Il est des chiffres dont la réalité mathématique n’a plus de sens pour la plupart d’entre nous tant les valeurs «astronomiques» qu’ils représentent en deviennent inconcevables au sens premier du mot…

Ainsi, par exemple, la dette abyssale de pays occidentaux tels que la France, qui se chiffre en milliers de milliards d’euros, n’a-t-elle plus de «matérialité» ou de «réalité» dans l’esprit de l’immense majorité des citoyens, qui ne peuvent se représenter ce qu’elle est concrètement… 

Il en va de même des gains et salaires de certaines stars du monde sportif ou du monde artistique :

les quelque 40 millions d’euros de salaire annuel net que gagne le footballeur Lionel Messi (63 millions de salaire brut)… Les 55 millions de dollars des revenus annuels de l’acteur Ben Affleck… Les 73 millions de dollars du champion de basket de la NBA Kevin Durant (200000 dollars par jour)…

Leurs talents respectifs valent-ils vraiment plus de 1400 fois ceux du joueur professionnel de football le moins bien payé de France, qui gagne 2100 euros par mois quand L. Messi en gagne plus de 3,3 millions; ou plus de 3000 fois ceux d’un comédien de petit théâtre payé au smic…?

Non bien sûr! Car ce n’est pas le talent réel qui est là rémunéré, mais l’aura artificielle de superstar.

Et le «star system», curieusement, fait que le grand public ne s’offusque guère de tels écarts de revenus, alors qu’il se scandalise – à juste titre – des gains de tel ou tel grand patron, ou autre…

«Vérité en-deça des Pyrénées, erreur au-delà» écrivait le grand penseur et savant Pascal dans une expression, devenue proverbiale, qui disait autrement le «deux poids, deux mesures» dénoncé dans la Bible.

Mais cette folle starification produit sur le sport lui-même, et sur ses principes et ses valeurs, des effets délétères : depuis l’inflation délirante des «droits TV» pour la retransmission des matchs de football, jusqu’à la volonté de réserver des compétitions à quelques équipes parmi les plus huppées et fortunées – en passant par le projet de la FIFA d’organiser la Coupe du monde tous les deux ans – , les dérives qu’entraîne l’appât du gain transforment peu à peu le sport en business où l’argent fait la loi!

Et au-delà de cette perversion du sens et des valeurs du sport, une telle dérive est révoltante si l’on veut bien en revenir à de simples et tout humaines considérations : que de souffrances, de misères, d’injustices (etc.) ces millions d’euros ou de dollars indûment gagnés pourraient soulager, par exemple… !

«Il y a quelque chose de pourri dans ce royaume (du Danemark)» faisait dire le grand dramaturge Shakespeare à son personnage le plus connu, Hamlet…

Sans doute y a-t-il aussi quelque chose de pourri – par l’argent-roi – dans le royaume sportif et artistique du «star system»… 


Ben Affleck, Lionel Messi, Kevin Durant…