«Une vie de chien»… Il est des expressions, comme celle-ci, qui avec le temps semblent avoir perdu de leur force voire toute réalité. En voici un exemple édifiant.

A San Francisco, dans le quartier huppé de Mission District, un nouveau restaurant gastronomique a ouvert ses portes il y a quelques mois. En apparence, rien de surprenant, au contraire même ; une belle vitrine, moderne et soignée, du beau mobilier, des canapés rembourrés et une carte de haute cuisine rassureraient le client quelque peu perplexe. Au menu, bouillon de poulet en apéritif, mijoté avec du vinaigre de cidre de pomme infusé aux champignons chaga. En entrée, gaufre de peau de poulet et flan au charbon de bois de coco. Et pour finir, tartare de bœuf nourri à l’herbe garni d’œuf de caille et de pousses de brocoli. Tarif de la prestation : 75 $, soit environ 70 € !

Si, à prime abord, le menu semblerait s’adresser aux humains, en réalité, il est réservé à nos «compagnons à quatre pattes»… En effet, ce restaurant dénommé «Dogue», probablement le premier restaurant gastronomique exclusivement pour chiens, confectionne des plats de haute cuisine à partir de produits 100% bio achetés à des producteurs locaux. L’établissement propose toutes sortes de mets raffinés mais aussi une grande variété de friandises, des cafés appelés dogguccinos (cappuccinos pour chiens) et de nombreuses «pawtisseries» élaborées. Chez Dogue, on a même fêté l’anniversaire de trois chiens le même dimanche…

Ce restaurant, qui correspondrait à un concept «novateur» inspiré de la cuisine française, vient s’ajouter aux nombreux autres services à destination des animaux de compagnie dont dispose la ville de San Francisco, qui compterait d’ailleurs plus de chiens que d’enfants. Cependant, si cette initiative visait, semble-t-il, à sensibiliser les gens à l’importance d’une nourriture basée sur des ingrédients frais et naturels pour leurs animaux, elle suscite de vives critiques. Alors que l’agglomération franciscanaise est frappée par une crise du sans-abrisme et par un coût de la vie qui ʺgrimpe en flècheʺ, cette initiative apparaît, pour le moins, décalée voire insultante pour ceux qui sont dans le besoin.

Notons que cette nouvelle activité est symptomatique du phénomène d’anthropomorphisme qui a gagné nos sociétés occidentales depuis quelques années maintenant et qui conduit parfois à d’étranges comportements, pouvant même maltraiter involontairement les animaux, en leur prêtant des sentiments humains qu’ils n’ont pas…

Alors, après les tenues excentriques et les hôtels pour animaux de compagnie, voici les restaurants gastronomiques pour «toutous». A un tel prix, il ne reste plus qu’à espérer que le menu plaise à Médor… Une chose est sûre : certains ont «flairé» le bon filon en s’attaquant à ce marché… de niche.

J.G.