Mais de quelle guerre parle-t-il donc?

La guerre 14-18, celle de 39-45, d’autres plus anciennes ou plus récentes… «l’Ukraine»?

Non! Mais écoutons Thucydide:

«Pour ce qui est des événements de la guerre, je n’ai pas jugé bon de les rapporter sur la foi du premier venu, ni d’après mon opinion; je n’ai écrit que ce dont j’avais été témoin ou, pour le reste, ce que je savais par des informations aussi exactes que possible.

Cette recherche n’allait pas sans peine, parce que ceux qui ont assisté aux événements ne les rapportent pas de la même manière et parlent selon les intérêts de leur parti ou selon leurs souvenirs variables…

L’absence de merveilleux dans mes récits les rendra peut-être moins agréables à entendre.

Il me suffira que ceux qui veulent voir clair dans les faits passés, et, par conséquent, aussi dans les faits analogues, que l’avenir selon la loi des choses humaines ne peut manquer de ramener, jugent utile mon histoire».

                       (Thucydide: Histoire de la guerre du Péloponnèse).

Quelle lucidité!

Quelle connaissance de l’âme humaine, et quel avertissement pour qui, responsables des nations ou gens des peuples, veulent écouter.

Il est vrai que ces paroles, écrites il y a quelque 24 siècles, auraient pu l’être après «la grande guerre» de 14, ou celle, terrible également, de 39… ou telles autres…

Mais ce souci d’exactitude, de vérité, quelles qu’en soient les conséquences… n’existe pas toujours, loin s’en faut!

Ni chez tous les historiens,

ni chez tous les journalistes,

ni chez tous les hommes politiques,

ni chez tous ceux qui dirigent les nations…

Mais qui était ce Thucydide si clairvoyant, et si courageux pour oser dévoiler ainsi les comportements des hommes et femmes de toutes les époques?

Thucydide était un Grec d’Athènes. Il vivait, il y a environ 400 ans avant J.-C.

Historien, il écrivit l’Histoire de la guerre du Péloponnèse.

Sa rigueur était connue de tous. Il relatait les faits tels qu’ils s’étaient réellement passés et en expliquait les causes profondes.

Combien de Thucydide il nous faudrait en notre époque où la télévision, la radio, les médias écrits, les «réseaux sociaux», etc., déversent quotidiennement des tombereaux de nouvelles et de «fausses nouvelles», d’informations le plus souvent non vérifiées, de discours, d’apostrophes, de mises en garde, d’avertissements, d’appels, etc., etc.

N’y a-t-il donc pas de «Thucydide» aujourd’hui?

Vraisemblablement si, mais leur voix, quand elle peut retentir, est noyée dans le tintamarre général…, quand elle n’est pas étouffée, ou minorée, car «gênante»!

Et pourtant, cette détermination à rechercher et faire connaître la vérité, est essentielle.

On ne peut rien bâtir de durable, de sûr, de vrai, de digne des humains que nous sommes,

sur le mensonge,

l’exagération,

la dissimulation,

et pire, sur «la manipulation»!

Cela est tout autant indispensable dans la vie des nations, comme entre les peuples,

tout comme dans la société, dans la famille, dans le couple…

Que de naufrages, que de drames… seraient évités si prévalait le désir profond d’objectivité, de vérité…

Mais, tel Pilate, le procurateur romain de Judée répondant au Christ Jésus qui lui parlait de la vérité: «Qu’est-ce que la vérité!», beaucoup d’hommes de pouvoir, d’affaires… ou de simples citoyens sont désabusés…

Et pourtant, à la fin, la vérité triomphera.

Pour ne pas demeurer sur cette note pessimiste, quelque juste et vérifiée dans l’histoire et l’actualité que soit la déclaration de Thucydide, je voudrais évoquer, en retenant bien la leçon de Thucydide, un acte qui, comme un rayon de soleil dans la grisaille tenace, éclaire un peu notre humanité.

Je cite donc, très brièvement, cette action de total dévouement dont j’ai eu connaissance depuis mon enfance, car il s’était passé dans notre famille.

Mon grand-père maternel, alors jeune homme, se trouva soudain plongé dans un très grand chagrin et un total désarroi.

Sa sœur mourante, éplorée et angoissée, laissait seuls ses trois enfants, trois garçons en bas âge…

A l’époque les aides sociales diverses n’existaient pas, et souvent la maladie et la mort devenaient synonymes de misère!

Alors mon grand-père, qui n’était qu’un jeune homme, déclara à sa sœur qu’il utiliserait l’argent qu’il gagnait – sa paye – tout entière pour élever les petits, et qu’il ne se marierait pas jusqu’à ce qu’ils puissent eux-mêmes subvenir à leurs besoins.

Et il fit ainsi!

Les enfants grandirent, prirent leur envol, et alors, mais alors seulement, celui qui devait devenir bien plus tard mon grand-père, pensa à lui-même, à sa propre vie.

A 31 ans il se maria et fut père de trois enfants, dont ma mère. Quel homme bon il fut! J’ai eu l’immense privilège de vivre longtemps, lors des vacances, en sa présence, car il a vécu très vieux. J’en garde un souvenir ému et une grande reconnaissance.

Voilà un fait tout simple, mais qui redonne espoir en l’homme, en la femme… capables d’aimer, et de se sacrifier s’il le faut, sans rien rechercher, sans rien attendre que la joie du devoir accompli, et quel devoir! Celui qui a ses racines au plus profond du cœur.

Comme Thucydide, la Bible dit: «…Ce qui a été, c’est ce qui sera; ce qui s’est fait, se fera…»

Mais la Bible dit aussi qu’il est possible pour chacun, pour chaque couple, chaque famille et au-delà… de commencer, ou recommencer une vie tout autre, sur de nouvelles bases, avec d’autres horizons.

Et c’est ce que Jésus révélait à Pilate… Mais pour cela, il faut écouter, retenir et vivre le message éternel de l’Évangile.

Yvon Charles