«Avance en pleine eau et jetez vos filets pour pêcher.»

Pourquoi cette parole?

Et à qui s’adressait-elle?

Le récit révèle qu’il s’agissait de pêcheurs du lac de Génésareth et qu’ils avaient passé des heures de labeur sans rien prendre!

De plus, ils devaient s’éloigner du rivage car la foule qui s’y tenait effarouchait et faisait fuir les poissons…

C’était donc un conseil sage et pertinent.

«Avance en eau profonde…»

Ainsi dans nos vies, nous aussi nous pourrions parfois être timorés… routiniers ou hésitant à entreprendre davantage.

Ce peut être l’attitude d’un artisan, d’un commerçant, d’un sportif… ou de n’importe quelle personne dans telle ou telle situation.

Bien des exemples pourraient être cités, et ce sans aucun esprit de critique mais seulement comme une constatation.

Mais cela peut aussi concerner chacun de nous dans notre propre vie.

Prisonnier des habitudes, des exemples observés dans l’environnement… ou simplement d’une certaine tendance à ne pas se contraindre ou à se dévaloriser, ou d’une forme de paresse…

Quelle qu’en soit la cause, ce comportement est négatif, et réducteur.

Il peut se manifester dans les grandes activités, dans les grands moments de choix, comme dans les petites choses de la vie quotidienne.

Et beaucoup ont ainsi manqué des occasions qui leur étaient données, parfois offertes, de progresser, de «se dépasser» et d’accomplir une œuvre qui leur paraissait au-dessus de leurs possibilités et qui souvent n’était qu’au-dessus de leurs désirs, de leurs saines et légitimes ambitions, de leur volonté.

Plus tard, parfois bien plus tard, à l’âge où l’on se retourne pour mesurer le chemin parcouru, la vie que l’on a menée,

certains ont regretté leur frilosité, leur manque de dynamisme, voire leur passivité quand il fallait se décider, s’élancer et sortir de ce «cocon intérieur» ou de la vie tranquille établie…

Cela ne veut pas dire qu’il faille se surestimer, s’avancer sur des chemins trop complexes ou trop élevés pour soi…

D’aucuns pour l’avoir fait ont connu de sévères et douloureux échecs ou des revers cuisants, hypothéquants pour eux-mêmes et, hélas, parfois pour les leurs, ou ceux qui les avaient suivis.

Là encore, que d’exemples regrettables pourraient être cités!

Mais cette réserve étant soulignée, il n’en demeure pas moins que la tiédeur à entreprendre est de beaucoup la plus commune…

Et pourtant, l’actualité fait écho de temps à autre de l’action ou de la vie de personnes qui n’ont, semble-t-il, rien d’extraordinaire et qui ont su «se dépasser» sans aucune motivation d’orgueil ni de gain… simplement en agissant selon leur conscience et ce qui leur paraissait être leur devoir.

Ce peut être dans le cadre familial, un dévouement, tel celui d’un de mes grands-pères qui, jeune homme, a vu mourir prématurément le mari de sa sœur aînée, la laissant avec plusieurs enfants en bas âge, à une époque où n’existait pas la Sécurité Sociale, ni les allocations familiales, ni les aides diverses heureusement créées depuis…

Et ce jeune homme, mon grand-père, déclara à sa sœur doublement atteinte par la mort de son époux aimé, et l’anéantissement de sa source de revenus, d’où la terrible perspective pour elle et ses petits, de la misère…

«Je vais te donner mon salaire… et je ne me marierai pas avant que tes enfants soient tous élevés!»

Et ainsi il fit, travaillant et soutenant financièrement son aînée.

Il ne se mariera lui-même que bien au-delà des 30 ans, fondant alors le foyer qu’il espérait depuis si longtemps.

«Avance en eau profonde».

Que de personnes ont ainsi, hier comme aujourd’hui décidé d’agir et de donner le meilleur d’eux-mêmes, parfois pour réussir dans la voie qu’elles avaient choisie, ou pour secourir leur prochain.

«Avance en pleine eau…»

Ne reste pas sur le rivage, installé dans ta «petite vie»…

Non qu’une vie modeste soit en rien méprisable… On peut faire beaucoup avec le simple rayonnement de l’affection, de l’amour, du don de soi…

Rendre heureux son entourage, et si on le peut, d’autres, est un but louable et noble…

Il n’est donc pas question d’évaluer quantitativement la vie de chacun, mais d’exhorter les uns et les autres:

l’enfant à l’école,

l’étudiant à la fac,

le sportif sur le terrain,

l’ouvrier dans son emploi,

le patron dans ses responsabilités,

le mari, l’épouse, dans leur maison…

à rayonner de la vie intérieure qui les anime, et qui par une parole, un geste, un regard… apporte aux autres un signe d’humanité et comme un appel à «aller plus loin» «plus haut» dans leur propre existence.

«Avance en eau profonde et jetez vos filets pour pêcher.»

Ils le firent, sur la parole de Jésus, nous dit l’Évangile, et ils prirent une telle quantité de poissons que leur barque en était remplie…

En un moment, leur triste défaite est devenue une grande victoire et une grande joie.

Ils crurent à la parole du Christ et ils la virent se réaliser.

Il peut en être de même pour chacun de nous, quels que soient notre situation ou nos handicaps.

La parole de l’Évangile peut devenir aussi pour nous,

un miracle qui change toute chose.

Yvon Charles