« Paul Banéat était, me dira-t-on, une figure typiquement rennaise. Et pourtant son origine basse bretonne était proche. Son grand-père était enfant de Carhaix et, je suppose, neveu de ce Banéat maire de Carhaix, administrateur du Finistère, guillotiné avec ses collègues en 1794, comme coupable de fédéralisme ».

Ces quelques lignes furent écrites en 1972 par Monsieur Poquet pour présenter la réédition de l’ouvrage en 4 gros volumes que l’éminent historien Paul Banéat avait rédigé sur l’histoire, l’archéologie et les monuments du département d’Ille-et-Vilaine. Si, à Carhaix, cette famille Banéat est sortie de la mémoire collective, on peut rappeler que, pendant la Révolution, elle avait été projetée sur le devant de la scène.

Maire de Carhaix en 1792

La convocation des États généraux en 1789 avait provoqué l’élection de représentants du peuple, et la rédaction de cahiers de doléances. Dans la capitale du Poher, 12 délégués furent désignés pour représenter la sénéchaussée, dont 2 membres de la famille Banéat, le père, Pierre Marc, aubergiste, et le fils aîné, Charles François, marchand-cultivateur.

Charles Banéat fut maire de Carhaix en 1792 et fut nommé administrateur du département, en même temps qu’un autre Carhaisien, Jean-François Cornec. Charles Banéat, écrit M. Levot, «animé de sentiments religieux, n’avait vu dans l’autorité, qu’un moyen de concourir au bien public. Il en avait usé pour faire respecter la loi, protéger les honnêtes gens, et s’opposer aux manières violentes…»

26 administrateurs du Finistère guillotinés

 Durant la «Terreur», quand les Girondins (les «modérés») furent, le 2 juin 1793, exclus de la Convention par les «Montagnards» (les «radicaux»), les administrateurs du Finistère, partisans d’une révolution plus «douce», levèrent une armée de 600 hommes pour voler à leur secours. Cette armée fut défaite le 13 juillet, et la Convention victorieuse fit arrêter les administrateurs du département. Accusés de «fédéralisme», «d’atteinte à la sûreté de l’état», et même d’avoir «voulu livrer la Bretagne aux Anglais», 26 administrateurs du département furent guillotinés le 3 prairial an II (22 mai 1794), à Brest, deux mois avant la chute de Robespierre dont la mort mit fin à la Terreur.

Charles Banéat laissait une veuve, Gabrielle Renée Bienfait, qui le 16 prairial an II (4 juin 1794) sollicita la permission de vendre ses marchandises qui se perdaient. Elle n’a, dit-elle, «que son commerce pour élever sa nombreuse famille». Elle avait neuf enfants. L’un d’eux, François-Luc, fut le grand-père de l’historien rennais. Contrôleur des Droits Réunis, il épousa en 1805 Marie Victoire Joseph Pourcelet, d’une ancienne et très honorable famille carhaisienne. Elle était la cousine germaine de Maurice Julien Émeriau, futur amiral qui a donné son nom à une rue de Carhaix.  

Passionné par l’histoire de la Bretagne

Un fils de François-Luc, Jules, né à Carhaix en juillet 1814, fut avocat à Rennes, puis substitut du procureur du roi près du tribunal de Quimperlé, et enfin juge au tribunal de Rennes. Son nom apparaît dans les plans de la construction du chemin de fer et de la gare de Carhaix. En effet, ces documents indiquent que plusieurs parcelles achetées par la compagnie des chemins de fer de l’Ouest  appartenaient au juge Jules Banéat. Ce dernier, passionné par l’histoire de la Bretagne, communiqua cet intérêt à son fils Paul, né à Rennes le 5 octobre 1856.

Conservateur du musée archéologique de Rennes

 Docteur en droit, Paul Banéat fut comme son père avocat à la cour d’appel de Rennes. Son intérêt pour l’histoire et l’archéologie l’amena à intégrer la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine qu’il présida, tout en devenant conservateur, de 1906 à sa mort en 1942, du musée archéologique de Rennes. Ses recherches minutieuses sur l’histoire et les monuments de la métropole bretonne, comme sur tout le département d’Ille-et-Vilaine, font autorité. Au moins 6 rues portent son nom en Bretagne. Carhaix peut être fier de cet enfant du pays, et pourrait peut-être, à son tour, honorer sa mémoire, comme celle de son ancêtre, ancien maire, victime d’avoir opté pour la modération plutôt que pour «la Terreur».

F.K.