Si la roue a été inventée et répandue entre 3500 et 2000 avant Jésus-Christ, il aura fallu attendre près de 4 millénaires pour qu’elle soit dotée de véritables pneus!
Ce n’est en effet qu’en 1830 que l’ingénieur allemand Charles Dietz dotera des diligences d’un caoutchouc qu’il intercalera entre le bois et le cerclage en métal pour améliorer le confort (ou réduire un peu l’inconfort). Puis un Anglais, un certain Charles Goodyear, découvrira le procédé chimique de la vulcanisation, permettant d’améliorer les propriétés du caoutchouc, notamment en le stabilisant dans un état souple et élastique. A la fin du XIXe siècle, c’est l’écossais John Boyd Dunlop qui inventera les premières chambres à air pour le vélo de son fils…
Mais il faudra attendre encore quelques années et l’adaptation de ces inventions à l’automobile par les frères Michelin (des Français cette fois!) pour que les roues commencent réellement à être dotées de pneumatiques!
Cette invention a joué un rôle décisif dans l’essor que va connaître l’automobile.
Ce nouveau système va rapidement s’imposer et se généraliser pour être adapté sur tous les types de roues.
Goodyear, Dunlop, Michelin… ces grands noms de l’industrie du pneu rivaliseront d’ingéniosité pour améliorer sans cesse le concept.
S’ils sont encore de nos jours parmi les leaders du marché, ils ont été rejoints par une foule, toujours grandissante, de producteurs. Et aujourd’hui, les pneumatiques, loin d’être de simples «morceaux de caoutchouc», sont le fruit de constantes innovations, pour proposer des produits d’une technologie toujours plus poussée, que ce soit pour améliorer l’adhérence, les capacités de freinage, la résistance à l’usure, ou encore réduire la consommation énergétique, etc., proposant même maintenant des pneus «connectés» qui donnent des indications sur la température du pneu, son usure, sa pression…
Depuis la brouette à la voiture, en passant par le vélo, l’avion, le camion ou le tracteur, presque tout ce qui roule est doté de pneus.
Les pneus «4 saisons» s’imposent sur le marché
En France, rien que pour le segment dit TC4 (qui correspond aux véhicules de Tourisme, Camionnettes, et 4×4/SUV), les manufacturiers ont mis sur le marché plus de 30 millions de pneus en 2023!
Mais ce marché est sujet à de nombreuses variations, et après plusieurs années difficiles, notamment depuis la COVID, il est enfin reparti à la hausse en 2024 avec 3,4% d’augmentation.
A noter que 2/3 de ces pneus sont destinés à remplacer des pneus usagés sur des véhicules du parc roulant, et 1/3 à équiper des véhicules neufs.
Depuis plusieurs décennies, ce marché se répartissait principalement entre deux catégories de pneus: les pneus dits «été» (c’est-à-dire les pneus «ordinaires»), et les pneus hiver (ou «neige») qui ont une gomme plus tendre. Les premiers sont conseillés pour les températures au-dessus de 7°C, en dessous de quoi les seconds seront plus performants.
Leurs parts de marché respectives étaient d’environ 85% et 15%. Mais depuis une dizaine d’années, les pneus «4 saisons» ou «tout temps» ont été mis au point et sont petit à petit en train de s’imposer. En effet, en 10 ans, ils ont conquis 37% des parts de marché, rognant majoritairement sur les créneaux des pneus «été» qui ne représentent plus que 53% des ventes (soit une chute de 45% sur 10 ans), et 10% des ventes pour les pneus «hiver».
L’impact de la «loi montagne», entrée en vigueur en 2021, et obligeant les automobilistes souhaitant circuler dans les 34 départements français de montagne entre le 1er novembre et le 31 mars à être équipés de pneus «hiver» ou «4 saisons» n’y est pas pour rien!
Des prix en hausse…
L’évolution des prix y est aussi certainement pour quelque chose car aujourd’hui un pneu «toute saison» sera à un prix proche de celui du pneu «été». En effet, en 2024, d’après le Syndicat du pneu, le prix moyen pour un pneu «été» était de 103€ TTC (soit +1,5%) contre 135€ pour un pneu «hiver» (+3%), alors que le prix moyen d’un «4 saisons», était à 5€ près le même que celui du pneu «été» (-0,2%).
Un autre facteur favorisant ce dernier type de pneus est le développement des SUV. En effet, ces véhicules en sont souvent dotés (à 28%).
Mais un pneu de SUV est en moyenne 60% plus cher qu’un pneu de Berline! Par ailleurs, de façon générale, mais aussi particulièrement pour les SUV, les dimensions des pneus (diamètre et largeur) ont eu tendance à augmenter depuis plusieurs années.
Tout cela vient accentuer l’effet-prix dû à l’inflation sur les matières premières (notamment des produits pétroliers).
C’est ainsi que les prix des pneus «Premium» (haut de gamme) ont connu une augmentation de 1,6% en 2024, les pneus «Quality» (de qualité intermédiaire) de +3.1%, et les pneus dits «Budget» (bas de gamme) sont restés stables (-0,2%). Si la stabilité était relative en 2024, elle faisait suite à 3 années de hausses: +8,9% en 2021, +13,8% en 2022, et +4,9% en 2023.
L’essor des pneus «Budget»
Mais ces augmentations des prix favorisent l’essor des pneus dits «Budget». Ces pneus ont doublé leurs parts de marché en 10 ans, pour atteindre 19% des ventes, au détriment des marques «Premium» qui sont dans la même décennie passées de 63% à 50% de parts de marché.
Cette tendance n’est pas sans inquiéter certains spécialistes de l’automobile, car derrière des noms commerciaux à consonance anglo-saxonne ou italienne et des prix attractifs (souvent moitié moins cher), se cachent des entreprises souvent chinoises qui proposent des produits de qualités parfois discutables.
Ainsi, comme le révélait le site Caradisiac en s’appuyant sur les test du Touring Club Suisse qui teste des pneus depuis 50 ans: là où un pneu «Premium» s’arrête sur chaussée mouillée, un pneu «Budget» roule encore à une vitesse résiduelle de 52 km/h, avec une distance supérieure de 25 mètres… (même si l’on ne peut pas généraliser).
Les pneus recyclés… l’avenir ?
Pourtant des alternatives existent, permettant de ménager les portefeuilles tout en préservant la qualité et la sécurité: il s’agit des pneus recyclés.
Qu’ils soient rechapés (la bande de roulement a été changée) ou remanufacturés (le pneu a été entièrement refait à partir de la carcasse d’un pneu «Premium»), ils permettent d’obtenir des prix entre 30 et 40% moins chers que les pneus neufs de qualité tout en assurant une bien meilleure performance que bien des «Budget».
Malheureusement, ils souffrent d’un manque de confiance du public, malgré des vertus écologiques (63% d’impact environnemental de moins que les neufs, 70% d’extractions de ressources naturelles en moins…).
Sachant que 85% des pneus de poids lourds en sont équipés pour seulement 12% des véhicules légers, il y a peut-être là une piste à explorer… notamment pour les véhicules électriques, qui, du fait de leur poids supérieur et de leur accélération plus rapide, useraient leurs pneumatiques 26% plus vite que les thermiques!
Guillaume Keller