Des effluves de marrons grillés, de gaufres, de vin chaud aux épices, des illuminations qui scintillent, des chalets en bois entourés de sapins qui fleurent bon les forêts du grand Nord… Tradition venue de l’Est de la France, les marchés de Noël ont gagné, depuis les années 1990, peu à peu l’ensemble du territoire français. Nombreux sont les villes et les villages où désormais s’installent en fin d’année de petites échoppes pour proposer des spécialités et gourmandises régionales, des décorations et objets artisanaux, ainsi que bien des idées de cadeaux divers et variés, traditionnels ou parfois plus pittoresques. 

L’atmosphère de Noël qui y règne fait rêver petits et grands, acheteurs comme vendeurs… Certes, d’aucuns y voient parfois l’occasion de n’y développer qu’un business lucratif… Mais heureusement, en certains lieux, ces marchés demeurent un lieu convivial et familial, un vrai marché local, empreint de qualité, de joies de Noël et de valeurs traditionnelles. 

Cinquante, soixante, soixante-dix… cent… Combien y a-t-il de marchés de Noël en ce mois de décembre 2021 en France? Difficile à dire, tant, chaque année, le nombre ne cesse de grandir! Ainsi, chaque fin novembre et pendant les quatre semaines précédant Noël, la période de l’Avent, bien des places principales de villes et villages se parent de petits chalets, sapins, et illuminations… et accueillent des animations typiques de cet avant Noël. 

Six Français sur dix

Parfois, le marché est plus ponctuel, sa manifestation plus modeste… Mais l’esprit est le même, la montée vers «la joie de Noël». 

Ainsi, ce sont désormais près de 6 Français sur 10 qui aiment s’y rendre, tant pour le plaisir des yeux et l’ambiance, que pour y faire des achats…  

Si la tradition des marchés de Noël est ancienne, leur origine demeure à ce jour quelque peu incertaine. Les premiers marchés de Noël auraient eu lieu en Allemagne ou en Alsace, aux alentours du XIVe siècle, sous la dénomination de «marché de Saint Nicolas».

La première trace écrite date, quant à elle, de 1434. Sous le règne de Frédéric II de Saxe, le lundi précédant Noël, la ville de Dresde, en Allemagne, a en effet organisé un marché de Noël, ou «Striezelmarkt». Puis, au XVIe siècle, sous l’impulsion de la Réforme, les marchés de Noël furent rebaptisés « Christkindlmarkt » (marché de l’enfant Jésus). 

Strasbourg, 2 millions de visiteurs, 300 millions de chiffre d’affaires

C’est également à cette période que les marchés de Noël se développèrent dans l’Est de la France, région encore aujourd’hui où cette tradition demeure la plus ancrée et les marchés les plus nombreux et populaires. Car, d’après les historiens, c’est principalement suite à la guerre de 1870 et à l’émigration de nombreux Alsaciens sur le territoire national, que les marchés de Noël ont peu à peu gagné l’ensemble de la France.

Reste que le plus célèbre d’entre eux et le marché de Noël qui, aujourd’hui, demeure le plus important et le plus emblématique est celui de Strasbourg. Or sa création officielle ne date pas d’hier, puisqu’elle remonte à l’année 1570, plus précisément au 22 décembre, où, par décision du conseil municipal, la ville décide de maintenir le principe de la foire qui existait alors, mais en la dédiant dorénavant à la mémoire de la naissance de Jésus.

Aujourd’hui, avec un budget de 5 millions d’euros, quelque 300 chalets répartis en villages thématiques, il attire, à lui seul, plus de 2 millions de visiteurs… qui y dépensent en moyenne près de 150 euros. Les retombées économiques, pour la ville, étant évaluées à quelque 300 millions d’euros.

Mais de tels chiffres, qui témoignent tant de l’engouement populaire que de l’impact économique, amènent légitimement d’aucuns à s’interroger sur l’authenticité de telles manifestations et à déplorer que l’aspect bien souvent purement commercial ne finisse par primer sur toutes autres considérations, dans nombre de ces marchés.

30 000 euros, le petit chalet… un investissement qui pèse lourd

Non pas qu’en soi, les plus de 500 millions de chiffre d’affaires, désormais évalués pour l’ensemble des marchés de Noël permanents durant les quatre semaines de décembre en France, soient un problème: par définition, un marché demeure un lieu de rencontre entre une offre et une demande… mais quid de l’esprit ?

