Seriez-vous prêt à tenter l’expérience: dormir dans une chambre d’hôtel sans murs ni toit, coincée entre une route et une station-service?  Certes, le lit est confortable, un majordome vient vous servir une généreuse collation à votre arrivée et un petit-déjeuner raffiné, mais il vous faut composer aussi avec l’absence totale d’intimité et un décor loin d’être enchanteur… Cette expérience vous sera facturée la modique somme de 325€!

Ce sont les frères Riklin, artistes suisses, qui ont imaginé ce concept de chambre «anti-idyllique». Leur idée: inviter les hôtes à ne pas dormir pour mieux réfléchir aux problèmes actuels: conséquences des guerres, des bouleversements écologiques… «Ce n’est pas le moment de dormir. Si nous continuons ainsi, il pourrait y avoir plus de lieux épouvantables que de lieux idylliques», affirme Patrik Riklin. Et son frère Frank de renchérir: «Nous vous proposons d’investir du temps en vous et pour vous, afin de donner du sens et de la valeur à ce moment d’introspection». Pour ces «artistes conceptuels», notre «introspection» a indéniablement une grande valeur… pécuniaire.

Par contre, leur suggestion de prendre le temps de réfléchir sur soi-même n’est pas mauvaise. C’est même en passe de devenir un luxe, non pour des raisons financières, mais parce que de moins en moins de personnes sont prêtes à s’arrêter pour examiner lucidement quelle est leur vie. Notre société du numérique nous sursollicite sans cesse: écrans qui mobilisent le regard et l’attention, musique omniprésente… Ainsi, on estime qu’un adulte passe aujourd’hui 4h30 par jour devant les écrans. Cette surconsommation préoccupe beaucoup de nos concitoyens (près des trois quarts se déclarent dépendants des écrans et 9 parents sur 10 se disent convaincus des conséquences néfastes sur la santé de leurs enfants) et pourtant, bien peu changent leurs comportements.

Face à des situations problématiques qui se multiplient, à différentes échelles, il peut être tentant d’adopter la politique de l’autruche, de mettre sa tête dans le «sable numérique» pour fuir une réalité devenue trop pénible.

Seulement, il est indispensable de bien examiner le chemin que nous suivons, parce qu’un somnambule qui s’avance connaîtra tôt ou tard un réveil difficile…

En cette période de rentrée, où redémarrent les «activités quotidiennes», il est bon de s’arrêter ainsi, au calme, loin de tout conditionnement, numérique ou autre,

pour réétalonner les priorités de notre vie, et notamment l’importance accordée à ses proches, à l’aide aux plus fragiles… Heureusement, pour cela, nul besoin d’aller débourser les 325€ demandés dans cet hôtel «zéro étoile», c’est à la portée de quiconque le souhaite… à tout prix!

O.A.