devons sans arrêt être en vigilance. Parce que les questions de personnel médical – notamment de médecins – ne trouvent pas leurs solutions en un jour: il faut être en permanence dans l’action.

Le président de la C.M.E. (Commission Médicale d’Etablissement) a changé : le Pr. Fénoll avait été un artisan du succès de la collaboration entre Brest et Carhaix; il va falloir s’assurer que son successeur est dans la même disposition d’esprit…

Il faut veiller à ce que les coopérations se poursuivent, s’amplifient, et que l’on évite absolument tout repli sur soi, à Brest ou à Carhaix.

M. Paul, le directeur du site de Carhaix, est extrêmement actif en ce sens, les Carhaisiens sont très motivés pour cela, mais il faut entretenir cette flamme, et c’est un combat de chaque jour.

La fusion était un cadre nécessaire, mais il faut en faire vivre au quotidien les profits.»

 

Quels chemins sont à suivre – et lesquels sont à éviter – pour lui assurer un développement harmonieux ?

«Est à éviter la perte du sens : le sens originel était de dire que la fusion créait un établissement finistérien unique, et non une maison mère là et une annexe ou une filiale ici…

Cet esprit du sens est à régénérer en permanence, comme je le disais du Président Macron: savoir à la fois garder le sens des choses et veiller à ce que les effets voulus soient produits concrètement.

A la place qui est mienne, je n’ai de cesse de faire ce travail de vigilance. C’est pourquoi j’avais invité la Ministre Madame Touraine à venir confirmer à Carhaix l’installation de l’I.R.M….

D’autres chantiers sont maintenant à venir : les E.H.P.A.D. sur le secteur, la création d’une résidence permettant de loger dans de bonnes conditions des internes ou jeunes médecins venant travailler à Carhaix…

C’est un travail de persévérance qui est à mener : la difficulté demeurera, constante. Il ne faut pas en avoir peur, mais vivre avec, et y répondre par la persévérance, afin que, tous ensemble, nous maintenions la qualité de l’offre de soins à Carhaix.»

 

Sans être parmi les régions rurales les plus touchées par le «désert médical», le Centre-Bretagne en est cependant aussi menacé. Que préconisez-vous pour remédier à ce problème générateur d’une inégalité d’accès aux soins entre Français ? Comment apporter des solutions satisfaisantes pour tous, tout en respectant la liberté des médecins ?

«Votre question résume à elle seule la complexité du sujet !

Je fais partie de ceux qui, depuis longtemps, ont estimé qu’il fallait répondre à ce problème par la mise en place d’un système tel que le conventionnement sélectif à la Sécurité Sociale, ou l’imposition d’un certain temps d’installation ici ou là…

J’étais donc dans cette idée, sinon d’organiser la contrainte, du moins de faire considérer que tout citoyen a des devoirs, y compris les médecins formés par les universités de la République, pour aller servir pendant un certain temps là où cela est nécessaire… Je dois rencontrer prochainement le président national de l’ordre des médecins pour échanger à ce sujet.

Pour avoir très souvent discuté avec de jeunes médecins, je sais qu’ils sont viscéralement attachés à leur liberté d’installation, estimant qu’après dix ans d’études, ils se sont acquis cette latitude…

Et pour avoir dernièrement discuté avec la Ministre de la Santé, je peux dire que nous allons continuer – comme cela a été voté dans la loi de financement de la Sécurité Sociale – à multiplier les dispositifs d’incitation : aides à l’installation, soutien à la création de Maisons médicales partagées avec plusieurs professionnels de santé, ce qui correspond à l’évolution du mode d’exercice de ces professions…

Mais il faut être clair: je veux bien continuer à espérer dans l’efficacité de l’incitation, mais depuis six ans que de tels dispositifs ont été mis en place, ils n’ont pas partout porté leur fruit, et la situation de secteurs comme celui du Huelgoat est aujourd’hui critique. Et l’âge moyen des médecins en Centre-Bretagne n’incite pas à l’optimisme…

Des mesures comme la pratique des stages en cabinet seraient à systématiser, afin de permettre aux jeunes médecins qui vont débuter de découvrir des territoires et d’avoir le goût de s’y installer. Le Dr Douguet, à Spézet, a ainsi remarquablement réussi sa succession…

Il y a donc des choses à inventer, des incitations à optimiser, mais je crois que si toutes ces politiques incitatives échouent, il faudra en venir à des mesures telles que le conventionnement sélectif.

