Décembre est arrivé, et malgré la fraîcheur et l’humidité qui caractérisent souvent ce «miz kerzu», une certaine «fièvre» s’installe petit à petit, notamment chez les enfants, car… c’est Noël qui approche! Les maisons et les rues qui se parent de lumières et de diverses décorations sont là pour l’évoquer. Et pour un certain nombre, un autre petit plaisir quotidien est là pour rappeler cette période, tout à la fois aidant à patienter, et augmentant la pression jour après jour au fur et à mesure de l’ouverture des cases… Vous aurez certainement reconnu le fameux «calendrier de l’Avent»!

Si le calendrier de l’Avent est clairement rattaché à Noël, il peut sembler se référer à une tradition ancestrale et lointaine, presque aussi ancienne que le fait de fêter Noël… et pourtant il n’en est rien.

Si la période de l’Avent a été mise en place par le Pape Grégoire au VIe siècle de notre ère pour marquer l’approche de Noël et faire «revivre» l’attente de la naissance du Messie (naissance de Jésus Christ, fêtée à Noël), le concept du calendrier de l’Avent est quant à lui bien plus récent.

Une tradition pas si ancienne…

Ce concept semble s’implanter à partir du XIXe siècle en Allemagne où les familles protestantes donnaient aux enfants une image religieuse et/ou une pâtisserie par jour durant la période de l’Avent. L’idée était de matérialiser cette période, et le nombre de jours restants, mais aussi d’apprendre la patience.

En 1908, Gerhard Lang édite le premier véritable calendrier de l’Avent: une série de cases numérotées sur lesquelles il faudra venir coller une image chaque jour.

Son calendrier connaît un vif succès outre Rhin, et 12 ans plus tard il évolue pour prendre la fameuse forme des petites portes à ouvrir quotidiennement. Mais elles contiennent alors généralement des images ou des figurines religieuses, avec des versets des Évangiles.

Après la Seconde Guerre mondiale, des soldats américains vont faire traverser l’Atlantique à ces calendriers qui connaîtront alors un très fort développement. Au cours des années 1950, le calendrier se détache petit à petit de son aspect religieux pour prendre un virage plus consumériste et gourmand.

De la religion à la gourmandise…

Il est généralement admis que le premier calendrier de l’Avent au chocolat est commercialisé en 1958. Mais il faudra attendre les années 1980 pour voir son essor vraiment gagner la France.

S’il est resté durant près de trente ans quasi exclusivement «chocolaté», le marché du calendrier de l’Avent connaît depuis quelques années de profondes évolutions.

Car c’est bien un véritable marché du calendrier de l’Avent qui s’est développé. Et il semble maintenant bien loin le temps où ce calendrier rappelait l’attente de la venue du Christ, tant la dimension commerciale a pris le pas sur la dimension religieuse… comme elle tend à le faire sur le reste de cette fête et plus globalement sur cette période.

Si le calendrier au chocolat reste encore très majoritaire et les enfants la «cible de base», l’offre s’est considérablement développée pour proposer des alternatives comme des calendriers «jouets» (avec Playmobil en 1998), mais aussi pour créer une offre pour adultes.

L’Avent pour tous les goûts et tous les coûts !

Ainsi il y en a maintenant pour tous les goûts et tous les portefeuilles. Les prix varient de 1€ à plus de 700€ pour certains calendriers de l’Avent de luxe.

Hormis les traditionnels chocolats et jouets, vous pouvez donc choisir entre des calendriers de l’Avent au thé ou au café, au fromage ou au saucisson, ou encore à la confiture, mais vous serez peut-être plutôt tenté par une version plus intellectuelle avec un conte ou un chapitre de livre par jour ?

L’ingéniosité de l’industrie étant sans limite pour saisir les occasions de trouver de nouvelles parts de marché, vous pourrez également vous orienter vers un calendrier de l’Avent «bricolage» avec un outil par jour, ou alors «pêche» où vous découvrirez chaque jour de nouveaux leurres…

Au grand dam des addictologues, vous pourrez encore trouver des calendriers vous faisant découvrir une bière par jour, si ce n’est un whisky ou divers spiritueux…

Mais peut-être sera-ce plutôt un calendrier cosmétique ou encore de «produits régionaux» qui saura trouver le chemin de… votre portefeuille!

Vous l’aurez compris, l’aubaine était trop belle pour que le moindre secteur s’en prive!

Un business très lucratif !

Avec tous ces efforts de marketing, les calendrier de l’Avent ont conquis un Français sur cinq, nous assure TF1. Le marché du calendrier de l’Avent représente ainsi plusieurs dizaines de millions d’euros en France et a connu un essor particulier ces 10 dernières années.

Ainsi en 2019, les calendriers au chocolat (dont 64% du marché serait «trusté» par Kinder) représentaient quelque 12 millions de ventes pour un chiffre d’affaires (CA) de 72 millions d’euros selon le cabinet de marketing Nielsen…

Ceux avec des «jouets» étaient dans le même temps vendus à plus d’1 million d’exemplaires, pour un CA d’environ 24 millions d’euros… et ce sont Playmobil et Lego qui en bénéficient le plus puisqu’ils représentent 75% des ventes!

Il faut noter que les récents développements de l’offre pour adultes doivent tirer ces chiffres vers le haut car, si les calendriers pour enfants sont relativement peu onéreux avec des tarifs commençant dès 1€ pour les chocolats, et tournant autour des 8-10€ pour les marques comme Ferrero, ils grimpent à 20-30€ pour les calendriers «jouets»… alors que les prix de ceux pour adultes peuvent s’élever à plusieurs centaines d’euros pour des marques comme Dior, Chanel, etc.

Mais sans aller jusqu’à ces extrêmes, il faut compter une bonne quarantaine d’euros pour un calendrier «saucisson», une soixantaine pour un calendrier «fromage», 70€ pour les spécialités régionales, et une centaine d’euros pour les spiritueux, etc.

Chiens, chats, rongeurs… à chacun son calendrier !

Après Noël, c’est donc l’Avent qui est devenu une aubaine commerciale. Comme le notent des professionnels du marketing à l’instar de Laetitia Biel : cela permet de «consommer Noël plus tôt». Mais cela leur permet aussi de mettre en avant leurs nouveaux produits (espérant des achats futurs), de les faire acheter par lots de 24 ou plus…

Si certains secteurs comme la cosmétique sont prêts à faire des efforts sur les prix, pour profiter au maximum de cet effet marketing, en affichant des coffrets des 24 produits dont le prix serait 5 à 10 fois inférieur à la valeur unitaire des produits, pour d’autres secteurs, comme les chocolats, il semble que ce soit souvent l’inverse.

Ainsi, il était relevé que Ferrero affichait des prix de près de 50€ le kilo de chocolat pour ses calendriers… soit 3 fois plus qu’en d’autres périodes! Pas étonnant que ce produit représente 25% de son chiffre d’affaires.

Mais puisqu’il paraît que « l’appétit vient en mangeant »… après avoir produit des calendriers de l’Avent pour adultes, l’industrie vous appelle maintenant à ne pas oublier vos animaux de compagnie! Chiens, chats, rongeurs et autres peuvent en effet depuis quelques années avoir leur calendrier de l’Avent!

Et l’on vous assure qu’ils apprécient, et que, notamment les chiens, comprennent vite le principe! Le principe de la «récompense» derrière chaque case probablement… pour ce qui est de comprendre la période de l’Avent, en revanche, le doute reste de mise…

En parodiant Alfred de Musset l’on pourrait conclure que pour certains: qu’importe le motif, pourvu qu’il y ait le business !

Guillaume Keller