« Une part conséquente de mon livre est consacrée à la chasse au loup, qui a tenu une place particulière dans l’histoire cynégétique bretonne.

J’aurais aimé, en d’autres temps, chasser cet animal « mythique »… Mais je pense que la présence du loup est incompatible avec les activités humaines. Elle l’était même autrefois
avec la vie de l’homme dans les campagnes reculées, où celle des petits bergers était menacée. Les archives démontrent sans aucun doute possible que les loups faisaient des victimes humaines… Et 10 % du cheptel ovin breton étaient tués par les loups au XVIIIe siècle… », nous a confié le Dr Jacques Bourdon.

Un homme de passion et de raison, d’engagement et de tolérance… tel est le sentiment qui se dégage rapidement de l’échange avec cet octogénaire au regard profond, à la démarche souple et à l’allure naturellement patricienne, qui sait d’emblée tisser par sa simplicité et sa grande gentillesse une convivialité de bon aloi, authentique et juste. Il n’est guère
étonnant que l’homme soit si largement apprécié…

Pour beaucoup de ceux qui le connaissent – et ils sont nombreux – le nom du Dr Jacques Bourdon, fait notamment écho à une longue carrière de chirurgien ORL à St-Brieuc, mais plus encore incarne une figure de la chasse en Bretagne, et bien au-delà.

Le « monument » qu’il vient de publier (Le Livre d’or de la chasse en Bretagne) révèle et résume sans doute mieux que tout cette vie de chasseur, de responsable associatif, d’éleveur de chiens de chasse – entre autres activités cynégétiques et cynophiles menées depuis plusieurs décennies – qui ont forgé en lui un connaisseur hors pair de ce monde, de son patrimoine, de son histoire, de sa culture…

Un monument d’érudition, servi par une plume aussi alerte qu’agréable et précise, dont l’intérêt dépasse de beaucoup l’univers de la chasse pour devenir un rare témoignage sur tout un pan de l’art, de l’histoire et de la culture de la Bretagne.

Cette « dévorante passion » – ainsi qu’il la nomme – le Dr Bourdon l’a exercée un peu partout, mais surtout dans son Kreiz Breizh natal, terre de ses pères, aimée et intimement connue jusque dans ses forts et refuites les plus secrets.

Ce sont ces chemins que Regard d’Espérance a voulu emprunter cette fois avec le Dr Bourdon, dans l’ouverture d’esprit, la liberté de ton et de thème qui sont celles du journal.


Voudriez-vous vous présenter brièvement ?

« J’ai vécu mon enfance à Callac.

Toute ma famille est originaire du Centre-Bretagne : mon père de Guingamp, où mon grand-père était secrétaire général de Mairie, après avoir fait une carrière militaire, et ma grand-mère tenait un commerce de presse-papeterie-souvenirs-tabac au coin de la place du centre, rue St-Yves…

Mon grand-père maternel était originaire de la ChapelleNeuve, et il était venu s’installer à Callac, où il avait créé un négoce de grains et engrais, et avait fait construire l’Hôtel de la Gare…

Mon enfance à Callac a été marquée par la Guerre et l’Occupation allemande puisque notre maison familiale avait été réquisitionnée par l’armée allemande pour y installer le P.C. du général commandant la région… Chassés de notre maison, nous nous étions réfugiés dans une petite bâtisse à l’arrière. J’ai aussi parfois été logé chez des amis de mes parents…

J’ai également le souvenir des combats de la forêt de Duault, que l’on entendait de Callac, de voir la forêt brûler et des camions allemands en revenir avec des morts et des blessés. Je me souviens très bien de la Libération, et des règlements de compte. Des collaborateurs ont été sanctionnés justement, mais il y a aussi eu beaucoup de vengeances, de gens exécutés sommairement et sans raison…

Mais c’est aussi dès cette enfance callacoise que j’ai découvert la chasse. Il existe une photo de moi, où tout petit, j’ai chaussé les bottes de mon père, me suis armé d’un fusil en bois, et traîne derrière moi un petit chien…

Mon père, qui était officier, avait interrompu sa carrière militaire, était donc devenu négociant à Callac, et s’était aussi lancé – entre autres choses – dans l’élevage d’épagneuls bretons…

J’ai fait mes études primaires à « l’école des sœurs » pour la maternelle, puis à l’école St-Laurent jusqu’en classe de 6e. Mais je n’ai pas fait de 6e en réalité, car à dix ans, j’ai intégré la classe du Certificat d’Etudes, où je me trouvais parmi des garçons de 14 ans…

Ensuite, j’ai poursuivi toutes mes études secondaires jusqu’au 1er Bac à l’école St-Charles de St-Brieuc, puis – pour ce qu’on appelait le 2e Bac – à l’école des Cordeliers, à Dinan où mon frère Jean, qui était de 11 ans mon aîné, venait de s’installer comme médecin…

Après cela, je suis allé faire mes études de médecine à Paris. Etant donné mon goût pour la nature, j’avais un moment envisagé de faire l’Ecole des Eaux et Forêts, mais mes deux frères, Jean et Emile, qui étaient déjà médecins, ont contribué à m’orienter dans cette voie…

J’ai donc vécu une dizaine d’années à Paris, passant le difficile concours d’Externat des Hôpitaux de Paris, puis me spécialisant rapidement en oto-rhino-laryngologie. C’est aussi là que j’ai connu mon épouse, qui était normande, originaire de Caen, et qui faisait la même spécialisation.

Puis ce furent les 28 mois de service militaire, dont 17 mois comme médecin en Algérie.

Libéré des obligations militaires, j’ai été assistant du professeur Aubry au service O.R.L. de l’hôpital Lariboisière pendant deux ans, avant de m’installer, en 1966, en tant que médecin O.R.L. à St-Brieuc, où j’ai fait toute ma carrière professionnelle, à la fois en médecine privée, à la Clinique de la Gare, associé avec mon frère aîné, et à l’hôpital de la ville.

Mon épouse, qui s’est spécialisée en phoniatrie – soins des troubles de la voix et du langage – a elle aussi fait une longue carrière en O.R.L. Nous avons trois enfants ; dix petits-enfants et un arrière-petit-fils. »

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