La Ministre est d’accord sur l’idée d’aller jusqu’au bout du processus d’incitation, mais que si d’aventure l’on n’en obtenait pas de résultat, il faudrait revoir les choses, et elle a posé ainsi les termes du débat auprès des représentants des personnels de santé.»

 

Les récents recensements ont révélé que le Kreiz Breizh continue à perdre des habitants, alors que la Bretagne en gagne globalement… La «désertification» rurale est-elle donc inéluctable ? Quelles mesures prioritaires sont à mettre en œuvre pour la combattre efficacement, à court terme, et à long terme ?

«Rien n’est jamais inéluctable dans la vie, sinon la fin de celle-ci…

Il me semble que les enjeux d’aujourd’hui portent plus sur une certaine mobilité que dans le calcul de la sédentarisation des populations: il n’est pas rare de constater que des personnes choisissent d’habiter à une certaine distance de leur lieu de travail.

Je prends l’exemple de ce jeune sapeur-pompier volontaire de Camaret, récemment rencontré, qui travaille à Rennes mais tient à vivre le week-end à Camaret, où il prend sa garde de pompier…

Pour autant, l’emploi reste le critère principal d’installation dans une localité, pour y fonder une famille, y construire une maison, s’engager dans la vie associative…

Bien souvent les jeunes sont attirés par les métropoles, qui offrent davantage d’emplois correspondant à leur niveau d’études. Mais je ne crois pas que cela soit inéluctable : d’une part, le travail est en train de changer. Les nouvelles technologies vont apporter un développement du télétravail, qui intéresse beaucoup les entreprises, notamment de services.

Et ce télétravail va permettre une re-sédentarisation de populations.

Et d’autre part, la recherche de la qualité de vie, que nous avons dans des régions comme notre Kreiz-Breizh, va participer à ce mouvement. Aujourd’hui, le Centre-Bretagne perd, certes, des habitants, mais Paris et un certain nombre de grandes villes aussi, parce que la vie y est devenue trop chère, trop instable, insécurisée et fatigante…

Il nous faut donc maintenir l’emploi, et le créer, notamment à l’aide de cette révolution numérique qui permet des innovations comme le télétravail, d’où l’importance majeure de l’accès au Très-Haut-Débit partout en Bretagne.

Je pense que nous pourrons continuer à vivre chez nous en nombre !»

 

Plus généralement, les habitants des territoires ruraux ont le sentiment qu’un pays «à deux vitesses» se constitue désormais : une France citadine, métropolitaine, privilégiée, et une France rurale «périphérique», et sinon délaissée, du moins reléguée en «seconde zone»…
Et à l’échelle de notre région, quand l’on considère aujourd’hui la situation délicate de la Bretagne Centrale, comparée au développement de la Bretagne côtière, on ne peut s’empêcher de penser à nouveau qu’elle a été la grande oubliée de l’aménagement du territoire breton dans les années 1960-1970, ce dont la RN164 est un symbole…
N’y aurait-il pas maintenant des décisions volontaristes importantes d’aménagement du territoire à prendre pour pallier cet oubli, bien au-delà de mesures telles que le Très-Haut-Débit ?
N’y aurait-il pas notamment nécessité de favoriser l’émergence des pôles ruraux-villes moyennes en Centre-Bretagne ?

«Les politiques publiques sont une chose, la volonté des individus et les modes de vie en sont une autre… Si tous ceux qui travaillent dans le Poher vivaient sur place, nous serions plus nombreux !

