Yves Titour est né il y a bientôt 86 ans à Saint-Hernin, mais est venu habiter au Cosquer, à Motreff, en 1939. « Mon père travaillait de 7h à 15h à la carrière d’ardoises, puis s’occupait de sa ferme. Lors de l’occupation allemande, je me souviens d’avoir vu des soldats demander du lait à ma mère. Ils m’avaient donné de l’argent… Par contre, nous nous cachions derrière les talus quand un convoi allemand passait, par crainte des rafles. » En 1944, il assiste à l’arrivée des Américains : « j’étais avec mon père en charrette et les tanks ont affolé le cheval. Les soldats m’ont jeté des chewing-gums et des bonbons ».

Cette même année, c’est la rentrée pour lui, puisqu’il n’y avait pas d’école maternelle. L’école primaire des garçons était située à l’emplacement de l’actuelle école. Les filles étaient scolarisées dans l’école religieuse, devenue depuis une salle polyvalente.

Le trajet pour aller à l’école se faisait à pied, en sabots, dans des chemins souvent boueux. « Sans parapluie ni imperméable, nous étions trempés dès qu’il pleuvait », se rappelle M. Titour. Utiliser le vélo des parents pour aller faire quelques courses chez l’épicière, la boulangère ou la mercière était un privilège rare !

Il y avait quatre classes, dont une qui préparait à l’entrée en sixième ou au certificat d’études. A midi, une cantine, située à l’étage de l’ancienne mairie, permettait de faire cuire les pommes de terre que chacun avait apportées déjà épluchées. Pour se désaltérer, les élèves se rendaient à la fontaine Saint-Leuffroy, alors située en contrebas de l’école (elle a depuis été déplacée sur la place de la mairie).

Il a connu la trop fameuse « vache », un bâton qui circulait en récréation pour lutter contre le parler breton. « Les grands se débrouillaient souvent pour donner la vache à un plus jeune à la fin de la récréation. Celui-ci était puni de pages d’écriture après la classe… »

Yves est entré au collège à Carhaix, en pension. « Ma mère venait chaque samedi en vélo de Motreff pour m’acheter de quoi compléter mon alimentation, car nous mangions surtout des ragoûts sans viande. »

Il a ensuite poursuivi ses études à Brest, où il a mené sa carrière professionnelle jusqu’en 1996.

Jetant un regard rétrospectif sur son enfance, Yves considère que ce n’était certes pas une vie rêvée. « Si on mettait les jeunes d’aujourd’hui dans les conditions de l’époque, je pense que ce serait la révolution », conclut-il dans un sourire.

Olof Alexandersson