Homme de terrain et d’action, sans prétention mais avec conviction, M. Bernard Rohou, ancien directeur d’école, s’est mis au service des 629 habitants que compte officiellement Plélauff, petite commune rurale du Kreiz Breizh costarmoricain.

A la tête de l’équipe municipale pour un second mandat, il se dévoue au quotidien et a bien voulu–en toute simplicité–partager avec nous quelques facettes de cet engagement...

Voudriez-vous vous présenter brièvement ?

«Je viens d’avoir 72 ans… Cela fait 16 ans que je suis en retraite. Durant ces 16 années, je ne me suis jamais ennuyé et qui plus est, malgré ces 72 ans, je n’ai pas eu l’impression d’avoir vieilli. Je suis certes occupé mais ne semble jamais être submergé par le travail. Honnêtement, ce n’est pas une charge pour moi.

Mes parents sont arrivés sur Plélauff en 1960, mais j’avais des aïeux qui avaient déjà vécu sur cette commune. Ce qui fait que quelque part, ce n’était qu’un léger retour aux sources, puisque j’ai eu, autant du côté de mon père que de ma mère, des arrière-grands-parents qui ont été très présents ici.

J’ai effectué ma scolarité à l’école primaire publique de Gouarec… C’était assez particulier parce que nous étions domiciliés sur un secteur géographique très proche de Gouarec et la commune a toujours été sensiblement partagée entre deux pôles:le bourg et la Lande de Gouarec… et même aujourd’hui encore, il faut parfois user d’un peu de diplomatie pour rappeler à certaines personnes que nous sommes ici quand même sur la commune de Plélauff!

Ensuite ce fut le collège de Rostrenen, puis l’École Normale de Saint-Brieuc, parcours traditionnel, avant de démarrer ma carrière d’enseignant.

Je suis marié et père de deux garçons, l’un habite à Fréjus et l’autre près de Lorient. J’ai aussi quatre petits-enfants avec lesquels j’aime faire du vélo notamment sur le chemin de halage.

Je pratique aussi la randonnée.»

Vous avez achevé une longue carrière d’enseignant, pouvez-vous retracer ce parcours?

«Mon premier poste a été à Dinan dans une classe dite de transition pour des enfants en difficulté scolaire. Ensuite je suis arrivé à Laurenan, je me rapprochais peu à peu de chez nous, une classe de CE1/CE2. De là j’ai marqué une petite pause puisque je suis parti faire mon service militaire… J’avais opté pour la coopération Outre-Mer, je devais partir à Mayotte: tout était prêt, la valise était là, mais voilà que la veille de mon départ, la gendarmerie arrive chez mes parents demandant à me voir. Ma mère, bien sûr, s’inquiète de ce que j’avais pu faire, mais il n’en était rien: c’était le fameux Bob Dénard qui était passé par là et qui avait fait un coup d’état dans la région… C’en était donc fini de mon séjour à Mayotte!

Par la suite, comme j’étais sursitaire, j’ai été oublié et n’ai donc effectué mon service militaire que très tard, à 25 ans. Après mes classes à Fréjus, j’ai choisi le régiment mixte du Pacifique. J’ai alors quitté Paris en janvier sous la neige avec –7°C pour arriver à Papeete à Tahiti avec une température dépassant les 40°C. Arrivés là-bas, on a un peu déchanté parce qu’on s’est retrouvé sous commandement Légion étrangère, mais finalement ça s’est très bien passé! J’étais affecté au bureau des effectifs avec d’un côté le capitaine et de l’autre le colonel. J’y ai eu l’occasion de faire le tour de toutes les îles du Pacifique… j’en garde beaucoup de souvenirs…

A mon retour, je réintègre mon poste à Laurenan et comme j’étais déjà amoureux avant de partir, je me suis marié. Mon épouse travaillait à Plouguernével, un an après notre mariage, j’ai pu me rapprocher en étant nommé directeur d’école à Laniscat. J’y ai enseigné pendant 10 ans. Je suis parti dans les années 90, pour une école de ville, souhaitant enseigner dans une classe à une seule section à Saint-Bugan à Loudéac. Cela me faisait de la route mais peut-être un peu moins de travail que dans une classe à plusieurs cours… J’y suis resté une dizaine d’années, les classes y étaient très chargées: on était toujours au-dessus de 30 élèves, jusqu’à 36! Ça fait beaucoup, avec de plus un camp de gens du voyage très proche et un «va-et-vient» d’élèves supplémentaires… mais ça fonctionnait bien quand même!