Des personnes qui ont leur emploi en Centre-Bretagne, y compris dans des services publics, font le choix de ne pas y habiter, pour des raisons de vie de couple, de famille, ou autres…

Il nous faut tenir compte de cela. Et on ne peut à la fois vouloir vivre dans une société de liberté et demander à l’Etat d’imposer des mesures de réaménagement. Considérons l’invraisemblable difficulté qu’ont eue les gouvernements successifs pour réussir le transfert du siège d’IFREMER à Brest… A Brest, alors que l’on parle de la mer !… Cela a été et reste tout un combat !

Je ne crois donc pas à des mesures autoritaires. En revanche, il me semble, en effet, qu’un certain nombre de services communs, qui desservent tout un territoire, puissent tout aussi bien être situés à Carhaix, qu’à Brest ou Rennes…

Et je pense que l’évolution des infrastructures va nous aider. L’installation d’O.C.P. à Carhaix en est un exemple précurseur. Ce distributeur de médicaments y est venu à cause de la centralité de Carhaix, l’amélioration du réseau routier lui permettant d’avoir un seul entrepôt central plutôt que plusieurs disséminés sur le territoire breton.

Typiquement, nous pourrons voir la même chose se réaliser demain pour toute une série de métiers, dans le secteur de la logistique – comme l’entreprise de transport T.S.O installée à Cléden-Poher – ou dans le domaine du numérique…

J’ai la conviction que la centralité va redevenir cet atout majeur – qu’il est réellement – pour le Centre-Bretagne, si nous avons l’autoroute de l’information qu’est le Très-Haut-Débit et un réseau routier de qualité. C’est pourquoi j’ai demandé à Madame Borne, Ministre des Transports, de venir confirmer à Landeleau – et non à Paris – l’engagement pour la mise à 2X2 voies de la RN164.

La qualité de vie – culturelle, associative… – fera le reste. C’est aussi pourquoi il nous faut conserver à tout prix l’hôpital, nos collèges et lycées, des services de qualité…

L’histoire n’est pas finie. Et s’il est vrai que nous perdons des habitants, cette perte est largement inférieure aux prédictions qui étaient faites.

Je ne dis pas qu’il nous faille être d’un optimisme béat, mais je ne crois pas à la fatalité; je crois à l’optimisme de la volonté.»

 

Vos responsabilités nationales vous mobilisent beaucoup, mais l’on vous voit aussi très présent sur vos «terres bretonnes». Cet ancrage vous tient-il à cœur et vous paraît-il essentiel ?

«Totalement essentiel ! Tout d’abord parce que c’est ce que j’aime. J’ai fait de la politique parce que j’aime les autres. Je préfère la réalité humaine, les complexités humaines au seul débat idéologique, aux discussions trop théoriques.

J’ai besoin d’être sur le terrain, de discuter avec les maires, les conseillers municipaux, les responsables associatifs…

La semaine dernière, j’ai rendu visite aux brigades de Gendarmerie de notre territoire, sans médias, hormis à Carhaix pour la dernière rencontre. Je me rends souvent dans des exploitations agricoles ici ou là, sans tambour ni trompette, afin de pouvoir discuter en franchise, calmement, d’être à l’écoute…

Nous avons besoin de cela, sinon l’homme politique vit dans un bocal. On n’y respire plus, ni physiquement, ni intellectuellement.

Et j’estime très important de toujours confronter à la réalité concrète les votes faits à l’Assemblée Nationale.

Sans cette relation de terrain, je considérerais que mon mandat n’a aucun sens. Je tiens donc à cet ancrage, et c’est là que je me sens bien.»

 

Comment parvient-on à se multiplier ainsi ?

«C’est un peu un défaut : l’on a parfois l’impression de ne pas réussir à tout faire bien. Puisque quand j’arrive à Paris, mes collaborateurs me disent que j’aurais dû arriver la veille, et quand je pars, ils estiment que je devrais partir le lendemain. Et quand je circule sur notre territoire, on me dit qu’il faudrait se voir plus souvent… Il y a donc une dimension frustrante !

