«Il est rare de voir un habitant de Gourin s’installer du côté de Carhaix ou de Spézet… En 1955, les Bretons partaient davantage à New York…qu’à Paris !»

Une soif d’aventure ? Peut-être un peu, mais sans doute davantage une volonté de sortir d’une situation de pauvreté qui existait au centre de la Bretagne, au cœur d’un petit territoire, délimité par les villes de Quimper, Loudéac et Carhaix. Une aire géographique relativement réduite mais qui a marqué la région, l’essentiel de ces migrants quittant des villes moyennes du Centre Bretagne pour faire fortune de l’autre côté de l’Atlantique, entre Amérique et Canada. 

Il y a eu en fait plusieurs vagues d’émigration qui virent partir quelque 55 000 Bretons en un siècle environ. Le plus grand flux eut lieu dans les années 20 avec 3 000 départs des cantons de Châteauneuf et Gourin. Face à cet engouement, des compagnies maritimes bien connues telles l’United States Lines et la Canadienne Pacifique installèrent des bureaux à Langonnet et la Cunard à Roudouallec. 

En 2014 Gourin-City fêtait ses 100 ans… dans l’Alberta !

En 1913, Joseph Ulliac quittait Gourin avec sa femme et 10 autres membres de sa famille pour fonder Gourin-City à l’ouest du Canada. Dix ans plus tard il déclarait posséder plus de terres que le Baron de Tronjoly qui l’employait avant son départ!

Ces premiers Bretons qui émigrèrent à partir de 1920 étaient souvent pauvres et partaient conquérir les terres nécessaires pour créer leurs exploitations agricoles. Peu d’entre eux sont revenus. A partir des années 40, une nouvelle émigration se met en place, davantage orientée dans les secteurs industriels pourvoyeurs d’emplois telles les usines de textiles, de papier, de caoutchouc chez Michelin à Milltown où 10% des salariés sont bretons ou dans les usines Ford… Ces derniers reviendront plus facilement sur leur terre natale une fois fortune faite pour y passer leur retraite.

A partir des années 50, les nouveaux migrants s’installeront davantage dans les villes profitant d’une diaspora bretonne déjà bien implantée, qualifiée de «petite mafia bretonne» qui permet d’avoir plus facilement des papiers, un logement et un emploi dans les domaines des services, de la restauration, l’hôtellerie, la coiffure… Des émigrants qui travailleront dur, dont certains feront fortune dans le bâtiment alors que d’autres reviendront après 5 ou 10 ans d’expatriation.

Une émigration qui se poursuivra jusque dans les années 70 où la Bretagne centrale reste à la peine face à une révolution industrielle inspirée des Trente Glorieuses. L’eldorado américain finit par s’épuiser mais plusieurs communes centre-bretonnes se sont dépeuplées.

Qu’à cela ne tienne, outre-Atlantique, la diaspora bretonne n’a pas renié ses traditions, le costume breton, les festoù-noz et la solidarité existent toujours. Les Bretons sont de grands voyageurs qui ne renient pas leurs racines. 

(photo : Portail web de Gourin et sa région)