Je pense que c’est enrichissant de changer parce que quand j’ai quitté Laniscat pour aller à Saint-Bugan, j’ai eu l’impression de recommencer un peu ma carrière à zéro. On arrive dans un autre établissement, avec d’autres collègues, c’est un fonctionnement différent de celui qu’on a eu précédemment.

Et lorsque la direction de Rostrenen s’est libérée, j’ai été tenté par ce poste parce que j’avais gardé quand même un bon souvenir de ma direction à Laniscat. Je suis ensuite parti en retraite en 2006 (après avoir obtenu les palmes académiques en 2005, NDLR).»

Quand ils arrivent sur une école, enseignants et plus encore directeurs se trouvent parfois confrontés à des situations inattendues…

«En effet, quand je suis arrivé à Rostrenen, l’école était en chantier et les travaux étaient loin d’être finis au moment de la rentrée! De plus, les plans du nouvel aménagement ne convenaient pas du tout. Il a fallu se « battre » …

Et il y avait une autre situation très préoccupante aussi.

L’école comprenait des classes bilingues et il existait quelques dissensions… Les relations étaient compliquées entre le système monolingue et bilingue: c’était un peu comme une école dans l’école. Mais je connaissais bien le collègue de bilingue, Michel Simon, et on s’est dit qu’on ne pouvait pas rester dans une telle situation où même les gamins dans la cour ne jouaient pas ensemble! Et à chaque fois qu’il y avait une bêtise de faite, c’était ou «les Bretons» ou «les Français»!

Nous avons commencé par organiser des activités ensemble, en «décloisonnant» les classes, et la situation a évolué. Ça se passait très bien et peu à peu ces qualificatifs de «français» et de «breton» ont disparu pour faire place à «monolingue» et «bilingue»… Nous nous sommes dit que là, nous avions réussi quelque chose et c’est d’ailleurs ce qu’une mère d’élèves bilingues avait souligné lors de mon départ à la retraite.»

Qu’avez-vous le plus apprécié de ces années d’enseignement, quels sont vos meilleurs souvenirs?

«De toutes ces années, celles que j’ai le plus appréciées, c’est justement celles à la direction de l’école de Rostrenen à la fin de ma carrière… et là j’ai eu le «blues» quand je suis parti à la retraite!

A l’époque j’avais d’ailleurs fait un an de plus et si j’avais eu la possibilité de continuer quelques années, je l’aurais fait. J’avais d’autres projets en cours, notamment tout un travail écrit sur la biodiversité des Landes de Liscuis avec Jean-Luc Le Jeune, animateur à la base de Guerlédan.

Parmi mes meilleurs souvenirs, il y a les classes de mer à Arzal quand j’enseignais à St-Bugan mais aussi les grandes rencontres sportives inter-écoles: cross à l’hippodrome, olympiades au stade, randonnées en forêt de Quénécan… construites et organisées avec le conseiller pédagogique en EPS de la circonscription, Laurent Le Floch, quand j’assurais la direction à Rostrenen.»

Les relations enseignants-parents ont dû évoluer d’une manière considérable en quelques décennies. Comment analysez-vous cette évolution? La place de l’enseignant dans la société vous semble-t-elle s’être dégradée? Les parents d’aujourd’hui sont-ils très différents de ceux d’hier?

«Je vais répondre par une anecdote: en début de carrière, à la sortie de l’école, au moment où les parents venaient chercher leurs enfants, surtout pour les classes maternelles, les mamans leur demandaient: «Est-ce que tu as été sage à l’école aujourd’hui?». En fin de carrière, présent au portail, j’entendais les mamans demander aux enfants: «Est-ce que la maîtresse a été gentille avec toi aujourd’hui?».

