97 millions d’euros… Telle est la somme qu’ont dépensée les plus grandes entreprises du numérique en 2020 pour influer sur les décisions de l’Union Européenne grâce à des opérations de lobbying !

Quelque 612 sociétés de la «Big Tech» ont envoyé près de 1500 lobbyistes dans les «couloirs» de la Commission et du Parlement européens, où circulent à l’année 12000 à 20000 de leurs pairs…

Cette même année, ces influenceurs de l’ombre ont participé à plus des deux-tiers des réunions organisées par les hauts-fonctionnaires de la Commission de Bruxelles (203 sur 271), selon un rapport publié par les organisations LobbyControl et Corporate Europe Observatory, alors que dans le même temps, associations de consommateurs, syndicats et ONG n’ont eu accès qu’à 52 de ces rencontres…

Ce sont bien sûr les géants du Net qui se sont taillé la part du lion dans cette nébuleuse de la persuasion discrète et lucrative, les dix premiers ayant dépensé à eux seuls le tiers de ces 97 millions d’euros: Google 5,8 ; Facebook 5,5 ; Microsoft 5,3 ; Apple 3,5 ; Huawei 3 ; Amazon 2,8…

Pourquoi donc un tel déploiement de charmes sonnants et trébuchants en 2020? Parce que la Commission Européenne préparait deux réglementations destinées à encadrer les contenus en ligne et à garantir la libre concurrence sur le marché du numérique.

Face aux accusations de dérives dans ce système officiel et institutionnalisé du lobbying au sein de ses instances, «Bruxelles» invoque pour le défendre l’encadrement et la transparence mis en place…

Mais ses effets pervers sont multiples, tant il porte en lui les germes de ses errances et déviances.

L’on ne compte plus les financements indirects et discrets de «cabinets de conseils», de «groupes de réflexion», d’organisations non gouvernementales, qui justifient les griefs d’opacité.

Le rapport des deux organismes mentionnés pointait, par exemple, les financements octroyés par les lobbyistes à quatorze ONG et «groupes de réflexion»… Et des eurodéputés s’alarment de leur difficulté à trouver des avis et expertises vraiment indépendants, auprès d’experts affranchis d’influences indirectement rémunérées…

Comment, dès lors, ne pas s’interroger sur les motivations et les fondements réels des centaines de lois et réglementations édictées par l’UE ; sur la soudaine apparition de règlements ou de mesures très catégorielles, au bénéfice d’intérêts groupusculaires ?

Pour lever la défiance grandissante que ses citoyens manifestent à son encontre, l’UE devrait s’attacher à démocratiser ses institutions, son fonctionnement et ses pratiques : la lobbycratie souterraine n’est pas la démocratie.