Comment se fait-il que tant de lieux en Bretagne portent le curieux nom de «croissant» ou «Le croissant» quand rien alentour ne paraît faire écho à cette référence gastronomique ?

Et qui ne s’est un jour interrogé sur l’origine de ces toponymes un peu mystérieux ?…

Bien des Bretons le savent: ces croissants-là n’ont rien à voir avec la présence en ces lieux d’une quelconque boulangerie-pâtisserie, ni ancienne ni récente, et l’observateur perspicace aura remarqué que le seul dénominateur commun à ces endroits par ailleurs très divers est qu’ils sont situés à un carrefour.

C’est même là l’origine de leur nom – mais de leur véritable nom, breton celui-là : Kroazhent, c’est-à-dire la croisée des chemins, le croisement, le carrefour… naguère bien stupidement francisé en «croissant» !

Sans forcément se référer à de telles aberrations toponymiques, le collectif d’associations Kevre Breizh alertait récemment les élus locaux sur la lente disparition des noms de lieux bretons, en diffusant auprès des mairies un livret rédigé par Alan Ar Gal et publié en breton, en gallo et en français.

L’un des objectifs était d’inciter à donner des noms bretons à des rues, routes, chemins et quartiers, puisque c’est là une des prérogatives des municipalités.

Kevre Breizh soulignait que les micro-cadastres fourmillent de noms de lieux bretons, héritage souvent ancien dans lequel il est possible de puiser une ample diversité de toponymes riches de sens.

Ces noms qui rappellent souvent des caractéristiques du paysage, ou portent la mémoire de la petite histoire locale, notamment, ne sont pas seulement un patrimoine ancien, un trésor culturel…

Dans un monde de plus en plus uniformisé, standardisé, normalisé, ils créent aujourd’hui une singularité, une originalité, donnent une identité, enracinant également les habitants dans un territoire, ainsi que le note Alan Ar Gal.

Et pour la langue bretonne, elle aussi – sinon en voie de disparition – du moins en situation difficile, la présence de ces toponymes est essentielle. Ils sont sans doute l’inscription la plus forte du breton dans le quotidien. Une présence que l’habitude peut rendre invisible aux yeux de certains, mais qui peut aussi, à l’inverse, susciter l’intérêt, la curiosité, l’envie de connaître la signification et l‘origine des toponymes, et de se plonger dans la connaissance de la langue.

Vivent donc les noms de lieux en breton !

 

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