«Essayez de laisser ce monde un peu meilleur qu’il ne l’était quand vous y êtes venus et quand l’heure de la mort approchera, vous pourrez mourir heureux en pensant que vous n’avez pas perdu votre temps et que vous avez fait de votre mieux…», disait Lord Robert Baden-Powell dans son message d’adieu aux scouts, peu avant sa mort en 1941.
Aujourd’hui, l’Organisation Mondiale du Scoutisme estime qu’il y a quelque 57 millions de scouts dans le monde, nombre qui aurait augmenté de 5,4% en 2023.
En France, il y aurait près de 200 000 scouts tous mouvements confondus, contre environ 125000 quelque 20 ans plus tôt, mais cela reste encore légèrement inférieur à l’apogée du scoutisme de l’après-guerre où jusqu’à 211000 scouts avaient été dénombrés.
Aujourd’hui le scoutisme se décline avec de nombreuses variantes selon que les mouvements ou les troupes insistent plus sur tel ou tel aspect.
Mais qu’est-ce que réellement le scoutisme, et d’où vient-il?
Un succès mondial !
C’est en 1907, à 50 ans, que Robert Baden-Powell, alors lieutenant général dans l’armée britannique, met pour la première fois pleinement en application sa méthode d’éducation des jeunes sur laquelle il travaille depuis plusieurs années: le scoutisme.
Concrètement, il emmena une vingtaine de jeunes garçons de Londres venant de milieux sociaux très variés (aisés comme populaires) pour un camp expérimental sur l’île de Brownsea. Il répartit les adolescents en 4 patrouilles de 5 à 6 membres, dirigées par l’un d’eux qui devient le chef de patrouille…
Ces petites unités s’organisent pour la vie courante et les tâches d’une vie de camp en plein air: chacun s’y responsabilise.
Il leur inculque les bases du campisme et de la vie dans la nature, l’étude de cette dernière, l’observation, le secourisme… mais aussi des valeurs morales!
Son expérience étant un succès, il édite en 1908 son manuel «Scouting for boys» (traduit en français par «éclaireur»).
Cet ouvrage s’adresse aux futurs chefs, mais aussi directement aux jeunes et détaille sa méthode, mais aussi un grand nombre de connaissances concrètes et ses «secrets» pour mettre en œuvre sa pensée!
Cet ouvrage sera un succès international! En à peine une année il sera réédité sept fois! Il est estimé que depuis sa sortie en 1908, le livre a été écoulé à quelque 100 à 150 millions d’exemplaires.
Le scoutisme va très vite se répandre, et face à l’ampleur du mouvement, le général Baden-Powell se retirera de l’armée afin de se consacrer entièrement au mouvement scout.
Dès 1909, le guidisme sera créé pour les filles, et s’ajouteront ensuite rapidement les louveteaux pour les 8-12 ans et les routiers pour les 17-21 ans.
Au-delà du bel uniforme…
Le mot «scout» évoque pour beaucoup un bel uniforme, ou a minima un foulard.
Il est vrai que dès le départ, le fondateur du scoutisme instaura le port d’un uniforme pour les activités scoutes.
Les raisons en sont multiples mais l’uniforme avait entre autres le double avantage de fournir aux jeunes une tenue pratique et adaptée aux activités de plein air, et d’«effacer» les différences sociales entre ces jeunes venus de milieux divers, tout en créant un sentiment d’appartenance commun.
Pour autant, il ne suffit pas de revêtir un bel uniforme pour être scout! Et si le foulard en est devenu l’élément le plus symbolique, comme «l’habit ne fait pas le moine», Shakespeare pourrait certainement dire également: le foulard ne fait pas le scout…
«Remplacer les préoccupations du moi par celle du service»
En effet, dans la préface de la 14e édition anglaise de «Scouting for boys» (1929), Baden-Powell précise: «Le but de l’éducation scoute, c’est de remplacer les préoccupations du moi par celles du service, rendre les jeunes gens vraiment forts, au moral comme au physique, et de leur donner l’ambition de mettre leurs forces au service de la communauté… J’entends l’idéal de servir nos semblables. En d’autres termes, nous visons à mettre le christianisme en pratique dans la vie et les actes de chaque jour, et non seulement à en professer les doctrines le dimanche.»
Bien sûr, depuis, le scoutisme s’est développé dans d’autres religions, et même de façon non confessionnelle.
Pour autant les valeurs du scoutisme restent les mêmes: celles posées par le fondateur, et la loi qu’il a donnée pour les scouts. Loi que le jeune promet de mettre en pratique. Et c’est souvent un des premiers engagements qu’il prend personnellement pour sa vie. Cette loi –et donc les valeurs que véhiculent le scoutisme–, commence par l’honneur; un scout n’a qu’une parole… il est loyal envers ses chefs comme ses subordonnés… il aide son prochain, il cherche à rendre service, et la fameuse «B.A.» pour «Bonne Action» quotidienne est là pour le lui enseigner, etc.
Les trois points de la promesse portent d’ailleurs sur la loyauté, l’aide au prochain, et l’obéissance à la loi scoute. Le respect de cette promesse et de cette loi n’était pas optionnel dans la pensée du fondateur, au point qu’il écrivit: «Si un scout bafouait son honneur par un mensonge, ou en n’obéissant pas à un ordre, il ne serait plus scout, devrait rendre son insigne et ne pourrait plus jamais le porter…»
L’esprit scout…
Au-delà donc des apprentissages techniques et pratiques initiant le jeune scout dans l’art des nœuds, de la cartographie, du secourisme, du travail du bois, du campisme, de la connaissance de la nature, de l’observation, et plus globalement de tout ce qui facilite la vie en plein air et développe la débrouillardise, sans omettre les jeux et les sports, etc., le scoutisme transmet des valeurs.
Mais Baden-Powell insistait sur le fait que la transmission doit se faire par l’exemple (des chefs d’abord, mais aussi des scouts entre eux; la transmission entre jeunes étant un élément important de la pédagogie scoute).
Il existe de nombreuses activités pour les jeunes de nos jours, dont certaines se rapprochent d’un des pans du scoutisme.
Mais le scoutisme doit rester du vrai scoutisme. Si un des aspects est hypertrophié, il peut tomber par exemple dans une dérive paramilitaire, ou devenir un club de sport, ou une colonie de vacances aux joyeuses animations, ou encore une association de protection de l’environnement…
Et s’il perd le plus important, l’esprit scout, il perd ce qui en fait son âme.
Ce n’est donc pas le foulard qui fait le scout, mais l’état d’esprit et le respect de sa promesse.
Guillaume Keller