Tout est dit!

Sinon, pour ce qui est de l’évolution je ne sais pas… Même au tout début, on a eu des enfants qui, quand même, étaient parfois difficiles… et en fin de carrière aussi! Des parents peut-être… Mais je n’ai jamais eu de mauvaises relations avec les parents. Donc quelque part, il m’est difficile de confirmer ce que j’entends régulièrement aujourd’hui, à savoir que c’est plus compliqué…»

Vous êtes maire d’une petite commune rurale, qu’est-ce qui vous a incité à relever ce défi?

«Comment en suis-je arrivé là…? En 2006: je vais en retraite; en 2008: élections municipales, je suis sollicité pour y participer et être présent sur une liste. J’ai accepté parce que je connaissais bien la commune et aussi les personnes qui y vivaient. Tout le monde nous encourageait, bien entendu, et le soir des élections, à notre grande surprise, toute notre liste a été éliminée alors que l’on nous donnait vainqueurs sans problème! Dans les jours qui ont suivi, toutes les personnes que je rencontrais ainsi que mes colistiers, nous disaient: «On ne comprend pas, pourtant on a voté pour vous»… Tout le monde avait voté pour nous et au final…!

Ça a été un moment très difficile, c’était un désaveu… Après cela, je m’étais promis que c’était terminé!

Ceci dit, de 2008 à 2014 avec le temps… j’ai eu de bonnes relations avec mon prédécesseur maire, même si, au départ, ça a été compliqué avec un peu d’amertume…

Arrive 2014. De cette liste qui nous avait quand même bien battus en 2008, il n’y en avait plus qu’un ou deux qui était d’accord de repartir mais personne ne voulait prendre la tête de la liste.

J’ai donc été à nouveau sollicité. Ma déception remontait à quelques années… Et c’était l’occasion de reprendre un nouveau contact avec l’administration, «reprendre le crayon» comme je disais… J’ai finalement accepté mais en imposant mes conditions: on ferait une liste qui ressemble à la population, à la commune… J’ai composé la liste, la profession de foi, nous les avons déposées en sous-préfecture la veille de la date limite. J’avais rassemblé des gens de tous horizons, comme cette fois-ci d’ailleurs en 2020: sur 15 élus, politiquement si on regarde la couleur des uns et des autres, cela va de l’extrême droite à l’extrême gauche et ça se passe très bien.

Je suis donc reparti en 2020, mais en 2026 j’arrêterai forcément parce qu’il sera temps d’arrêter…

C’est bien, dans une petite commune comme ici, de faire deux mandats car les premières années du premier mandat, on découvre le fonctionnement municipal et administratif qui est d’ailleurs, à ma grande surprise, très éloigné de l’administration scolaire que je connaissais. Ce sont deux choses totalement différentes… Ici nous sommes toujours confrontés aux textes et aux lois en vigueur. Au début on pense avoir plus de pouvoir qu’on en a, on peut décider de certaines choses mais on ne décide pas de tout!»

N’avez-vous jamais été tenté (ou sollicité) pour entrer davantage en politique et briguer d’autres mandats, vous engager pour d’autres élections?

«Honnêtement non, je n’ai pas eu cette culture politique que d’autres ont, je suis arrivé là un peu par hasard puisque personne n’y allait…

En 2001, j’avais déjà été sollicité, mais j’avais dit non parce que j’assurais déjà la direction de l’école, cela me suffisait amplement. Je ne voulais pas m’engager dans la municipalité car il y a forcément une des choses qui n’aurait pas été bien faite… Il y en a qui sont partout mais il y a forcément des choses qui leur échappent…»

Élu pour un second mandat à la tête de cette petite commune rurale, quels sont les principaux problèmes auxquels vous êtes confronté?

«Sans doute l’Administration, la complexité des montages de dossiers, toutes les demandes de subvention pour la programmation des projets parce qu’il faut que l’on ait les financements avant…

Les restrictions budgétaires et la baisse des dotations aussi: la loi NOTRe nous a coûté ici 36000 euros, ce qui est considérable pour une petite commune comme la nôtre!

