Si de nos jours le «Sapin de Noël» est bien ancré dans la tradition de ce moment de fête, il n’en a pas toujours été ainsi. C’est effectivement au cours des siècles qu’il s’est implanté dans nos maisons, et que s’est développé un véritable «business» autour de cet arbre, de ses atours et produits dérivés. Il y en a pour tous les goûts, de l’artificiel au naturel «Bio», coupé ou en pot avec les racines afin de le replanter, de diverses variétés, et bien sûr, de toutes les tailles!
Le lien entre Noël et son fameux «sapin» est une longue histoire qui a fait couler beaucoup d’encre et animé de nombreux débats. Sans rentrer dans toutes ces controverses, il est intéressant de noter quelques éléments qui semblent relativement sûrs.
Noël le 25 décembre?
Beaucoup l’identifient aux fêtes païennes celtes et romaines du solstice d’hiver (qui était alors fixé au 25 décembre): les Romains utilisaient alors des branches de conifères pour décorer leurs maisons et les Celtes vénéraient les épicéas au mois de décembre…
Cependant, c’est bien plus tard que le sapin a été associé à cette fête de la Nativité.
En effet, si c’est vers le milieu du IVe siècle que l’église instaura la fête de Noël le 25 décembre, pour «contrer» les fêtes païennes liées à la vénération du soleil à l’occasion du solstice d’hiver, il ne semble pas qu’à cette époque la symbolique de l’arbre (sapin ou épicéa) ait été reprise. Auparavant, les chrétiens ne fêtaient que la résurrection du Christ à Pâques. Et rien ne semble indiquer dans la Bible que la naissance du Christ ait eu lieu en hiver puisque, au contraire, l’évangile de Luc précise même que les bergers passaient la nuit dehors avec leurs troupeaux… ce qui plaide plutôt en faveur des saisons plus douces, même en Israël.
Une apparition vers le XVe siècle…
Il semble que le «sapin» ait vraiment fait son apparition dans la chrétienté vers le XIIe siècle dans des représentations de l’arbre du paradis (notamment faites à Noël), où le sapin était décoré avec des pommes d’abord, puis avec des rubans, sucreries et autres. Il était effectivement difficile de trouver d’autres arbres encore verts en hiver.
Mais les preuves écrites de l’association du fameux «sapin décoré» tel que nous le connaissons aujourd’hui, et la fête de Noël remontent au Moyen âge, plus précisément aux XVe et XVIe siècles, dans des pays d’Europe de l’Est et en Allemagne (notamment en Alsace, alors allemande). Il semble qu’à partir du XVIe siècle, le «sapin» se soit popularisé dans les familles protestantes allemandes qui le préféraient aux «crèches» des familles catholiques. Ce serait d’ailleurs le réformateur Martin Luther qui aurait initié la tradition de décorer le sapin de Noël avec des lumières, après une promenade en forêt par une nuit étoilée. Les lumières figurent donc ces étoiles… Et l’étoile au sommet, celle qui guida les mages vers Bethléem, lieu de naissance du Christ Jésus.
De la tradition au business…
Puis, cette tradition se serait répandue avec les émigrés allemands, pour conquérir toute l’Europe entre le XVIe et le XVIIIe siècle. D’abord par les cours royales, puis, petit à petit, dans toutes les chaumières.
Cette tradition prit une telle ampleur que certaines régions durent interdire la coupe de sapins à l’époque de Noël pour éviter les ravages (puisque les gens les coupaient eux-mêmes dans les forêts). A partir de là s’est petit à petit développé un véritable business pour la production et la vente de sapins (ou d’épicéas), mais aussi de décorations en tous genres, qu’elles soient électriques ou non… et plus récemment, la valorisation ou le recyclage une fois les fêtes passées (puisque cela concerne maintenant 88% des sapins naturels achetés en 2021, ce chiffre incluant les 8% de sapins achetés en motte et donc destinés à être replantés)!
Un intérêt qui demeure
Cette tradition perdure depuis lors puisque, selon une étude de l’institut Kantar, commandée par France ArgiMer et Val’Hor, actualisée tous les ans, plus de 2 foyers français sur 10 installent un sapin pour les fêtes de Noël (chiffre stable sur les 10 dernières années). Pour ce faire, 6,6 millions de sapins ont été achetés en 2021. 5,9 millions étaient naturels et 0,7 millions artificiels (soit 89% de naturels en 2021 contre 83% en 2019). Les premiers étant plus «authentiques» et traditionnels, plus écologiques et à l’odeur inégalée, alors que les derniers sont plus économiques sur le long terme (pour être plus écologiques, il faudra les conserver plus de 20 ans environ). Il convient cependant de noter qu’entre 2020 et 2021 les sapins artificiels ont vu leur prix augmenter de 10,40€ en moyenne contre 1,11€ pour les sapins naturels.
Sapin ou épicéa?
Les sapins naturels sont majoritairement de type «Nordmann» (81% du marché en 2021) ou des épicéas (19%), les autres variétés ne représentant que 3% du marché.
Le «Nordmann» a l’avantage d’avoir des aiguilles plus résistantes, alors que l’épicéa aura un parfum plus soutenu (et sera en moyenne 7€ moins cher que son concurrent).
Notons que, sur ces créneaux, la France a su bien se positionner puisque 80% des sapins achetés en 2019 avaient été produits en France. Les Français y sont d’ailleurs de plus en plus sensibles, affirme l’étude (68% des sondés y accordaient de l’importance en 2021 contre 56% en 2019).
Les 20% restant viennent principalement de Belgique et du Danemark. Les producteurs français, quant à eux, exportent peu à l’étranger.
Ces arbustes sont généralement cultivés 5 à 10 ans avant d’être coupés (selon la taille souhaitée). L’étude note que les sapins sont achetés de plus en plus tôt, ce qui plaide en faveur du Nordmann, qui a une meilleure tenue d’aiguilles une fois coupé. La moitié des Français les achètent avant le 9 décembre. Les sapins sont quant à eux coupés généralement à partir de fin octobre.
Un «label rouge» pour le sapin
Le sapin «type» est donc un Nordmann d’1m à 1,5m (45% de ventes, contre 40% pour les plus d’1,5m, et 15% les moins d’1m), produit en France, acheté en moyenne à 30€ en 2021 (contre 27,23€ en 2019 et 22,40€ en 2008). Ce marché représentait près de 176 millions d’euros en 2021 (contre 156 millions en 2019).
Une association de producteurs français (l’AFSNN) a même été créée en 1998, regroupant 135 producteurs répartis sur 52 départements. Et un «label rouge» du sapin a été établi, définissant des critères de forme, de densité de «feuillage», de taille, la date de coupe, etc.
Le sapin a donc le vent en poupe… les écoles ne s’y sont d’ailleurs pas trompées, au vu du nombre d’associations de parents d’élèves les proposant à la vente! Le «roi des forêts» semble donc avoir encore de beaux jours devant lui dans les foyers pour la plus grande joie (et excitation) des petits… et des grands!
Guillaume Keller