Mais sinon, il faut se lever tôt et se coucher tard, et surtout s’organiser le plus rigoureusement possible pour, à la fois, être sur le terrain, bien représenter notre territoire à Paris, et garder un peu de temps pour la vie familiale et amicale… Je ne vais pas vous dire que c’est simple!»

 

Vous êtes le député d’une circonscription atypique et même assez unique puisque allant du Centre-Bretagne à Ouessant… Est-il facile d’en gérer la diversité des situations et problèmes ?

«D’abord, j’aime dire que c’est la plus belle des circonscriptions, puisque – du Poher, des Monts d’Arrée, des Montagnes Noires, avec la veine centrale qu’est le Canal de Nantes à Brest, puis la presqu’île de Crozon et enfin Ouessant; de Scrignac à Coray, de Plougastel à Kerlaz aux portes de Douarnenez… – c’est un territoire d’une richesse inouïe, et extrêmement attachant !

Évidemment, cette diversité est aussi source de complexité : le maire d’Ouessant m’indiquait récemment avoir un problème avec les Bâtiments de France pour des éoliennes qu’il veut installer, avec l’approbation de la population, afin de parvenir à l’autonomie énergétique de l’île… A Plougastel, ce sont des problèmes liés à l’urbanisme en raison d’une distinction spécieuse faite entre un hameau et un village. Vers le Kreiz Breizh, on trouve davantage des enjeux liés à la situation du monde agricole. En presqu’île de Crozon, la problématique est plus liée aux urgences de santé…

Mais ces problématiques différentes se rejoignent finalement toutes dans la traduction de ce qui est l’intérêt général. Et ce qui m’intéresse, c’est de faire en sorte que l’on trouve les réponses à des problèmes concrets, de terrain, par des dispositifs votés au plan national.

Je dirais donc que je trouve dans cette circonscription une surabondance de travail, mais aussi tout mon bonheur!»

 

Cet horizon élargi vous a-t-il donné un autre regard sur Carhaix, sa région, leurs problématiques… ?

«Non pas un autre regard… Mais je dirais que tout en ayant à l’esprit, comme chacun, les difficultés propres à notre territoire, on mesure en prenant un peu de recul et en échangeant avec des parlementaires d’autres contrées, que des problèmes bien plus aigus se posent parfois ailleurs, et que malgré toutes les tempêtes et les difficultés qu’a connues et que connaît notre territoire, nous avons un niveau d’équipements et de services publics incomparablement meilleur que celui d’autres régions rurales de France. Et je parle là pour les générations d’élus et d’acteurs économiques et sociaux qui se sont succédé…

Le dynamisme culturel, associatif, les repères entre les gens, cet art de vivre breton donnent son sens à cette notion de fraternité plus forte chez nous qu’ailleurs.

J’ai donc envie de citer ce dicton qui dit : «Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console!» Sans nier nos difficultés, et en travaillant pour les lever, voyons les raisons d’être fiers de nous, de notre agriculture, de la qualité de nos services, de la qualité de vie et des relations humaines que nous avons dans notre Poher !»

 

Le «pays COB» ne paraît pas en très bonne santé ; il semble avoir perdu de sa vitalité… Qu’en pensez-vous ?

«J’ai toujours pensé, et je continue à penser, que l’échelle du pays est la bonne pour travailler.

Même si cela n’est pas très perceptible pour la population, c’est l’espace qui a permis des mobilisations essentielles, pour la défense de l’hôpital, pour le maintien de services publics, pour l’accès à des financements européens… C’est un espace de projets pertinent et utile.

Par conséquent, je considère qu’il faut continuer à investir dans cet espace de projets. Je lis bien ici ou là que certains auraient la tentation de se replier sur un espace plus restreint, mais je crois que c’est une erreur.

