En Bretagne l’imaginaire retiendra plutôt la pêche en bord de mer, à pied ou à la ligne, voire en mer sur une embarcation ou en plongée sous-marine… et pourtant, notre belle région offre également de larges possibilités en eau douce ! En effet, bien plus qu’en d’autres régions, les amateurs y bénéficient d’un riche maillage de cours d’eaux (de plusieurs milliers de kilomètres) leur permettant de varier les plaisirs, dans un cadre souvent luxuriant et détendant !
Les Bretons ne s’y trompent d’ailleurs pas puisque la pêche serait le deuxième loisir le plus pratiqué, après le football, avec 57000 adhérents selon France 3 Région! Ce loisir est également l’un des plus répandus dans tout l’Hexagone puisque l’on compte près de 1,5 million de pratiquants, occasionnels ou réguliers (dont environ 360 professionnels)! Il est d’ailleurs souvent l’un des symboles de la détente, pour les vacances ou la retraite!
Une pratique réglementée
Si la pratique de la pêche comme activité vivrière semble remonter à la nuit des temps, et sa pratique sportive, ou de loisir remonter au XIXe siècle, rappelons que la pêche en eau douce est de nos jours soumise à quelques règles; tout d’abord, pour pouvoir la pratiquer, il faut acheter une carte de pêche (annuelle, hebdomadaire, ou à la journée) afin de bénéficier du «droit de pêche» de l’association locale. Il faut également respecter les dates d’ouverture et de fermeture, à la fois des cours d’eau et des espèces, et enfin respecter les tailles minimales requises des prises éventuelles! (Ce résumé n’est évidemment pas exhaustif!)
Les rivières françaises sont classées en deux grandes catégories selon leur population piscicole dominante: les rivières de première catégorie et les rivières de seconde catégorie. Les premières ont généralement un courant plus soutenu; ce sont celles dans lesquelles vous pourrez trouver des salmonidés (truites, saumons…) et les secondes, généralement plus calmes, sont celles desdits «poissons blancs» (perches, gardons, carpes, brochets, etc.). Elles sont soumises à des réglementations de pêche différentes fixées par arrêtés préfectoraux. A ceci s’ajoutent les étendues d’eau fermées (lacs et autres étangs) qui ont chacune des réglementations spécifiques.
Les atouts de la Bretagne
La Bretagne est plutôt bien pourvue avec ses 4500 km de rivières aux cours rapides de première catégorie, les 360 km d’eaux calmes du canal de Nantes à Brest ainsi que plusieurs grands lacs (le Réservoir Saint-Michel, le Drennec, Guerlédan, etc.) qui permettent de pratiquer tous les types de pêche, sportive ou de détente, depuis la pêche à la mouche à la pêche au posé, en passant par la pêche au lancer ou au vif… d’ailleurs 40 à 45% des captures de saumons en France seraient faites en Bretagne!
Les droits de pêche sont majoritairement gérés par les quelque 3700 AAPPMA locales (comprenez Association Agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique), regroupées en 94 fédérations départementales, 12 fédérations régionales, et une Fédération Nationale de la Pêche en France (qui a succédé à l’Union Nationale de la Pêche en France, créée depuis 1947).
Pêcheur occasionnel ou passionné…
Afin de pouvoir pratiquer en eau douce, le pêcheur doit donc adhérer à une des AAPPMA moyennant l’achat d’une carte de pêche (annuelle). Pour ce faire, le pêcheur majeur devra débourser dans les 80€ pour accéder aux ressources halieutiques des AAPPMA de sa grande région («les groupements réciprocitaires»), auxquels il pourra ajouter une centaine d’euros pour accéder à tout le territoire national.
Pour les mineurs (22,5% des pêcheurs) le prix sera seulement de 22€ et les moins de 12 ans peuvent même l’acquérir pour 7€ grâce au tarif «découverte».
Pour tenter de féminiser le loisir, un tarif «découverte femme» a été établi à 36€, les femmes ne représentant qu’à peine 8% des pêcheurs en 2021.
Mais si le pêcheur n’est pas un pratiquant régulier, ou souhaite pêcher ponctuellement sur son lieu de vacances, il pourra aussi opter pour une carte «hebdomadaire» pour un montant avoisinant les 34€ (3,5% des effectifs), ou «journalière» pour 13€ (18,5% des effectifs).
Une dépense moyenne de 681€ par an !
L’achat d’une carte de pêche n’est cependant pas la seule dépense que fera l’amateur des cours d’eau poissonneux. En effet, il dépensera en plus, en moyenne, 681€ par an! Bien évidemment, ce chiffre est une moyenne, il y en a donc qui dépensent bien moins se contentant d’un matériel de base (et d’autres bien plus).
C’est le BIPE, cabinet de prévisions économiques, qui avait étudié en 2014, pour le compte de la Société Nationale de la Pêche en France, les dépenses des adhérents. Ce chiffre englobe non seulement les dépenses en matériel de pêche (155€), mais aussi en consommables (174€), en nautisme (116€), en déplacement (145€) et en restauration (55€)…
La moyenne est également surgonflée par les «séjours de pêche», qui incluent un hébergement.
Au total, le poids économique de la pêche loisir en France est estimé à 2 milliards d’euros (impact direct, indirect, et induit)!
L’impact en terme d’emploi est quant à lui estimé à 1000 salariés.
Pour améliorer l’expérience des pratiquants, et pour tenter de capter une partie de ces dépenses, les territoires identifient, aménagent et font labelliser des «parcours de pêche» (près de 500 en France). Les hébergements, depuis les hôtels, aux campings, en passant par les gîtes, etc., peuvent également obtenir une qualification «pêche» (545 en 2021). Des communes (23 en 2021) peuvent même viser un label «station pêche» pour attirer les hobbyistes. Le secteur de la pêche compte donc s’intégrer pleinement dans le développement du «tourisme vert»!
Notons à ce propos que près de la moitié des pêcheurs interrogés avaient déterminé leur destination de vacances en fonction de ce loisir!
Allier loisir et protection de l’environnement
Si les effectifs avaient diminué entre 2015 et 2019 pour passer de 1,56 million à 1,41 million de pratiquants (–9,6%), ils sont depuis remontés à 1,48 million d’adhérents (chiffres 2021).
Il est vrai que les confinements dus à l’épidémie de COVID-19 ont donné un nouvel élan aux pratiques d’activités de plein air, et que la pêche bénéficie d’une image moins péjorative que la chasse, probablement grâce à un anthropomorphisme moins grand envers les poissons qu’envers les mammifères, et aussi aux dangers moindres encourus par les pratiquants et les autres usagers de la nature en cas d’accident… Un hameçon planté dans le doigt, bien que douloureux, est moins effrayant qu’une balle perdue!
Mais ces millions de pêcheurs ne sont pas seulement des consommateurs potentiels ou des prédateurs de poissons! Ils sont aussi autant de sentinelles sur lesquelles les fédérations comptent pour que remontent les informations sur l’état des cours d’eau: ainsi «30% d’entre eux auraient signalé une pollution, un dépôt sauvage ou un braconnage au réseau associatif de pêche et aux services compétents en 2011» nous précise l’étude du BIPE.
Les associations consacrent d’ailleurs chaque année entre 4 et 5 millions d’euros pour protéger les milieux aquatiques et développer le loisir pêche. Elles peuvent pour cela compter sur l’engagement de quelque 40000 bénévoles équivalents à 3500 ETP (équivalent temps plein)!
Ce pan du patrimoine culturel de l’humanité semble donc avoir encore de beaux jours devant lui !
Guillaume Keller