«Le bon sens est plus fort que le marketing»! Si ce slogan est hélas loin de se vérifier chaque jour dans notre société, il correspond bien à ce que vit la petite entreprise des Côtes-d’Armor qui en est à l’origine et qui aujourd’hui a le vent en poupe ! 

Pourtant, dans l’univers ultra-concurrentiel des produits ménagers, où les multinationales rivalisent d’arguments marketing pour accroître leur part de marché, l’entreprise «Le Briochin», fait figure de Petit Poucet ! 

Mais, fort de son savoir-faire traditionnel, artisanal, et fidèle à la qualité qui a fait sa renommée depuis maintenant un siècle, le spécialiste du savon noir à l’ancienne séduit de plus en plus de ménages en France et à l’étranger! Et pour cause, s‘il est vrai que le vintage est à la mode, le naturel, le bio et l’efficace le sont également. Alors quand vous alliez le tout…

L’histoire commence il y a 100 ans tout juste, le 3 août 1919… quand Renaud Raul, alors marchand cirier, décide de se lancer dans la production de savon noir, dans un petit atelier de Hillion, près de Saint-Brieuc. Son but est clair: offrir des produits nettoyants, de qualité, efficaces pour des professionnels particulièrement concernés et demandeurs, tels les garagistes, les mécaniciens, les peintres et imprimeurs. Leurs mains, plans de travail et autres pinceaux doivent pouvoir retrouver leur propreté en toutes circonstances…

Recette à l’ancienne… et chimie triomphante !

Sélectionnant avec soin ses matières premières et reprenant à son compte les procédés de fabrication ancestraux issus des traditions et du savoir-faire des artisans-droguistes, il met au point une «recette» de savon noir à base d’huile de lin (richesse bretonne durant des siècles!) qu’il commercialise sous la marque «Le Briochin». 

La qualité de ses produits devient rapidement la référence auprès de nombre de professionnels. Le bouche-à-oreille fait le reste. La réputation s’étend progressivement au-delà de la Bretagne, particulièrement dans le Sud-Ouest de la France! 

Et c’est fidèle à ce mode de production artisanal que, durant sept décennies, sans faire de bruit, avec des hauts et des bas, la petite entreprise va traverser l’essentiel du XXe siècle. 

Mais il faut bien l’avouer, au tournant des années 80-90, le bon vieux savon noir à l’huile de lin est quelque peu ringardisé par nombre de produits ménagers nouveaux, tous plus colorés et odorants les uns que les autres, faisant la part belle aux principes actifs de la chimie triomphante!

Un tournant décisif…

La petite marque costarmoricaine est alors rachetée par Harris (spécialiste des allume-feux), mais garde toutes ses spécificités et ses adeptes, qui ne sont plus seulement dans le milieu professionnel… En effet, régulièrement depuis quelques années, des particuliers frappent à la porte de l’entreprise ou téléphonent, afin de savoir où et comment il est possible de se procurer ce fameux savon noir qui «lui au moins n’est pas chimique et tout aussi efficace».

Cette demande croissante et insistante de ménagères et autres particuliers, soucieux d’utiliser ce produit naturel qui a fait ses preuves, va achever de convaincre les dirigeants de la petite entreprise de franchir le pas et de proposer leur produit à la vente à «monsieur et madame Tout-le-monde».

L’année 1995 marque donc un tournant, car, pour la première fois, le savon noir «Le Briochin» va faire son apparition dans les Grandes et Moyennes Surfaces (GMS).

Mais pas question de transiger sur la qualité des produits et sur le mode de production artisanal! Certes pour les besoins de ce nouveau marché, le nom de la marque évolue, le personnage de «Jacques Briochin», tout droit sorti de l’imagination fertile du service marketing, est créé. 

Le produit ménager «miracle» !

Mais le procédé de fabrication «mi-cuit», et donc le savon noir, demeure le même!  «À base d’huile de lin (provenant d’une huilerie de la Somme) à laquelle on rajoute des sels minéraux, que l’on chauffe lentement durant douze heures, jusqu’à ce que se produise la réaction chimique: la saponification. Le produit obtenu est alors «transformé» en savon…. Pas de conservateur, pas de parfum synthétique, pas de colorant; la seule différence avec le produit de 1919 étant une meilleure qualité de raffinage de l’huile»! explique fièrement Philippe Allio, aujourd’hui dirigeant de l’entreprise.

