«L’argent n’a pas d’odeur!» dit le vieux proverbe romain venant du premier siècle de notre ère.

L’histoire l’attribue à l’empereur Vespasien en réponse aux moqueries qui suivirent la mise en place d’une taxe sur les commerces et industries, y compris sur la collecte d’urine, qui était alors commercialisée et utilisée comme dégraissant…

Depuis quelques mois, certaines conversations, parfois animées, dans Vorgium et ses alentours ne sont pas sans rappeler ces débats ancestraux. «Maintenant on va nous taxer nos poubelles!» 

C’est l’imminence de l’arrivée de la redevance incitative qui suscite l’inquiétude. Mais qu’en est-il réellement?

L’écologie est de plus en plus présente dans le quotidien des Français. Et quand elle peut rimer avec «économie», l’intérêt s’en trouve décuplé. Et en matière d’écologie, l’un des enjeux majeurs est la maîtrise et la réduction des déchets.

La collecte et le traitement de ces derniers sont souvent très coûteux et les collectivités peinent à équilibrer leur budget «Ordures ménagères». Pour la capitale du Poher, ce déficit aurait dépassé les 580000€ en 2022, et il exigerait habituellement une subvention de 300000€ pour tenter de l’équilibrer.

La redevance incitative

D’autre part, l’Union Européenne a fixé des objectifs en termes de taux de recyclage, et la France est loin de briller.

Soucis de l’écologie, du budget, ou autre, toujours est-il que, dans le Poher, la mise en place de la redevance incitative se profile rapidement à l’horizon (après avoir été évoquée depuis plusieurs années, et expérimentée sur la commune de Poullaouën depuis 2018). Ce projet, estimé à un peu plus d’un million d’euros en début d’année (mais qui serait subventionné à hauteur de 800000€), doit en effet entrer en vigueur dès janvier 2024.

S’il semble être resté un peu flou pour bon nombre de citoyens, l’appel à venir chercher son bac à poubelles personnel (par ménage) l’a, d’un coup, rendu très concret, amenant dans son sillage son lot de questions, et parfois d’inquiétude ou d’irritation.

Tout d’abord, rappelons que ce n’est pas une nouvelle taxe supplémentaire, mais le remplacement de la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères par la Redevance Incitative. Les poubelles étaient donc bien déjà «taxées», comme chaque propriétaire peut le voir sur sa taxe foncière (et le locataire dans ses frais supplémentaires).

Le principe du «pollueur-payeur»

Concrètement, chaque foyer s’est vu proposer un bac dont la taille peut varier selon la composition du foyer (généralement un 120L est proposé pour les foyers d’une ou deux personnes, et un 240L au-delà).

Ces conteneurs sont prévus pour accueillir vos «poubelles noires», c’est-à-dire les ordures ménagères. La filière «sac jaune» reste traitée à part et ne fera pas varier la redevance (il ne faut donc pas les mettre dans votre conteneur).

Le principe est simple, c’est celui du «pollueur-payeur», ou de façon moins culpabilisante, de «l’utilisateur-payeur». C’est-à-dire que plus vous allez utiliser le service, plus vous allez payer, et vice versa, le tout encadré par quelques limites.

Pour mesurer votre utilisation, Poher Communauté a choisi de tracer le nombre de levées.

Mais n’allez pas prendre le plus gros bac possible pour contourner le problème! En effet, la redevance sera composée d’une part fixe ou forfaitaire qui dépendra entre autres de la taille du bac à déchets que vous utilisez. Si les tarifs n’ont pas été publiés pour l’instant, la logique voudrait que plus vous avez un bac de grande contenance, plus votre forfait sera élevé (puisque vous pouvez mettre plus de déchets à nombre de levées équivalentes).

La part forfaitaire comprendra 13 levées (action de vider le bac dans le camion poubelle), soit une par mois environ. Chaque levée supplémentaire sera comptabilisée et entraînera une facturation supplémentaire, formant une part variable chaque année. Attention donc à ceux qui avaient jusque-là l’habitude de sortir leur conteneur chaque semaine quel que soit son niveau de remplissage! Avec une telle pratique en 2024, l’addition pourrait s’avérer salée.

Sac noir ou jaune ?

Le but affiché est donc d’inciter à accroître les efforts de tri sélectif pour réduire les déchets en «sac noir» (qui sont incinérés) de l’ordre de 15 à 30%, et a contrario d’augmenter ceux recyclés de 8 à 20%, la différence étant une diminution nette de déchets. L’ADEME estime que dans les communes qui l’ont mise en place en janvier 2021, il a été constaté une diminution de 41% de la quantité d’ordures ménagères résiduelles (incinérées), et une augmentation de 30% du papier collecté pour le recyclage.

Mais attention, il ne s’agit pas de mettre n’importe quoi dans les fameux «sacs jaunes». Ces derniers seront d’ailleurs collectés en «porte à porte» afin de responsabiliser chacun et de pouvoir contrôler ce qui est mis dans le dit sac jaune. Un contenu non conforme, et le sac sera «recalé»: il restera devant votre porte avec une étiquette vous informant que son contenu n’est pas conforme… Il ne vous restera plus qu’à trouver le ou les intrus dans le sac (ce n’est évidemment pas indiqué sur l’autocollant vu le nombre de cas possibles) pour le transférer dans le sac noir. Mettre tout le sac jaune dans votre bac à poubelles s’avérerait une stratégie coûteuse.

Le pari du civisme ?

Les autres buts sont d’avoir une fiscalité plus équitable: la taxe sur l’enlèvement des déchets n’était pas liée à votre consommation mais à la valeur de votre foncier bâti, mais aussi d’avoir un budget «ordures ménagères» à l’équilibre.

Il est cependant regrettable qu’à ce jour aucune mesure n’ait été annoncée pour prendre en compte les situations particulières des foyers (ou structures) avec jeunes enfants ou personnes souffrant d’énurésies, notamment avec l’âge ou le handicap, et ayant donc un volume de poubelles important difficilement compressible. Des solutions seraient cependant à l’étude.

Mais cette organisation repose beaucoup sur le civisme de chacun, et c’est peut-être là que «le bât blesse»! Espérons que les décharges sauvages ne fleurissent pas et qu’un «trafic de poubelles» ne se développe pas…

Les retours d’expérience des territoires l’ayant mis en place semblent montrer une augmentation de ces comportements répréhensibles la première année, puis une certaine régulation semble s’opérer.

Des solutions pour réduire ses déchets ?

Notons que pour réduire ses déchets ménagers il existe des alternatives positives.

Pour ceux qui ont un peu de terrain, il est possible d’y mettre des poules (sous réserve des réglementations locales), sachant qu’une poule peut consommer entre 50 et 75kg de déchets organiques par an (soit environ 20% de la production d’ordures ménagères d’un individu).

Une autre option simple est de mettre en place un composteur pour traiter ses biodéchets. L’ADEME estime que cela permet de réduire de près de 30% le volume de nos poubelles! Sachant que les mouchoirs, les cartons non imprimés, les filtres à café et autres sont des biodéchets qui peuvent rejoindre le composteur (dans des proportions raisonnables bien entendu), cela pourra s’avérer un atout pour limiter vos levées de bac à poubelles à partir de janvier 2024…

De toute façon, l’état prévoit de vous pousser à adopter cette habitude puisque la loi dite «Anti-gaspi» du 10 février 2020 prévoit qu’à partir de janvier 2024 chaque ménage, même ceux en appartement, et chaque entreprise, en soient dotés!

Voilà probablement des «bonnes résolutions» qu’il faudra ajouter sur la liste pour la nouvelle année !

Guillaume Keller