Le « Journal des mines » en date de février 1807, nous rapporte une curieuse anecdote, qui concerne un ingénieur des mines de Poullaouën : « se promenant dans le pays, (il) trouva sur les bords d’un ruisseau, et près d’un moulin appelé « Moulin d’Argent », un tas de scories et de déchets de laverie… Il remonta le ruisseau, et en cherchant dans les environs, il arriva à la mine de Huelgoat ; il y trouva une ouverture de galerie ». 

Il s’agissait de l’ancien site d’exploitation de Huelgoat, abandonné depuis tellement  longtemps que son souvenir en était presque effacé des mémoires. 

Christophe Koenig était un ingénieur allemand, originaire de Saxe, très apprécié pour ses compétences et son sérieux. Après qu’il eut travaillé une dizaine d’années dans diverses mines du royaume, les actionnaires de la Compagnie des Mines de basse Bretagne, créée le 1er avril 1732, le sollicitèrent pour diriger les mines de plomb argentifère de Poullaouën. Il en fut le directeur de 1748 à 1764. La concession octroyée à la société s’étendait sur 13 paroisses du Centre-Bretagne, essentiellement sur le territoire de Poullaouën et Huelgoat-Locmaria.  

Une « machine à feu » trop onéreuse

 Le prédécesseur de C. Koenig, l’Anglais Denman (directeur dès 1735), face aux déconvenues occasionnées par la vieille mine au Squiriou (ouverte en 1731), puis par la « nouvelle fonderie » (1738), avait découvert et exploité la « nouvelle Mine » de Poullaouën en 1741. Celle-ci devait remplir les espérances des actionnaires, car le filon, « presqu’à fleur de terre », était «si abondant en minéral de plomb qu’il n’y en a jamais eu de pareil en France » ! Hélas, les infiltrations d’eau entravèrent l’exploitation du site. On mit en place des machines hydrauliques, puis une machine à vapeur « Newcomen » venue de Liège. Cette « machine  à feu », fonctionnait au charbon de terre, importé d’Angleterre.

Ces procédés s’avérèrent soit inefficaces, soit trop onéreux pour apporter la réponse au problème posé. Christophe Koenig mit un peu d’ordre et de rigueur dans l’exploitation du site minier. Il fit de grands travaux pour arriver à lutter contre l’inondation des galeries : réalisation de retenues d’eau, canaux permettant d’actionner deux grandes roues pour faire fonctionner des pompes d’assèchement, création d’étangs… Sur les anciens puits, une meilleure utilisation de machines hydrauliques donna pleine satisfaction.

Toutes ces innovations permirent le creusement de nouveaux puits. Contrairement à ses prédécesseurs, le directeur développa un réseau de galeries répondant à des critères stricts de géométrie et de rationalité. Ces éléments de base apparaissent dans ses cours de géométrie souterraine publiés en 1780.

Une expansion remarquable

Sous la direction de l’ingénieur Koenig, les mines de Poullaouën Huelgoat Locmaria-Berrien « connurent une expansion remarquable ». C’est lui qui fit construire « le château de la mine » pour abriter le personnel de direction de l’exploitation. Sa réputation fut telle qu’il fut nommé inspecteur général des mines du royaume et à ce titre, il effectua de très nombreux déplacements sur les différents sites miniers du royaume, prodiguant conseils et réformes selon les besoins. De plus, il eut la responsabilité d’accueillir des élèves ingénieurs de l’école des Ponts-et-Chaussées pour parfaire leur formation.

Christophe Koenig  était aussi attentif aux besoins des mineurs. Ses recommandations, pour la direction des établissements miniers, mettent l’accent sur l’importance de veiller à la vie sociale et morale des ouvriers. Il préconisait la lutte contre l’alcoolisme, et de manière générale contre les perturbateurs potentiels. Les ouvriers étaient par obligation des intermittents, car pendant des mois il était impossible d’utiliser les galeries inondées. Ainsi souvent ils avaient en plus un autre travail : sabotiers, bûcherons…

Durant sa période de direction, il avait institué une formation professionnelle pour les jeunes de la région. Il recommandait aux futurs directeurs d’avoir «soin de faire instruire le plus qu’il pourra de jeunes gens du païs dans les opérations qui regardent la fonderie, soit dans le travail de la mine et de sa préparation».

En effet, trop souvent il fallait faire venir de l’étranger le personnel qualifié. Pour celui-ci,  C. Koenig fit construire des logements qui dénotent encore aujourd’hui car ils tranchent avec le style architectural local traditionnel. La collaboration avec les locaux ne fut pas toujours facile. En témoigne l’assassinat en 1761 de trois mineurs allemands. 

Une commune privilégiée pour l’époque

Il institua également une caisse de secours mutuels pour subvenir aux besoins des malades et estropiés, une « boîte des invalides » pour assurer une pension aux invalides, veuves ou orphelins, « caisse » qui perdurera jusqu’au 19e siècle, ainsi que des cours d’alphabétisation fonctionnelle pour adultes. Ainsi, J. Siche a relevé dans les registres de baptêmes d’avant 1790, que 67,5% des pères, et 70% des parrains travaillant à la mine savaient signer, contre 5,4% des pères et 8,8% des parrains chez ceux qui n’y étaient pas employés.

Poullaouën a bénéficié d’efforts de scolarisation inhabituels pour une petite commune rurale du Centre-Bretagne. En 1832, un autre directeur des mines, Auguste Juncker, créa une école primaire pour les enfants de mineurs. Ouverte à tous les enfants en 1838, elle est devenue communale en 1864.

En 1897 fut créée une autre école, privée, éloignée du bourg celle-là, l’école protestante du Guilly, à l’orée du bois du Fréault.

Elle fonctionna jusqu’en 1931.

F.K.