Voici  donc Bécassine ressortie de la – triste – mémoire naphtalisée où un heureux oubli semblait l’avoir définitivement reléguée…

Dans quelques jours le film éponyme, du réalisateur Bruno Podalydès, sortira dans les salles de cinéma, et le moins que l’on puisse dire est que ce retour de la cousine Bécassine suscite en Bretagne de légitimes émotions, de vives réactions, de houleuses controverses, ravivant des passions et des tensions…

Bien des Bretons se rangent du côté de ceux qui voient dans ce long métrage une identité bretonne à nouveau tournée en dérision, tels les membres du collectif indépendantiste Dispac’h, qui publiait fin mai un communiqué appelant à son boycott, le jugeant comme «une insulte à la mémoire de notre peuple…»

D’autres, au contraire, relativisent en soulignant que cette Bécassine-là n’a rien de très breton, et que les décors, scènes ou dialogues du film n’évoquent guère la Bretagne…

Sauf le «costume breton» que porte son oncle, une caricature d’habit glazik ! 

La bande-annonce du film laisse augurer d’un authentique navet, au scenario aussi mince que son comique est gros, cascade de scènes tirant toutes les ficelles habituelles de la grosse farce.

Mais ce n’est finalement pas tant le film lui-même qui pose problème, que la figure «emblématique» de Bécassine; personnage chargé – quoi qu’on en dise – d’une histoire stigmatisante et d’une connotation méprisante.

Créée par Jacqueline Rivière en 1905, après une maladresse commise par sa bonne, d’origine bretonne, Bécassine fut publiée en B.D. avant d’être adaptée au cinéma. Un premier film dont le tournage en 1939 puis la sortie en 1940 provoquèrent de fortes réactions en Bretagne.

Cette Bécassine d’origine ne s’effacera jamais. Elle demeure un symbole: celui de la stigmatisation, par la dérision, des Bretons et d’une «Bretagne des Ploucs».

La remettre au goût du jour, c’est ranimer de tristes relents et de vils remugles.

L’air du temps est à la dérision. Des «humoristes» prétendent au « droit à se moquer de tout», même des souffrances, du handicap, des malades, des mourants…

Faut-il alors s’étonner de «retours du bâton» quand réagissent ceux qui se sentent agressés et blessés ?

C’est avec le respect de l’autre que l’on bâtit la paix, la concorde entre les hommes; et une société apaisée.

 


 

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