Mais c’est surtout les problèmes d’urbanisme, les lois sont très restrictives et pénalisent beaucoup les petites communes.

Ici, nous n’avons plus un terrain à vendre et il est peu probable que l’on en ait dans l’avenir.

Nous n’avons pas la main là-dessus parce que l’on est dans un système de règlement national d’urbanisme. Les communes qui ont des PLU ont plus de possibilités, mais il fallait les faire il y a longtemps ces PLU-là!

Au niveau de la CCKB, j’ai insisté pour que l’on fasse un PLUI (Plan Local d’Urbanisme à l’échelle Intercommunautaire), et lorsque nous l’aurons fait, peut-être que nous pourrons arriver à dégager des espaces constructibles ici…

En fait, nous avons des demandes, des jeunes qui cherchent des terrains: ils voudraient un petit espace pour les enfants, un petit coin pour faire un potager, avoir deux poules… Cela va tout à fait dans le sens des discours qu’on entend mais lorsqu’on veut le mettre en application, c’est impossible parce que la loi ne le permet pas!

Il y a des réponses de l’Administration qui sont aberrantes: sur le secteur de la Lande de Gouarec, un secteur qui plaît beaucoup, nous avons des terrains de 1000 m², l’un situé entre deux maisons intéressait des personnes qui voulaient en faire l’acquisition pour construire: refus, dispersion de l’habitat, terrain à vocation agricole!

Quand on voit la taille des tracteurs de nos jours!

Des petits terrains comme cela, nous en avons beaucoup et nous ne pouvons rien en faire à part laisser pousser les broussailles… (et là on vient en mairie se plaindre de l’état des terrains!). Les particuliers eux-mêmes sont vendeurs!

 Autre exemple, on a un jeune artisan carreleur qui veut s’installer avec son père pour ensuite poursuivre l’activité. Les parents ont une maison avec un hangar pour stocker le matériel et il y a de l’espace à côté où il voulait construire: cela lui est refusé!

Voilà un jeune qui voulait s’installer là pour travailler mais que va-t-il arriver: il va aller ailleurs! C’est aberrant!

Dernier exemple, nous avions un chemin communal, petit chemin de campagne comme avant dans un village qui passait devant la porte de la maison. Le propriétaire demande que le chemin passe à l’arrière, tous les acteurs sont d’accord, il prend tous les frais à sa charge… cela m’a valu une heure de discussion mouvementée: encore refus par principe.

Le blocage vient surtout de Rostrenen qui dit non parce qu’ils sont assis sur des règlements nationaux. Nous pouvons parfois contester au Conseil municipal des décisions de la DDTM Rostrenen-Guingamp, ça va alors à Saint-Brieuc mais forcément, lorsqu’il y a eu un refus «en bas», ça les ennuie d’aller à l’encontre de ce qu’ont dit leurs collègues… et c’est classé!

Un jour, lors d’une réunion du conseil communautaire, une personne «d’en haut» est venue présenter le projet d’urbanisme de la Région. Quand elle précisait qu’un terrain constructible ne devait pas excéder 400 à 500 m², je lui ai dit avec humour qu’elle parlait là peut-être de la surface habitable de sa maison! Elle n’a pas trop apprécié…

On nous demande de réduire de 20%, je crois, tous les ans notre surface constructible. Pour une ville comme Rennes par exemple, qui a des hectares et des hectares, 20% c’est ridicule mais ici le 20%… et de toute façon, on ne peut plus enlever 20% puisqu’on n’a déjà plus rien!

Il y a tellement de strates au niveau de l’Administration !

Le SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) du Pays COB très vaste est en cours, et le PLUI devrait être en accord avec le SCOT.

 Mais nous sommes déjà à deux ans de mandat et c’est toujours en réflexion…  ça n’avance pas vite!

J’ai fait faire une esquisse pour un futur petit lotissement de 5 lots sur un terrain communal dans le bourg, cela nous a coûté 1500€. Mais pour la rédaction de ce PLUI, il nous faudra quelque chose à proposer.»

