Le duc de Bretagne, Pierre de Dreux, participait en octobre 1249, en Égypte, au conseil qui entourait le roi Louis IX (saint Louis), et qui devait déterminer la marche à suivre après la magnifique prise de Damiette sur les musulmans. Le sultan Malik al-Salih Ayyoub avait proposé aux Francs d’échanger Damiette contre Jérusalem. Le roi avait catégoriquement refusé cette proposition. 

Le duc de Bretagne proposa de prendre par surprise Alexandrie, dans le but de donner aux Francs la maîtrise du littoral. Arrivé en Terre Sainte en 1239 avec la croisade de Thibaud de Champagne, il avait déjà une expérience  de l’Orient.

Mais Robert d’Artois, frère du roi, s’opposa avec vigueur à ce projet, et Saint Louis se rangea à son avis. Il fut décidé de prendre la ville de Mansûra, et de poursuivre la conquête « victorieuse » jusqu’au Caire. C’est ainsi que les Francs s’acheminèrent vers une terrible catastrophe. 

Le roi fut fait prisonnier

Le duc de Bretagne était accompagné par de nombreux seigneurs de la province, au nombre desquels se trouvaient quatre fils d’Olivier, sire de Quelen, en Locarn, qui était une trêve de Duault. Ces vaillants chevaliers étaient des proches du duc, et firent partie de l’avant-garde qui, sans attendre le gros des forces franques, décida d’attaquer par surprise un avant-poste égyptien et dans la foulée de prendre la ville elle-même.

Le duc de Bretagne fut gravement blessé et succombera par la suite. Les frères Jean, François et Charles de Quelen, comme le grand maître du temple, trouvèrent la mort dans cette attaque. Le roi fut fait prisonnier, et ne fut libéré que contre l’abandon de Damiette.

L’aîné des Quelen, Eude (ou Eon), put revenir en Bretagne. Mais en 1270, il repartit outre-mer avec ses quatre fils: Conan, Marc, Tristan et Yvon. Ils accompagnaient le duc Jean le Roux, qui répondait à l’appel du roi Louis IX.

La tradition fait remonter le blason et la devise de cette famille à cette 8e croisade. Le roi en voyant parmi ses fidèles chevaliers tant de Quelen, se serait écrié: «Il y aura toujours des Quelen», en breton «E peb amzer Quelen».

 Mais là encore, le rendez-vous fut fatal, pour le roi de France, mais aussi pour les trois plus jeunes fils d’Eude de Quelen, qui trouvèrent la mort lors du siège de Tunis.

 Eude, qui avait épousé une fille du comte de Quintin, mourut dans le château de cette ville en 1278, mais fut inhumé dans l’église Saint François de Quimper, qui était la nécropole de la famille.

Connétable de Carhaix

 Conan, le fils rescapé de la croisade, sera le grand père de Conan III de Quelen, dont les trois fils s’illustreront, comme notables de la ville de Carhaix. L’aîné, Eude II, fut gouverneur de la ville et du château de Carhaix, et à ce titre prêta serment au duc de Bretagne le 5 décembre 1370.

Le second fils, Guillaume, fut capitaine de Carhaix, et on le trouve signant le traité de Guérande le 2 mai 1381 entre Charles V, roi de France et Jean, duc de Bretagne.

Le troisième fils, Roland, fut connétable de Carhaix et participa en 1378 au siège de Brest sous le commandement de Bertrand du Guesclin.

Un quatrième fils, Jean, seigneur de Loquenvel en Locarn, guerroyait en 1378 pour le roi en Basse Normandie, et fut l’un des quatre députés bretons qui se rendirent en Angleterre l’année suivante pour y rencontrer le duc Jean IV, comte de Montfort.

Il fonde le couvent des Augustins en 1372

Mais le Quelen qui a le plus durablement marqué la ville de Carhaix, est sans conteste Conan IV, baron du Vieux-Chastel, fils d’Eude II. 

C’est lui qui en 1372 fonde, d’après les textes, le couvent des Augustins. Quand il mourut, son tombeau fut placé devant le maître autel de la chapelle du couvent.

Ce deuxième établissement religieux de la ville, après le couvent des Bénédictins créé en 1108 par Tanguy, vicomte du Poher, sera longtemps aussi le plus important.

En 1763, l’état du couvent était préoccupant. Le sénéchal Joseph Guillou de Stangalen, dans un procès verbal évoque le cloître, «qu’on sera forcé de démolir pour en éviter la ruine prochaine».

Il indique plus loin que la démolition a commencé. Il devait subsister quelques beaux restes, comme le montrent quelques photos anciennes.

Mais le cloître aurait, selon la tradition orale, été démonté en 1930 pour prendre le chemin des Etats-Unis, où il n’a pas encore été retrouvé.

Actuellement, il ne subsiste du couvent, au bout de l’impasse Marat, que la façade de l’ancienne chapelle.

En 1991, «la municipalité carhaisienne envisageait de créer à cet endroit un parc pour remettre en valeur ce site historique». Ce projet est toujours d’actualité semble-t-il.

F.K.