Voici quelques semaines, une jeune femme de 20 ans était arrêtée par la police à Ryad, en Arabie Saoudite.

Le porte-parole des forces de l’ordre a déclaré aux médias que le motif de cette arrestation était une «violation des mœurs et des lois en vigueur dans le pays»…

Et le délit commis par cette jeune femme était d’avoir posté sur Twitter une photo d’elle même, posant près d’un célèbre café de la capitale saoudienne, tout habillée mais non voilée, cheveux tombant sur les épaules, et lunettes de soleil sur le nez.

Car dans le royaume des Princes, il est formellement interdit aux femmes de sortir sans porter le voile islamique intégral, et sans l’autorisation de leur tuteur: mari, père, frère, oncle…

Traitée –au mieux– en entrefilet dans la rubrique des faits divers par la presse occidentale, cette arrestation n’a guère déchaîné les passions, ni suscité profonde émotion ou grande indignation. Pas plus que les centaines et centaines de cas semblables. Sans doute faut-il en conclure qu’elle est jugée ordinaire, et que ce caractère habituel la rend banale, et normale…

«Vérité en-deça des Pyrénées, erreur au-delà !» disait déjà le grand penseur Pascal, voici plusieurs siècles, en stigmatisant ce genre d’attitude ambivalente :

scandale, qu’une femme voilée ici, normal là-bas…

Il est vrai que business et realpolitik –notamment mais pas seulement– bâillonnent hélas souvent les indignations habituellement les plus «sincères», et les protestations d’ordinaire les plus véhémentes… Négoce mondial et diplomatie internationale ne sont pas affaires de cœur, entend-on répéter aussi doctement que sentencieusement.

Reste que ces émotions à géométrie variable –si diverses dans leurs objets et leurs degrés– et ces indignations très sélectives, portent en elles mêmes leur propre discrédit.

Car pour être crédibles émotion et indignation doivent être vraies et sans distinction ni sélection. Or, à jeter un regard borgne sur les injustices, les spoliations, les oppressions… l’on finit par devenir un Tartuffe de l’indignation.

Mais alors… Que de tartufferies émotives et d’indignations hémiplégiques parcourent ce siècle !

 

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