Souvenons-nous qu’il a été le premier pays de France. Celui qui a le mieux contractualisé au plan régional et au plan européen: depuis l’invention des Fonds LEADER, ce pays a toujours été éligible, grâce notamment au travail de ses présidents successifs, qui se sont considérablement investis, et ont, par exemple, réussi à faire que soit endigué le risque de

désertification qui était alors plus grand que les chiffres d’aujourd’hui ne le disent.

Je souhaite que tous les responsables aient cela à l’esprit, ne soient pas dans une opposition au pays COB – ce qui serait absurde – mais s’y investissent.»

 

Vous sentez-vous «Breton» lorsque vous évoluez dans les cercles élevés du pouvoir ? Réagissez-vous en Breton du Kreiz Breizh ?

«Je suis un Breton d’adoption, mais me sens profondément de là. Et oui, je réagis en Breton du Kreiz Breizh parce que toute ma formation d’élu s’est faite là. Mon premier mandat, dont je garde le meilleur souvenir, a été celui de Conseiller général de Carhaix.

Face à tout sujet qui se présente, et où que ce soit, ma manière de travailler – cet enjeu du concret, la volonté de voir les choses à l’échelle d’un territoire – me fait m’interroger sur ce qu’en penseraient les gens que j’ai croisés la semaine d’avant et que je croiserai la semaine d’après, sur la manière dont ils réagiraient…

Donc, oui, j’agis, et je réagis, en Breton du Kreiz Breizh.»

 

De Paris… le regard que beaucoup jettent sur notre «petite» région ne devient-il pas quelque peu condescendant ?

«On trouve toujours partout des imbéciles qui se croient fondés à être condescendants, pour quoi que ce soit. Toutes les générations et tous les milieux comportent des individus qui se croient autorisés à la condescendance. Mais cela ne me paraît pas plus fréquent aujourd’hui qu’avant… Chaque génération a – hélas – son quota d’esprits médiocres.

J’exige personnellement respect et considération pour tous nos concitoyens et pour tous les territoires. Ceux qui me connaissent dans les allées du pouvoir à Paris le savent, et évitent d’être condescendants envers notre contrée…»

 

La controverse sur le «tilde» du prénom breton Fañch a récemment agité la Bretagne… Qu’en dites-vous ?

«J’en dis que c’est une querelle de mauvais aloi. J’ai d’ailleurs cosigné, avec mes collègues députés bretons, un courrier pour que l’on arrête de nous «enquiquiner» sur de telles choses.

Ce tilde est une marque de l’orthographe bretonne, et j’en ai saisi la Ministre de la Justice pour dire qu’il existait peut-être des sujets un peu plus sérieux sur lesquels son administration pouvait se pencher, plutôt que de faire du pointillisme sur ce genre de chose.»

 

L’agriculture bretonne continue à connaître de graves crises cycliques, et beaucoup d’agriculteurs font plus que douter ; ils désespèrent, sont «à bout»…
Elu d’une terre très largement rurale et agricole, quelle voix faites-vous entendre auprès du gouvernement en ce domaine?

«C’est un Breton, Olivier Allain – vice-président du Conseil Régional de Bretagne, et lui-même agriculteur – qui a été le co-inspirateur du programme agricole du Président de la République, que j’ai porté avec d’autres…

Nous avons toujours pris comme axe de ce programme agricole ce principe fondamental: il faut créer les conditions pour que le juste prix soit payé au producteur.

Or, aujourd’hui, la répartition de la chaîne de valeurs n’est pas juste.

Les États généraux de l’Agriculture ont eu lieu, avec des conclusions très claires : certains grands distributeurs, y compris bretons, ne jouent pas le jeu solidaire de la juste répartition des marges et de la valeur ajoutée. Nous allons donc corriger cela, y compris par la loi!

