Être payé pour attendre… Ce pourrait être une nouvelle offre commerciale inventée dans nos pays d’affluence par quelque société pour ses clients contraints de faire la queue pendant un moment devant ses caisses ou ses guichets.

En Inde, cette expression a pris un tout autre sens : les gens aisés paient des pauvres pour attendre… à leur place, dans les interminables files qui se créent quotidiennement devant les banques. Car, en raison d’une pénurie chronique d’argent liquide, il faut des heures d’attente pour espérer pouvoir retirer des billets en banque.

Une start-up de New Delhi, Book MyChotu, a donc conçu une application qui permet d’embaucher une personne chargée de faire la queue à votre place, pour 90 roupies de l’heure – soit 1,20 euro – et pour une durée maximale de 8 heures…

Voici quelques années, les abords des Consulats de France au Cameroun – à Douala et Yaoundé – étaient aussi les lieux de tractations semblables, quoique moins technologiques: la foule des demandeurs de Visas, confrontée à un phénoménal engorgement des services administratifs débordés par les milliers de dossiers à traiter, devait souvent attendre la journée entière, et même passer la nuit dans la rue tant la file était longue…

Les plus «fortunés» dormaient sur place, dans leur voiture, ou proposaient à des miséreux de garder leur place dans la queue, des heures durant, de jour et de nuit, pour le «salaire» dérisoire de quelques francs CFA.

Ces files étaient le théâtre de querelles et de bagarres fréquentes, pour une place disputée entre pauvres gens excédés, exaspérés, harassés de fatigue, «enchaînés» à la file et parfois contraints de «sous-traiter» leur position pour quelques précieux centimes, afin de pouvoir la quitter un instant…

«Il n’y a rien de nouveau sous le soleil», écrivait le Sage du livre biblique de «l’Ecclésiaste», voici 3000 ans. Les siècles passent, les sciences et techniques progressent… Mais l’être humain progresse-t-il, lui ?

La misère prend de nouveaux visages, son exploitation aussi… Mais elles demeurent l’une et l’autre, hélas!

L’étonnant, le scandaleux et l’odieux, c’est qu’il se trouve toujours de «bonnes âmes», de «beaux penseurs» et beaux discoureurs, pour tolérer l’intolérable et justifier l’injustifiable : par exemple, que des pauvres de là-bas vendent leurs organes à des riches d’ici, afin de pouvoir s’acheter un peu de pain ; ou «louent» là-bas leur ventre maternel pour un salaire de misère à de riches consommateurs d’ici… Et que mille injustices soient parées de jolis noms, ou de sigles lénifiants, destinés à en cacher l’abjection.

 


 

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