Si rapidement cette option grand public est un succès, le décollage a lieu au milieu des années 2000! Le savon noir demeure le produit phare de la marque, mais est décliné sous différentes formes (liquide, prêt à l’emploi, spray,…), s’adaptant aux multiples lieux et utilisations possibles de ce produit ménager «miracle»! 

La petite entreprise prospère alors rapidement (+20% de croissance par an !), s’agrandit (sur 3 lieux différents, mais toujours en Bretagne), embauche (47 salariés) et atteint aujourd’hui un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros pour quelque 6 millions de produits vendus! La clientèle ne cesse de croître, atteignant aujourd’hui 1,8 million de foyers français.

«Le bio, chez nous, ce n’est pas du marketing, c’est notre ADN» !

Il faut dire que la gamme de produits s’est assez considérablement élargie ces derniers temps! «En tant qu’artisans-droguistes, nous nous devons de répondre à tous les besoins d’une maison, du sol au plafond» demeure le leitmotiv de «Jacques Briochin». Toutefois, depuis 2016, le «papy savon noir» a décidé d’innover à nouveau et d’étoffer sa gamme avec des produits cosmétiques: savons, lait pour le corps, baume….

Mais il faut l’avouer, cette nouvelle dynamique, l’entreprise Le Briochin la doit également à ce qui, il y a encore quelques années, avait pu être un handicap. Entendez sa rusticité ou plutôt la naturalité de ses produits qui aujourd’hui est devenue tendance dans notre société… 

«Nos produits ont plein de vertus: ils utilisent des matières naturelles, sont respectueux de l’environnement, ne sont pas nocifs pour la santé, en plus d’être très efficaces» explique, en toute modestie, Caroline Cantin, directrice adjointe de la marque. Et d’ajouter: «si aujourd’hui nombre de marques se mettent au vert, au bio,… chez nous, ce n’est pas du marketing, c’est notre ADN»! 

Pourtant la perception de cet avantage concurrentiel n’a pas été de soi, au moins au début. 

Des caractéristiques plébiscitées par les clients 

«Au départ, les nombreux coups de téléphone de gens nous demandant où trouver nos produits, leur origine, ont joué le rôle d’études marketing… Puis, continuant à être attentifs aux questions de nos clients, à ce qui se disait sur les forums internet, etc., nous avons perçu qu’ils répondaient à une attente… Ce sont nos clients qui nous ont dit: “Pourquoi ne mettez-vous pas en avant vos lessives sans OGM et sans colorant ou le côté bio de votre savon, et sans allergisants?”» explique P. Allio. 

Mais oui, bien sûr! Se différencier par ce qui est la caractéristique principale et la recette même du savon noir artisanal depuis 1919, à savoir sa qualité naturelle, en voilà une idée !

Dès lors, la marque commence à afficher fièrement, sur certains de ses savons, les labels bio Ecocert ou encore Cosmos organic sur des produits de beauté! Sans oublier le fameux «fabrication 100% française»! 

Ainsi, quand le journal «Le Parisien» fait un supplément sur le «made in France», voilà le spécialiste du savon noir à l’honneur! Et quand, en mars 2017, l’UFC Que Choisir révèle avoir effectué un test multicritères comparatif (efficacité, santé, environnement, prix,…) sur 23 nettoyants présents dans les rayons de nos supermarchés, celui qui se hisse tout en haut du classement (avec la note de 15,2/20) n’est autre que le vrai, l’original savon noir de Hillion! Il n’en fallait pas plus pour que «papy Briochin» devienne la mascotte des «ménagères branchées»… Et qu’il entre ainsi dans le «top 10» des marques de produits d’entretien les plus vendues en France! «Feu de paille» diront certains… 

«100 ans d’expérience feront toujours la différence !»

Que nenni! Certes plus cher (3,5€ le litre) que la moyenne (mais aussi plus économique, affirment ses producteurs), le savon noir bio peut se prévaloir d’un taux exceptionnel de fidélisation clientèle en France: 96%!  

Pas étonnant que, depuis quelques temps, «Jacques Briochin» soit désireux de faire partager de plus en plus cet engouement hors de nos frontières: Canada, Corée, Japon,… visant désormais 10% de son chiffre d’affaires à l’export.

Bref, si l’adage cher à une autre grande marque appréciée des Français dit vrai: «100 ans d’expérience feront toujours la différence!», alors, nul doute que le savon noir n’a pas fini de faire briller notre «petite» entreprise bretonne !