Certes, il existe des facteurs extérieurs, que nous ne maîtrisons pas. Chacun sait que si la Chine commande beaucoup de viande de porc, les cours du porc montent, et qu’ils baissent si les commandes baissent…

Ces aléas sont à prendre en compte mais le cap doit être celui du juste prix payé. Il n’est plus possible – et cela devient insupportable – que l’on demande aux agriculteurs toujours plus de qualité, au travers des normes qu’on leur impose; toujours plus de soins apportés aux animaux et à ceci et cela, donc toujours plus d’investissements normatifs ou réglementaires, sans qu’ils en aient la juste rémunération!

Dans l’industrie, la norme crée la valeur. En agriculture, chez nous, la norme crée la valeur mais pas la rémunération…

Voilà une chose à corriger urgemment. Nous allons nous battre pour que les conclusions des États généraux de l’alimentation soient mises en œuvre.»

 

Vous avez la délicate mission – et la lourde tâche – de coordonner un vaste groupe parlementaire, issu d’un mouvement qui a, par nature, moins de cohésion qu’un groupe issu d’un parti politique… Comment concevez-vous cette mission ?

«Notre groupe compte 313 membres d’origines régionales et politiques parfois différentes. Ce sont surtout des collègues qui ne se connaissaient pas auparavant, contrairement à ce qui se passe généralement dans les partis politiques traditionnels… Il a donc d’abord fallu faire connaissance.

Sur ces 313 députés, la moitié quasiment n’avait jamais exercé de mandat électif, puisque venant directement de la société civile. L’autre moitié avait exercé des mandats locaux, mais seuls 30 avaient déjà été parlementaires…

Il y a donc eu une phase où il a fallu «s’apprivoiser» les uns les autres, apprendre à travailler ensemble, et organiser le partage d’expérience entre ceux qui débutent dans la vie publique et ceux qui en ont déjà quelque expérience, locale ou nationale…

Il a fallu réaliser tout ce travail de management sous l’œil des médias très empressés à traquer la «petite phrase» dont ils pourraient faire une grande gaffe !

Cela demande beaucoup d’écoute. Je me définis souvent comme un «accoucheur» de talents, c’est-à-dire que j’essaie de permettre à des collègues qui apportent un savoir-faire nouveau, une fraîcheur nouvelle, un enthousiasme dans leur engagement, de prendre des responsabilités, et de s’exprimer dans les médias…

Je suis un peu comme l’entraîneur d’une équipe de 313 joueurs !»

 

Et comment menez-vous cette mission «sur le terrain» ? N’est-ce pas forcément une tâche un peu ingrate ?

«Ce n’est pas toujours simple, parce que certains savent mieux se mettre en valeur que d’autres, qui sont plus réservés ou plus modestes, mais aussi compétents. Il y a tout un travail de repérage, de contacts, d’écoute, d’organisation… pour que l’expertise ou l’expérience de collègues élus dans cette nouvelle vague soit utilisée au mieux pour l’intérêt général.

Sans être ingrat, ce n’est pas forcément simple, par exemple quand telle ou telle responsabilité est à confier, que se présentent quarante ou cinquante collègues candidats, et qu’il vous faut en choisir un seul, sur des bases incertaines. Vous faites forcément des mécontents!

Il faut beaucoup expliquer, justifier et veiller à bien répartir les responsabilités…»

 

Vous participez à une «aventure» politique inédite en France, celle d’un mouvement et d’un gouvernement trans-partisan. Peut-elle augurer d’une ère nouvelle de la vie politique, s’affirmer et être durable ?

«Je l’espère profondément. L’idée de départ était de rassembler des personnes qui sont d’accord sur des objectifs quelles que soient leurs histoires personnelles par rapport au politique.

Il était clair que sur de grands sujets comme l’économie, la sécurité, l’Europe, vous aviez des gens dits de gauche qui n’étaient d’accord sur rien et des gens dits de droite qui n’étaient plus d’accord sur rien, il était temps de rassembler celles et ceux qui étaient d’accord sur un certain nombre de choses, en recomposant le spectre politique, ce que le candidat Emmanuel Macron a eu l’audace de proposer.

C’est maintenant le programme que nous avons porté qu’il nous faut mettre en œuvre dans l’action, et qui est notre ciment.

