Ne lui parlez surtout pas de «pantoufles» qui, il est vrai, sont un  symbole de la vieillesse dans beaucoup de dessins humoristiques… !

Mais pourquoi «les pantoufles», ces chaussons si agréables et confortables entraînent-elles ce réflexe de quasi-rejet quand il est question de vieillir ? 

Vraisemblablement parce qu’elles ont trop souvent illustré le retrait de la vie active, le renoncement à entreprendre… une forme de «sous-vie» quelque peu rabougrie…

Donc ne parlez surtout pas à Madame Virginia Oliver de «pantoufles», de s’installer dans un fauteuil à longueur de journée devant la TV ou autre moyen «de faire passer le temps»… Elle vous regarderait sans aucun doute avec commisération !

Et pourtant Madame Virginia Oliver a 101 ans ! Et son métier est loin d’être un petit travail tranquille.

Elle est «marin-pêcheur»…

Depuis des dizaines d’années, autrefois avec son mari, décédé, maintenant avec son fils de 78 ans, elle pêche les homards.

Parfois à la barre du bateau, barre qu’elle laisse à son fils quand il y a trop de brouillard, elle navigue au large des côtes du Maine (USA) et pose et visite des centaines de casiers…

Trois fois par semaine, levée à 3H30 du matin, elle se trouve avec son marin de fils, à 5H à bord.

Puis pendant des heures ils vont se livrer à cette éprouvante activité sur le pont mouvant de l’embarcation que bercent ou maltraitent les vagues.

Le fils hisse les casiers, et Virginia, vêtue de l’ensemble de pêche, bottes et gants de caoutchouc compris, se saisit des grands crustacés,  les mesure et les classe afin que le duo de pêcheurs puisse, en fin de journée, livrer la pêche à la coopérative…

A qui ose s’étonner qu’une plus que centenaire travaille toujours autant et relativement dangereusement, elle répond avec une ferme assurance:

«Je continuerai à faire ainsi jusqu’à ma mort !»

Et si quelqu’un insiste, elle réplique :

«Je le veux et je suis assez âgée pour être mon propre patron !»

Nul doute ! Les faits sont là… et Madame Virginia Oliver, déclare son fils, est aussi active à terre qu’à bord !

… «Un cas unique», diront plusieurs, «l’exception qui confirme la règle»…

Peu courant, c’est évident. Mais, bien d’autres personnes d’un grand âge donnent un exemple semblable en divers domaines, et nombre d’autres sont actifs et cultivent des projets d’avenir.

«Refus de la réalité» ?

Peut-être chez certains et il arrive même que l’actuel «culte de la jeunesse», le «jeunisme» amène à des excès ou des «fausses notes» regrettables.

Mais ce n’est pas le fait du plus grand nombre !

Au regard de l’histoire et de l’actualité, le refus d’être «catégorié», «classé» et «poussé sur le bord du chemin»…, est non seulement légitime, mais repose sur des exemples indubitables.

Combien d’hommes politiques, 

de responsables divers, d’artistes, de savants et autres scientifiques, 

d’entrepreneurs, etc. 

ont marqué l’histoire de leur temps et de notre époque…

Notre civilisation bureaucratique, étatique… calculatrice, semble avoir oublié – ou veut ignorer –, l’humain dans sa réalité d’ensemble… et plus la «numérisation», le «connecté», l’artificiel et le mercantile s’imposent, plus les classifications sont érigées en dogmes !

«A partir de tel âge»…, entend-on…

Oui, mais, lequel: Celui de la Sécurité Sociale? Celui d’un régime de retraite ? Celui…???

et(!) vous n’existez plus véritablement, «vous devenez un inactif».

Soudain, du jour au lendemain, tel ou telle qui occupait d’importantes fonctions, ou tel ou telle dont l’expérience, la culture, les capacités… étaient autant de richesses et d’exemples… «ne valent plus rien!» ou presque !

«Has been» concluront les « Marie-Chantal » du moment ou les envieux, qui trouvent en cela, enfin, une médiocre revanche.

Mais en fait, c’est non seulement une erreur, mais une grave faute! et une forme d’atteinte à la liberté humaine.

La sagesse populaire a noté que la rupture de toute activité, dans une «retraite» non préparée a souvent eu des conséquences néfastes chez ces «en retrait», et a précipité leur déclin.

Bien évidemment cela ne veut pas signifier que tous et chacun doivent demeurer rivés à leur métier tout au long de l’existence.

Il est des professions qui, par leur pénibilité, leur aspect répétitif, les contraintes physiques ou psychiques qu’elles imposent, les désagréments personnels ou familiaux qu’elles engendrent, etc., doivent être limitées dans le temps…

«Les acquis sociaux», fruits de longues luttes syndicales et de tardives prises de conscience des facteurs humains… ont remédié, en partie, à ces situations hypothéquantes… (mais il reste encore bien des «avancées sociales», et autres, à réaliser).

En ce court article nous ne pouvons qu’évoquer cet aspect qui demeure préoccupant…

Notre réflexion de ce jour, à partir de l’étonnant et encourageant exemple de Madame Virginia Oliver, est de redonner à chacun, quel que soit son âge, et ses possibilités, la détermination de ne pas subir, le désir d’entreprendre… ne serait-ce que dans son petit domaine…

Il faut pour vivre comme Virginia Oliver, et autres personnes de son genre, 

une bonne santé, des capacités physiques et intellectuelles bien conservées, 

des possibilités d’action, 

et une volonté inébranlable…

«Tout le monde» ne peut pas réussir une telle performance…

Mais chaque personne peut «se prendre en main» 

et refuser les modes et habitudes lénifiantes de cette époque,

tout autant que «d’être connecté» ou «cocooné» et «infantilisé»…

Chacun peut et doit, non pas nier ou occulter le fait de vieillir, mais refuser de «se laisser aller…», et de se voir «installer» dans la «vieillesse» par le regard de certains…

R. Frison-Roche, qui fut un très grand alpiniste, un grand aventurier, un grand écrivain… parlant du grand âge auquel il était parvenu, suggérait :

«Quand on vieillit, il faut se dire qu’il vous reste l’essentiel et accepter les petits trucs moins agréables… savoir renoncer graduellement, ne pas vouloir dépasser ses forces…»

Quelques paroles simples, auxquelles on peut adjoindre celles aux perspectives plus vastes, plus élevées, éternelles de l’Évangile.

A la lumière de l’éternité, les temps de la vie ici-bas sont relativisés, et bien situés,

car c’est la vie elle-même, ce don merveilleux du Créateur, qui importe !

«Apprends-nous à bien compter nos jours, priait Moïse, afin que nous vivions avec sagesse »… 

Éclairé par la Parole donnée par Dieu, notre horizon est illuminé par l’Espérance.