«A la maison, je ne devais pas parler breton, car à l’époque, en 1955, il était un peu au banc des accusés. Nous habitions Scrignac et mes parents étaient des nostalgiques de la gavotte, et du kan ha diskan. A la maison, il y avait les disques que nous écoutions tout le temps, et moi, encore toute petite, en cachette, j’écrivais ce que j’entendais phonétiquement tout en répétant, sans savoir de quoi je parlais. J’aimais cette musique, ces mots, ces rythmes et je crois que je m’en suis imprégnée sans même m’en rendre compte…» 

Brigitte Le Corre a le Kan ha diskan chevillé au corps à tel point qu’aujourd’hui sa petite-fille de 13 ans chante avec des amies de son âge à Rostrenen.

«Mes parents se rendaient très régulièrement aux festoù-noz et moi, bien sûr, je les accompagnais. J’admirais cette génération d’anciens qui étaient capables de faire danser dans les salles communales, à Scrignac, Poullaouën, Plonévez-du-Faou, Châteauneuf-du-Faou… Nous avions déménagé à Plouyé, mais nous retournions régulièrement aux festoù-noz à Scrignac. Il y avait là un vieux chanteur que j’aimais beaucoup. J’avais à peine 9 ans. Un soir, il m’a dit: «Viens chanter avec moi». C’était la première fois. Je l’ai suivi, il y avait un vieux micro qui crachait comme pas possible et nous avons chanté ensemble…»

En 1974, Brigitte Le Corre se marie avec l’accordéoniste des Diaouled ar Menez, le chant breton est toujours là, mais il faut s’occuper des enfants. C’était encore l’époque où peu de femmes de son âge chantaient, un tournant générationnel, mais le chant lui manque !

En 1992, à Poullaouën, patrie du chant breton, elle rencontre, lors d’une veillée, les membres de l’association Dastum, et sa voix va s’unir avec celle de Marie-Laurence Fustec. Une autre page du kan ha diskan s’ouvre pour elles. Issues toutes deux de la région de Scrignac, elles produiront leur premier CD «Gavottes de Scrignac». Un hommage aux chanteurs de l’époque, qui rassemble 12 morceaux de chants à danser et à écouter.

Un parcours qui dure depuis trente ans et qui n’est pas près de s’arrêter grâce au collectage effectué par Dastum, qui depuis 1972 a fait un travail énorme auprès des anciens pour enrichir une médiathèque accessible à tout le monde. Brigitte et Marie-Laurence viennent y puiser des textes chargés d’émotions qui racontent des témoignages de l’histoire du passé, des textes parfois émouvants, évoquant sans fard la tourmente de la Première Guerre mondiale, les jeunes qui ne reviendront peut-être plus jamais… 

En trente ans de parcours, elles ont connu aussi des surprises, comme ce voyage à Disneyland, ces chants pour la Saint-Patrick à Paris, à Perpignan pour les assises européennes du chant et de la musique traditionnels, et dans bien d’autres villes.

Mais leur préférence reste les festoù-noz bretons nichés au cœur des communes rurales où l’âme de la Bretagne rayonne encore avec une vivacité renouvelée.