Théophile Malo Corret est né à Carhaix le 23 décembre 1743,  fils du notaire Olivier Louis Corret, sieur de Kerbeaufret, sénéchal de Trébrivan, régisseur du château de Kergoat en Saint-Hernin, et de  Jeanne Lucrèce Salaun du Rest (de Collorec). Veuve en 1749, celle-ci se remaria en 1755 avec Philippe Billonnois, le directeur de la recette des postes et de l’entrepôt de tabac de Carhaix.

Le jeune Théophile Corret  fit ses études chez les jésuites à Quimper, mais plutôt que de s’orienter vers le droit, selon la tradition familiale, il choisit le métier des armes. Mais comment espérer faire carrière, ou même entrer dans une école d’officier, sans titres de noblesse?

Madame Billonnois sa mère se fit fort d’arranger la chose. Son réseau de relations était très grand. Elle réussit à persuader quatre honorables aristocrates bretons de rédiger un certificat garantissant qu’il était «gentilhomme de la province», donnant la particule au jeune Corret, ainsi que le titre d’Écuyer. Il devenait «Ecuyer Théophile-Malot de Corret de Kerbeaufret».

Mousquetaire du Roi

Grâce à ce certificat, et à quelques relations bien placées, il entra le 3 avril 1767 dans la Maison du Roi, en tant que Mousquetaire. Il n’y resta que cinq mois. En effet, le 1er septembre suivant, il fut nommé sous-lieutenant au régiment d’Angoumois.

Élevé au grade de lieutenant le 21 mai 1771, il le sera toujours 17 ans plus tard. C’est que sa prétendue noblesse ne trompait personne! Les honneurs et les grades étaient réservés aux militaires issus de la noblesse de cour, ce qui était loin d’être son cas.

Le Jeune Corret bouillait d’impatience de montrer de quoi il était capable. Sa mère lui disait autrefois: «Vous êtes  du sang de Turenne, et il vous appartient de le montrer comme aîné de votre lignage».

Faire reconnaître son illustre origine

Il devait donc faire reconnaître son illustre origine et étudia l’histoire de sa famille. On disait que son arrière-grand-père, Henri Corret, né vers 1606, était un fils naturel d’Adèle Corret, originaire des environs de Sedan, et d’Henri de La tour d’Auvergne (1555-1623), maréchal de France, vicomte de Turenne en Auvergne, duc de Bouillon et  prince de Sedan. Henri Corret put rester à la cour de Sedan, puis décida d’accompagner en Bretagne sa demi-sœur Henriette de La Tour d’Auvergne, qui épousa, en 1629, un jeune aristocrate protestant breton, Amaury Gouyon, Marquis de la Moussaye et comte de Plouer.  

Théophile Malo Corret constitua un dossier sur cette ascendance, qu’il fit parvenir au duc de Bouillon, Godefroy de La Tour d’Auvergne. Celui-ci, qui se demandait justement qui dans sa famille pourrait bien devenir son héritier, reçut favorablement la demande du lieutenant Corret. Peut-être pourrait-il l’adopter? 

«Monsieur de la Tour Corret»

Par courrier en date du 23 octobre 1779, il reconnut «Monsieur de la Tour Corret» comme membre de sa famille: «Vous pouvez, Monsieur, d’après cette lettre, prendre mon nom et les armes de ma maison, qui sont La Tour d’Auvergne, et le gonfanon (étendard de guerre), en ajoutant dans l’écusson la barre, comme enfant naturel de ma maison.»

Un courrier, adressé le mois suivant par le duc au lieutenant Corret, lui précisait: «Vous pouvez vous faire inscrire dans l’état militaire sous le nom de la Tour d’Auvergne Corret».

Cette reconnaissance a-t-elle eu des répercussions sur sa carrière militaire? Il ne semble pas, car s’il accède enfin au grade de capitaine, c’est à l’ancienneté, le 29 octobre 1784.

Un héros «Brave et Savant» 

Selon Charles Le Goffic, «le coup le plus vif à son amour propre, c’est d’apprendre que, passant outre à ses services dans l’armée et à son entrée dans la famille de Turenne…, l’intendant de Bretagne, M. Caze de la Bove, l’a classé au rang des derniers particuliers de la province en l’imposant à la taille, au franc-fief, etc.». 

La Tour d’Auvergne n’avait jamais été courtisan. Il avait voulu que son identité soit reconnue, mais son désir ayant été comblé, il se détacha des honneurs.

La révolution et son évolution personnelle mirent en évidence sa bravoure, son désintéressement, son humanité, sa foi (sa Bible l’accompagnait dans tous ses déplacements), son humilité aussi. Ses recherches linguistiques et  son esprit de sacrifice le firent connaître et apprécier au point d’en faire un héros «Brave et Savant», reconnu même des plus hautes autorités. C’est ainsi que celui qui aurait pu être «Duc de Bouillon», accepta l’humble titre de «Premier grenadier des armées de la République», que lui décerna le 7 floréal an VIII (27 avril 1800) Bonaparte, alors premier Consul de la République.

F.K.