Vous avez un jour rappelé une citation qui a fait un peu de « bruit »…

«En effet; bien-sûr, je suis d’accord qu’il faut développer le tourisme, mettre en valeur le secteur, respecter la nature et préserver l’environnement; ceci dit, j’ai un jour interpellé le Conseil communautaire en citant Pierre Bonte (journaliste à Europe1 dans l’émission «Bonjour Monsieur Le Maire», consacrée aux petites communes). Il disait qu’il fallait faire attention que nos petites communes rurales ne deviennent pas un vaste parc de loisirs pour citadins fatigués!

Cela avait froissé quelques-uns…

Mais si on ne se manifeste pas plus que cela, rien ne bougera!

Les collègues alentour rencontrent les mêmes problèmes mais manifestent peu leur mécontentement dans les réunions, dans les couloirs oui, on entend tout le monde!

Il y a quelque temps, j’avais soulevé ce problème et exposé la situation au député qui était venu sur place, il n’en revenait pas!»

Qu’est-ce qui vous paraît le plus difficile dans cette mission délicate auprès des habitants, du personnel communal, de l’Administration et leurs exigences respectives?

«Pour le personnel communal, on doit faire en sorte que ça fonctionne bien, établir des liens de confiance, c’est un travail d’équipe, mais il faut se mettre d’accord sur qui est le patron, on n’inverse pas les rôles: le maire n’est pas le subordonné!

Il y a toujours quelques habitants qui sont un peu aigris de tout, un ou deux petits jeunes qui avec leur moto ou leur mobylette ne sont pas toujours raisonnables… On dit, redit, la gendarmerie était présente sur le bourg l’autre jour, mais que peut-on faire?

Nous en avons notre petit lot ici comme ailleurs…

Mais dans l’ensemble, cela se passe bien, les relations sont bonnes et les gens se mobilisent volontiers. L’autre jour par exemple, à la date fixée par la municipalité, l’association de chasse et le comité des fêtes, 25 personnes ont répondu présentes pour prêter main forte à la réfection des allées de boules et partager ensuite quelques grillades.»

Dans certaines petites communes, le maire est considéré par nombre de ses administrés comme une «super assistante sociale» et on le sollicite semble-t-il pour toutes sortes de raisons, d’autant qu’il est au courant de beaucoup de choses…

Pourriez-vous conter quelques anecdotes?

«On est effectivement sollicité pour tout, les gens viennent en mairie présenter leur problème personnel. Pour ce volet social, il est précieux d’être informé de toutes les procédures dont on peut disposer (comme l’APA, par exemple), comment engager des démarches… Ce n’est jamais facile de savoir tout ça, on touche à tout, on s’éloigne de l’urbanisme pour aller dans le social. J’aurais beaucoup d’anecdotes à raconter!

On peut être appelé nuit et jour, je dors avec mon téléphone. Quand il sonne vers 22-23 heures ou en milieu de nuit, c’est qu’il y a une urgence: des accidents, des incendies…

Souvenir désagréable, moment plus compliqué comme l’annonce d’un décès à la famille…

Quand j’étais en vacances à l’île de La Réunion, un accident de suicide s’est produit vers 4 heures du matin. Je suis appelé par le collègue de la commune voisine où cela avait eu lieu pour que j’aille prévenir la famille. Je lui ai dit que je ne pouvais pas car j’étais à La Réunion. Il m’a alors dit: «A la réunion, mais quelle réunion à cette heure-ci?».

Aller sur des lieux de décès, des suicides, c’est toujours beaucoup d’émotions, on doit arriver sur place et attendre parfois des heures, le temps que le médecin légiste arrive, avec interdiction de toucher à quoi que ce soit…

C’est le cas pour les incendies aussi, et là il faut aussi reloger, trouver des solutions que l’on n’a pas toujours et qui demandent de la réflexion, on cherche…

Mais il y a aussi des moments plus joyeux, très conviviaux, temps de rencontres comme les vœux du maire où la salle est bondée…»

Qu’est-ce à votre avis qu’un bon maire? Et à l’inverse un «beaucoup moins bon» maire?

«Déjà, quand j’avais pris la direction de l’école de Rostrenen, j’avais dit que quand on prend un poste à responsabilité, on l’assume!

