« Lorsque je fabrique un meuble, beaucoup de mes ajustages ne sont pas visibles pour le client. Il ne voit pas que pour relier deux pièces j’ai fait une queue d’aronde. Un mobilier est complexe dans l’enchaînement de ses assemblages, c’est pour moi un challenge permanent que cette fluidité dans la conception d’un meuble. »

L’amour du travail bien fait, qu’il soit visible ou caché aux yeux de tous, caractérise le travail de Mme Uli Rossbach, maître artisan ébéniste depuis 1988, installée à Trémargat.

Coprésidente de l’association des Ebénistes et Créateurs de Bretagne, cette dernière, née à Cologne en 1964, a dû faire preuve d’une certaine ténacité pour tracer son chemin. « Après mes trois ans d’apprentissage en Allemagne, j’ai eu une proposition pour passer un brevet de maîtrise européen, une formation tripartite, qui allait me conduire en Irlande et en France. Trois années de cours et de pratique avant de réaliser un chef-d’œuvre validant mon parcours. En France, les compagnons du devoir n’acceptaient pas les femmes, j’ai donc dû me débrouiller pour trouver une entreprise. J’étais la seule femme mais heureusement avec un fort tempérament ».

En parcourant ces trois pays, l’ébéniste a découvert des méthodes de travail bien différentes. « En Allemagne nous n’avions le droit d’utiliser que des rabots à main en bois, ici dans mon atelier, ils sont tous dans un coffre et j’utilise des rabots en métal bien plus pratiques. En Irlande, je n’ai pas trouvé cette culture du mobilier, c’est un grand mélange au niveau des formations, contrairement à l’Allemagne très rigoureuse. Par contre, les Français sont très attachés à la culture du meuble traditionnel, alors qu’à Cologne nous sommes sur une ligne plus moderne, moins classique, très différente de la France, cependant le sud de l’Allemagne garde tout de même une forte tradition. »

De sa formation initiale, Mme Rossbach n’a pas perdu ce goût pour un mobilier contemporain mélangeant les techniques anciennes, tout en conservant des formes modernes avec une qualité et une durabilité sans commune mesure avec les produits de certains groupes industriels. 

C’est derrière son bureau en merisier et sycomore avec ses formes trapézoïdales, son chef-d’œuvre de fin d’études, que l’ébéniste explique quelques secrets de sa maîtrise de l’art. Des connaissances et un savoir-faire qui ne cessent de s’enrichir des expériences d’un parcours professionnel dense, tant dans les techniques que dans l’usage d’outils spécifiques. Les bois utilisés, de différentes essences, proviennent de scieries équipées de séchoir, garantissant un bois entre 12 et 14% d’humidité. 

Dans un contexte économique peu favorable, l’atelier demeure pour l’ébéniste un espace où l’esprit trouve le calme et la créativité, source de satisfaction personnelle. 

Du 6 au 11 avril prochain devraient se tenir les journées européennes des métiers d’art où l’atelier de Trémargat ouvrira ses portes, donnant une occasion de découvrir «de la belle ouvrage», accueillant aussi une plasticienne qui présentera ses réalisations. 

(photo d’illustration : http://www.koadbras.com)