En un instant, la salle de classe s’embrase. Le feu se propage rapidement à toute l’école. A l’intérieur se trouvent deux jeunes garçons, Glenn Cunningham, 7 ans, et Floyd, son frère aîné. 

Ce 9 février 1917, Glenn s’apprête à allumer le poêle à charbon dans la petite école rurale d’Elkhart, au Kansas, comme il le fait tous les jours pendant la période hivernale. Comme d’habitude, il prend le bidon pour verser un peu de kérosène sur le charbon afin de faciliter l’allumage. Seulement, la veille au soir, quelqu’un, pour un autre usage, a rempli ce bidon d’essence. 

Le drame est inévitable. Dès que Glenn craque l’allumette, l’essence prend feu avec une rapidité inouïe, provoquant une véritable explosion. Glenn et son frère sont inconscients lorsqu’on parvient à les extraire du brasier. Floyd succombe à ses brûlures au bout de 9 jours, mais Glenn, à la surprise des médecins, survit quoique sévèrement brûlé. 

L’avenir s’annonce bien sombre

L’avenir de ce jeune écolier sportif, plein de vie, s’annonce toutefois bien sombre. Tout le bas de son corps, surtout les pieds et les jambes, est si grièvement brûlé qu’il ne reste plus de peau et, à certains endroits, pratiquement plus de chair. Plusieurs orteils sont très abîmés. Les médecins lui donnent très peu de chances de pouvoir, un jour, remarcher et lui prédisent comme seule perspective d’avenir, une vie entre le lit et le fauteuil roulant. Certains d’entre eux pensent même qu’il faudra amputer les deux jambes. 

A certains moments, Glenn entend de son lit les médecins expliquer à voix basse à ses parents ces sombres prévisions pour l’avenir. Il appelle sa mère et lui dit en pleurant: «je ne veux pas devenir un invalide, je veux marcher». Malgré son état, il croit en son avenir, et il est décidé à réapprendre à se servir de ses jambes. Lorsque ses parents voient la détermination de leur fils, ils lui apportent tout leur soutien, empêchant ainsi tout projet d’amputation. Glenn veut montrer aux médecins que tout est encore possible. Pourtant, pour ceux qui voient ses jambes pendre mollement, presque sans vie, il est bien difficile de croire que ce garçon pourra un jour s’en servir à nouveau.

Pendant de longs mois, Glenn passe effectivement son temps entre le lit et le fauteuil roulant. Sa mère, avec beaucoup de patience, masse ses jambes pendant des heures chaque jour, appliquant ensuite des compresses pour soulager la douleur, espérant voir les muscles s’affermir à nouveau… Pendant tout un temps, cependant, aucun progrès n’est visible.

Il s’accroche à son rêve de courir à nouveau

Mais tout au long de ces jours si difficiles, Glenn refuse de se décourager. Il demeure tout aussi déterminé, et il puise aussi son courage dans une foi réelle en Dieu et en sa puissance. Il veut remarcher et…, bien plus encore, son rêve est de pouvoir, un jour, courir, comme ses camarades d’école! 

Il s’accroche à ce rêve, c’est sa raison de vivre, et il croit sincèrement qu’aucun obstacle n’est infranchissable. Et au bout de 22 mois, il fait à nouveau ses premiers pas. Sa famille et les voisins et autres passants voient souvent le jeune Glenn s’adonnant à toutes sortes d’exercices pour regagner petit à petit sa mobilité. Tantôt il s’accroche à une charrue, tantôt il s’appuie sur la clôture… Parfois même, il saisit la queue d’un animal de la ferme pour avancer. Il ne compte pas les heures, il refuse d’abandonner. La douleur est là, en permanence, comme de véritables coups de poignards. Au bout de longs mois de souffrance, il marche péniblement avec des cannes, puis, au début de l’été 1919, plus de deux ans après l’accident, il peut enfin jeter celles-ci.

C’est une première étape, une première victoire, mais le combat continue. Désormais, il se rend à l’école à pied, puis il s’oblige à courir. 

Les massages quotidiens continuent, ils sont plus nécessaires que jamais pour donner un peu de souplesse aux membres endoloris. A partir du moment où il arrive à courir, il court toujours pour se déplacer. Il court par pur plaisir de pouvoir à nouveau le faire, rien ne l’arrête plus. Sa manière de courir est différente, il n’a pas une foulée souple comme ses camarades, mais il compense ce qui manque en souplesse par la force, le courage, la persévérance. Parfois, on se moque de sa manière bizarre de courir, mais les pires moqueries ne l’arrêtent pas.

Un exploit incroyable

Et un jour, à l’âge de 12 ans, il s’inscrit à une course à l’école… et il la gagne! Cette victoire incroyable est le début d’une grande carrière de coureur de demi-fond : surtout le mile et le 1500 mètres. Avant et après chaque course, un massage d’une heure permet d’atténuer quelque peu la douleur.

En 1932, Glenn Cunningham est sélectionné dans l’équipe olympique américaine où il court le 1500 mètres. Il termine quatrième, un exploit d’autant plus grand qu’il a de la fièvre. 

En 1934, à Madison Square Garden, à New York, il établit un nouveau record du monde du mile: 4 minutes, 4 secondes et 4/10, un record qui ne sera pas battu pendant 17 ans. Mais son plus grand exploit, sans doute, c’est la médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Berlin, en 1936.

Dans son livre «Never Quit» («N’abandonne jamais»), il raconte son combat pour dépasser l’homme de tête, un coureur français.

«J’étais sur le point de le dépasser, écrit-il, mais soudain ma jambe droite a eu une défaillance. Je suis presque tombé… Des douleurs intenses dans les deux jambes… J’ai allongé mon pas, j’ai lutté contre la douleur… Mais j’étais en grosse difficulté. Mes jambes allaient me «lâcher» d’un moment à l’autre…» 

Malgré sa souffrance, il arrive à doubler le Français mais, trop tard, il a vu arriver, juste avant la ligne d’arrivée, Jack Lovelock, un coureur néo-zélandais qui le dépasse et rafle la médaille d’or. Son exploit est quand même incroyable.

Il espère toujours gagner un jour cette médaille d’or, mais en 1940, les Jeux Olympiques n’ont pas lieu à cause de la guerre, ce qui le contraint à abandonner la compétition. Il ne remportera donc jamais de médaille d’or olympique, et il ne réalisera pas non plus son autre rêve, celui de courir le mile en moins de quatre minutes. Mais il n’en est pas vraiment déçu: «je sais, dit-il, que j’ai fait tout ce que j’ai pu.»

Il décide de consacrer le reste de sa vie à aider des jeunes en difficulté. Chrétien authentique, il veut servir son prochain en mettant en pratique l’enseignement du Christ dans les Évangiles. Pour ce faire, il crée, avec son épouse, un ranch, où le couple, totalement dévoué à cette tâche pendant quelque trois décennies, accueille et élève comme si c’étaient leurs enfants près de 10000 jeunes. Les échos de ceux qui ont triomphé de toutes sortes d’épreuves et de difficultés, grâce à l’exemple de courage et de persévérance de ce grand sportif, sont encore très nombreux aujourd’hui, plusieurs dizaines d’années après sa mort en 1988.