En certains lieux, comme à la Défense, à Paris, la location d’un chalet (de 8 m2) se chiffre entre 8000 et 30000 euros (16000€ en moyenne, tous frais compris!), pour cinq semaines! Certes, le lieu est «prestigieux» et fréquenté, les services offerts développés et la sécurité renforcée… Mais les sommes engagées, les investissements consentis, tant par les organisateurs que les vendeurs, pèsent souvent lourdement sur l’offre proposée. 

Car, si en dépit de tels montants, l’attractivité du marché permet tout de même à des petits producteurs et artisans d’objets et de produits traditionnels de Noël de tirer leur épingle du jeu, il n’en est pas de même pour tous! Il n’est dès lors pas étonnant de voir apparaître, sur certains étals, des produits «plus rentables», à l’authenticité plus discutable, pour ne pas dire «made in China» garantie. 

Attention à la fausse authenticité !

Dès lors, de nombreux chalets deviennent des lieux d’une offre et d’une vente singulière, modèle d’appropriation de la technique dite «one shot», bien loin de la relation durable et confiante qui prévaut sur de véritables marchés…

Le 25 novembre dernier, le Ministère de l’Economie et des Finances a publié, en ce sens, un avertissement: «Partout en France, la saison des traditionnels marchés de Noël est de retour. Les petits chalets prennent place dans les centres-villes avec leurs lots de décorations, de cadeaux artisanaux et autres produits du terroir. Mais attention de ne pas céder trop facilement à l’euphorie des fêtes… Voici quelques conseils pour bien acheter… De bons produits du terroir, de l’artisanat local… C’est traditionnellement ce que l’on vient chercher sur les marchés de Noël. Si la très grande majorité des vendeurs respectent les règles, des commerçants proposent parfois des produits sans rapport avec les festivités de fin d’année ou en provenance de pays lointains… Attention aux recettes dites traditionnelles … à la fausse authenticité», etc. 

Heureusement, depuis quelques années, tirant leçon de ce qu’il convient d’appeler une dérive mercantile en certains lieux, à l’initiative de communes ou communautés de communes ou/et d’organisations de producteurs, voire des Chambres d’agriculture, de plus petits marchés de Noël de «terroir», la plupart sur des territoires à dominante rurale, ont vu le jour. 

«Ici, on garantit l’authenticité des produits, mais aussi celle de la convivialité»

100% production artisanale et prioritairement locale, parfois sur quatre semaines, mais plus souvent sur des week-ends de décembre, avec ou sans chalet, mais, quoi qu’il en soit, garantissant des emplacements à prix très accessible (de 12 à 20 euros le mètre linéaire pour deux jours) et des organisateurs souvent bénévoles… ces marchés offrent une réelle alternative qualitative aux chalands, en ce mois de Noël. 

«Ici, pas de produits manufacturés… On garantit l’authenticité des produits, mais aussi celle de la convivialité» explique un organisateur d’un marché de Noël du Sud-Ouest ! 

Boissons locales, viandes, volailles, fromages, spécialités cuisinées ou encore gourmandises sucrées, dont la qualité et l’origine sont garanties par un label comme «Bienvenue à la Ferme», tel est le leitmotiv. Et cela est aussi vrai pour les objets décoratifs en bois, en cuir, en tissu, les divers ustensiles et autres productions artisanales proposées, allant de la maroquinerie à la cosmétique, en passant par la coutellerie ou encore des objets d’éclairage intérieur. 

Quoi qu’il en soit, Noël aura bien lieu !

Justement, la métaphore est peut-être simple, mais la lumière « intérieure » et l’authenticité de la convivialité, comme le soulignaient ces organisateurs des marchés de Noël de Munster dans les Vosges ou de Bram dans l’Aude, n’est-ce pas ce que beaucoup recherchent en cette période de Noël ? Et n’est-ce pas là revenir au sens premier de cette «fête» ?

Certes, en cette période de Covid, d’aucuns usent et abusent, pour toutes sortes de raisons, avouées et inavouées, d’un nouveau slogan «Il faut sauver Noël !». Vision au mieux économique, peut-être utilitariste d’un événement festif, mais vision erronée du vrai sens de Noël. Car Noël demeure un message de joie et de paix, qui a traversé les siècles pour venir jusqu’à nous! Dès lors, oui, en cette fin d’année, Noël aura bien lieu, quoi qu’il en soit… et c’est heureux !