C’est l’histoire d’une vie, de la vie des journaliers, des pilhaouers, comme on les appelait, mais aussi celle d’un village à quelques centaines de mètres de la chapelle de Bon-Secours, celui de Restanlern. Ici Mme Maryse Raoult a passé sa vie, troisième génération à occuper les murs de ce corps de ferme, peut-être la dernière gardienne de l’histoire de ces paotr-saout, ceux qui ont été parfois oubliés, comme elle le martèle avec son accent qui charme les oreilles. 

Son exposition, elle l’a ouverte en juillet 2020, sans aucune aide, sauf celle de ses enfants. En quatre lieux joliment rénovés où les pierres des pentys soigneusement remontés font revivre l’histoire d’hommes et de femmes, travailleurs infatigables d’une terre à conquérir. 

«Grizioù mab den», «les racines de l’espèce humaine», tel est le nom que notre guide d’un jour a retenu pour recréer maison et mobilier de ces journaliers qui s’entassaient à deux familles dans quelques mètres carrés séparés par une rangée d’armoires. Dans ces quatre lieux, où vivaient 5 familles, on visite, en parcourant la cour de la ferme, une collection d’armoires assez unique, plusieurs dizaines, pour certaines imposantes, en if, en merisier, sculptées avec talent, chacune rattachée à un lieu. 

«Celles-ci dont les portes se composent de trois panneaux égaux, elles viennent de l’autre côté de la rivière après Pénity-St-Laurent; de ce côté de l’Aulne ce sont celles à deux panneaux. Celle-là, qui date de 1884, vient du côté de Châteauneuf…» Les décorations aussi renseignent sur leurs origines géographiques, «par chez nous, ce sont des branches, des entrelacs, ailleurs on y trouve des oiseaux… Regardez cette grande armoire, en bas derrière les portes dans le coffre, on y déposait les enfants pendant que la mère partait travailler aux champs. Il fallait les protéger car les animaux rentraient dans la maison, là au moins ils pouvaient hurler à leur aise…»

Cela fait plus de 40 ans que Mme Raoult a commencé sa collection à partir de ce qu’elle a récupéré ici dans la ferme, de ce qu’on lui a donné, de ce qu’elle a acheté dans les dépôts-ventes à l’époque où les gens préféraient le formica… «Je n’achetais pas les plus belles et j’ai passé beaucoup de temps à retirer la patine, la suie accumulée», mais le résultat aujourd’hui vaut le détour car ce bois si ancien brille de toutes ses veines. 

Un peu plus loin, le lit-clos posé à côté de l’armoire date de 1863 et laisse apparaître des sculptures d’une finesse révélant tout l’art de l’ébéniste. Le long du mur, une horloge rappelle le cadeau de noce qu’offraient les parents des jeunes mariés lorsqu’ils le pouvaient. Vêtements bretons, baratte à beurre, vieux outils en bois… une collection unique qui délie les langues des visiteurs.

«Ce qui me touche le plus, c’est ce que les gens racontent en visitant, ils se souviennent, racontent une histoire, une anecdote, un peu de leur vie… de la mienne aussi. Je ne voulais pas que tous ces meubles accumulés au fil des ans sombrent dans l’oubli, je veux les montrer comme un témoignage, un livre ouvert qui n’a pas encore été écrit.»

(illustration : site commune de Kergloff)