Nous avons renouvelé en profondeur, mais il faudra continuer à renouveler, ce qui est tout l’enjeu de la réforme constitutionnelle que nous allons proposer.

Il va falloir aussi trouver des modes de fonctionnement où l’on conserve cette écoute du terrain, ce pour quoi nous organisons beaucoup de rencontres d’échanges, de partage, d’explications…

Mais nous pensons également que le mouvement politique doit aujourd’hui se comporter un peu comme une O.N.G. Pour être concrets: nous avons des collègues qui se sont engagés sans chercher à être élus, mais qui vont s’investir dans des formes concrètes de solidarité ou de tutorat… Tels chefs d’entreprise en retraite proposent bénévolement leur expérience à des jeunes qui s’installent…

Cette mobilisation citoyenne dont nous avons besoin, dans le domaine économique, mais aussi pour le lien social, il faut que le mouvement politique s’emploie à la soutenir. C’est ce en quoi il peut être nouveau, s’affirmer et durer. C’est une grande ambition. L’histoire dira si nous y parviendrons… Mais nous y travaillons.»

 

Il est désormais évident que le «vieux» monde issu de l’Après-guerre 39-45 se disloque et qu’une nouvelle ère géostratégique mondiale s’ouvre… Non sans grandes incertitudes et risques…
Quels sont en ce domaine vos espoirs ? Et vos craintes ?

«Je crois que la recomposition qui s’opère dans notre démocratie en France est aux avant-postes de ce qui va se passer ailleurs en Europe. Sinon, la pire des maladies de l’humanité guette l’Europe : le nationalisme. C’est-à-dire la détestation des autres. Car le patriotisme, c’est l’amour de la patrie, mais le nationalisme se crée sur l’adversité envers autrui. Et on le voit affleurer partout en Europe…

Par ailleurs, on assiste au repli des Américains sur eux-mêmes, dans une forme d’isolationnisme, et à la montée d’une agressivité – essentiellement commerciale, mais très vive – dans d’autres parties du monde.

C’est donc à l’échelle européenne et internationale que le travail politique de nos grands dirigeants va devoir se faire. C’est pourquoi le rôle d’un Président de la République française est aussi important quand il est en Chine que quand il travaille à la construction de l’Europe, ou qu’il rencontre MM. Poutine et Trump, ou Erdogan et Netanyahou, pour nouer des dialogues… Il faut parler à tout le monde, car rien ne serait pire que de se murer dans un silence hostile. Le but est de parvenir à créer des règles internationales, qui créent des coopérations permettant d’empêcher les conflits.

C’est un travail de vaste ampleur, mais les traités internationaux – y compris commerciaux – ont au moins un aspect positif : ils sont facteurs de paix. Le commerce n’est pas le seul antidote à la guerre, mais il en est un. Les échanges culturels doivent aussi trouver un nouveau souffle, car si l’on voyage aujourd’hui de plus en plus, je ne suis pas sûr que l’on échange de plus en plus…

Il y a donc des liens à construire, entre les nations, les patries, les continents. Pour cela, la volonté et la qualité des grands dirigeants du monde seront une des clés.

Mes espoirs sont sur cette raison humaine: que l’on comprenne que l’enjeu est planétaire, pour le climat, pour lutter contre la faim et la misère, qui génèrent beaucoup de guerres, et font des gens des proies simples pour le fanatisme…

Ce qui est à craindre, si ces espoirs de coopération entre les peuples ne se réalisent pas, c’est la guerre et son cortège de malheurs. Il faut en ce domaine nous souvenir que l’Europe nous a préservés de la guerre ces dernières décennies, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites, si l’on veut bien considérer l’histoire de France, ne serait-ce que sur les deux derniers siècles.

L’Europe nous est donc précieuse, et il faut faire souffler l’esprit européen sur d’autres régions du monde, afin de porter la paix au-delà.»

 


 

Télécharger l’article complet au format PDF