«Décathlon, à fond la forme!» Tout le monde a en tête ce slogan, entendu à la radio, la télévision, ou lu sur divers supports publicitaires. La chaîne de magasins est présente dans tout l’Hexagone et même bien au-delà de nos frontières. La marque, qui fête cette année ses 46 ans, a connu un parcours qui semble à l’image de son slogan. Pourtant, à ses débuts, rien ne laissait présager une telle ascension.

Un concept innovant…

C’est en 1975 que Michel Leclercq (qu’il ne faut pas confondre avec Michel-Edouard Leclerc, président de la chaîne de magasins éponymes), a une idée novatrice qui révolutionnera l’univers du sport pour bien des Français.            

Il a alors 35 ans et travaille dans la grande distribution, plus précisément dans le  groupe Auchan, fondé par son oncle Gérard Mulliez.

Les grandes surfaces sont alors en plein essor. Mais Michel Leclercq, grand amateur de sport, fait le constat que l’on y trouve de tout, sauf des articles de sport.

Il entrevoit alors l’idée d’un concept qui lui permettra de se lancer enfin dans l’aventure, sans concurrencer son oncle: la grande surface de sport!

Bien qu’inspiré de ce qui se fait déjà dans le domaine des produits du quotidien, du bricolage, ou encore de l’ameublement, et de ce qu’il a pu voir aux USA, c’est révolutionnaire sur ce créneau en Europe. Jusque-là, les articles de sport n’étaient vendus que dans des magasins spécialisés dans un type de sport. Mais lui veut vendre des articles de plusieurs sports différents sous le même toit.

Bâtir une relation de confiance avec le client

Son concept, fidèle à la grande distribution, est de vendre des articles de sport à un prix «abordable».

Mais, pratiquant lui-même, il ne souhaite pas que ce soit au détriment de la qualité. Il faut maximiser le rapport qualité-prix, et avoir une relation de confiance avec le client. La stratégie marketing est la suivante: « on met en avant la qualité du produit le moins cher et le prix bas du produit haut de gamme! ».              

Pour établir une relation de confiance avec le client, l’idée est que le sportif soit conseillé par un sportif… comme si c’était un ami. «Tu conseilles les clients comme si c’étaient tes meilleurs amis» explique le fondateur. «Il est interdit de tromper un client chez Décathlon», affirme-t-il!

L’objectif est de vendre des articles de sport, mais aussi d’entretenir et de réparer le matériel.

Michel Leclercq s’entoure de six collaborateurs, tous passionnés de sports. Et c’est ainsi que l’aventure commence en juillet 1976 à Englos (59) dans le Nord de la France, dans un bâtiment de 900 m² qui partage son parking avec un magasin… Auchan! Le nom de «Décathlon» est «naturellement» retenu, eu égard aux 10 sports qui doivent être représentés en magasin.

Vers un naufrage rapide?

Mais le concept d’un maximum de qualité pour un prix minimal, n’était pas aisé à mettre en œuvre.

Il fallait pour cela rogner sur les marges, etc. Cette contrainte, alliée au nouveau concept de «Grande surface de sport», eut pour résultat que plusieurs équipementiers refusèrent de fournir la nouvelle entreprise, craignant pour leur image à cause des prix bas. Devant ces difficultés, le fondateur avait toutes les raisons de craindre un naufrage rapide. D’autant que parmi les fournisseurs qui travaillaient avec lui, certains se retirèrent, comme les cycles Peugeot. Mais les pionniers de Décathlon, en sportifs accomplis, savent qu’il faut faire preuve d’endurance, de ténacité… et d’ingéniosité. Entre batailles judiciaires (notamment avec Adidas), et recherche de «système D», des solutions sont trouvées face aux problèmes qui surgissent. A l’image par exemple de l’accord trouvé avec les Cycles Leleu qui acceptent que leurs vélos soient commercialisés par Décathlon, avec une étiquette de ce dernier collée sur le cadre… Finalement les nuages se dissipent, et l’entreprise croît.

Faiblesse ou opportunité?

Mais cette expérience amère sur les difficultés d’approvisionnement a manifestement marqué l’équipe dirigeante… Est-ce pour pallier la faiblesse potentielle de l’approvisionnement, ou est-ce parce que cette faiblesse leur a permis d’identifier une opportunité (ou les deux)? Toujours est-il qu’assez rapidement Décathlon a commencé à vouloir concevoir ses propres produits.

En parallèle du développement géographique, par l’implantation de nouveaux magasins, au cours des années 1980, Décathlon investit le champ de la conception, de la recherche et du développement.

Décathlon commence, dès 1986, à concevoir des cadres vélo. La marque prend alors une nouvelle dimension. Elle développe ses propres produits, et continue de s’étendre, dépassant les frontières françaises pour aller en Allemagne d’abord, puis dans toute l’Europe, aux Etats-Unis, et finalement sur tous les continents (même en Océanie)!

De 2 à 70 marques!

En 1996, Décathlon structure la vente de ses produits et crée ses propres marques (ce qu’elle appelle ses «sports passions»). Ce sont d’abord Quechua (pour les produits des sports de montagne), et Tribord (pour ceux du monde marin et aquatique). L’année suivante naîtra Solognac (pour la chasse), en 1998 ce seront Domyos (pour la gymnastique) et Kipsta (pour le foot), etc. Presque tous les ans, de nouvelles marques seront créées (et donc de nouveaux produits). Petit à petit, Décathlon complète (ou remplace) dans ses rayons les produits des grandes marques par ses propres produits.     

L’entreprise innove sans cesse, investit de plus en plus de sports et subdivise ses premiers «sports passions» pour avoir quasiment une marque par sport. Par exemple Tribord se sépare de la partie natation, donnant naissance à la marque  Nabaji en 2008. Puis en 2016 et en 2020, Tribord se subdivise à nouveau; elle restera la marque des sports de voile, alors que d’autres marques sont créées pour les sports de pagaie, de plongée, de surf, etc. Décathlon comptabilisait quelque 70 marques l’année dernière et couvrait pas loin de 90 sports!

Des laboratoires Décathlon…

Pour développer tous ces produits, Décathlon crée des laboratoires et des centres de conception, «au plus près des pratiquants» et du milieu naturel de pratique le cas échéant. Si la plupart sont en France, les produits sont quant à eux majoritairement fabriqués en Asie.    

Dans l’optique d’atteindre la meilleure qualité de produit possible, Décathlon n’hésite pas  à développer des partenariats avec de grandes marques, voire à racheter certaines entreprises, comme ce fut le cas en 2008 avec l’entreprise Simond de Chamonix que Décathlon a rachetée (devenant l’unique actionnaire des établissements Simond) pour créer son sport passion Simond pour l’alpinisme. Décathlon capitalisait ainsi sur un savoir-faire datant de 1820!

La marque innove tous azimuts; elle investit dans la seconde vie de ses produits via l’achat et la revente de ses produits d’occasion, développe le click and collect, mais aussi la location de matériel, etc.

1700 magasins en 46 ans! Quel chemin a parcouru la petite entreprise de 1976! Aujourd’hui, Décathlon est présent dans plus de 50 pays, au travers d’un peu plus de 1700 magasins (dont 325 en France en 2020), et compte 103000 collaborateurs (dont 22 000 en France)! En 2021, Décathlon (international) annonçait une croissance de 20% (18% en France), ce qui portait son chiffre d’affaires à près de 14 milliards d’euros! (Dont 4,2 milliards pour DECATHLON France). Elle dépassait ainsi de plus de 11% ses performances d’avant COVID-19.

Guillaume Keller