A l’école, j’arrivais en général avant 8 heures et je repartais bien souvent après 18 heures: des parents venaient me voir le matin avant la classe pour exposer leurs petits problèmes et repartaient rassurés pour la journée…

Ce n’était pas écrit dans la fonction, mais ici c’est un peu ça aussi: être à l’écoute des gens, être attentif à leurs soucis…

Il y a bien sûr des personnes un peu exigeantes, il faut être patient et parfois ferme… J’aurais quelques bons exemples…

Il faut aussi être attentif et rigoureux, la signature de la mairie engage, on peut payer cher des erreurs…

En même temps, il faut aussi parfois savoir garder une certaine souplesse, sans toujours chercher à consulter les codes pour voir si on a le droit ou pas, comme pour certains petits services à la population. C’est le côté social!

S’il faut savoir rester à l’écoute de sa population, il faut aussi savoir trancher, on décide!

Assumer ses responsabilités, c’est prendre parfois des décisions difficiles et douloureuses. Quand on fait un choix, on dit non à quelque chose. Si on ne se sent pas capable de le faire, il ne faut pas prendre le poste.

Maintenant, si on a pris une mauvaise décision, il faut se dire aussi qu’on peut la revoir éventuellement…

C’est bien d’écrire des propositions, des vœux mais c’est encore mieux de les réaliser.

Il ne faut pas oublier de relire régulièrement la profession de foi qu’on a rédigée.»

Quel avenir entrevoyez-vous pour votre commune et les autres petites communes comme elle face à l’intercommunalité et aux autres entités administratives toujours plus grandes?

«En 2014, il avait été question de faire un regroupement de communes: une commune nouvelle de 5 à 6 communes de l’ancien canton de Gouarec. Les élections venaient d’avoir lieu, on se serait trouvé avec un Conseil municipal de 100 conseillers et un nouveau maire. Ce n’était pas dans notre profession de foi, je m’y suis opposé.

Nous, nous sommes donc restés petite commune et je trouve que c’est bien parce qu’on a quand même un petit peu de pouvoir si minime soit-il: quand on a un trou dans une route, on peut déjà aller le boucher sans être obligé de demander l’autorisation.

Le budget, on en fait un peu ce que l’on veut et on peut décider de le modifier si besoin en cours d’année…

Je pense que si on devait aller vers des entités plus conséquentes, ce serait plus se rapprocher de la CCKB. Il y a une autre idée qui a été lancée: ce serait de faire une commune nouvelle à l’échelle de cette communauté de communes. Ce serait une «super grosse» commune. Comme je l’ai déjà dit en 2014: nous n’avons pas été élus sur de tels projets et nous ne pouvons pas nous lancer dans de telles réalisations sans consulter la population; avant de m’engager je demanderais l’avis de la population…

On pourrait craindre la disparition du service de proximité. On arrive encore à garder ici un poste de secrétaire de mairie, et il y en a du monde à y passer!

Les gens viennent pour toutes sortes de raisons et on est là et il faut que l’on y soit… Après, où iront-ils?

Cette proximité de service est déjà bien malmenée et ce sont ceux qui se plaignent de la disparition de ces services qui sont en train de mettre en place des systèmes qui vont encore les défavoriser…

Tout ce qui touche à l’assainissement, l’urbanisme qu’on nous laisse gérer jusqu’à présent, va nous échapper complètement. Ces compétences vont être transférées en 2026 au communautaire (loi NOTRe).

L’on peut aussi envisager, comme dans le Morbihan, que les programmes de voirie soient une compétence de la communauté de communes. La voirie est un gros budget pour une commune: c’est 600000 euros ici.» 

Vous faites partie de l’association des randonneurs de Gouarec. Qu’en est-il du tourisme pour votre commune et sa région?

«Je marche avec les « Korriganed Bro Gwareg » dont j’assure la vice-présidence.

Nous organisons des randonnées ouvertes à tout public, et faisons ainsi découvrir la commune à d’autres personnes. Nous avons sauvé beaucoup de petits chemins creux qui étaient un peu malmenés par le monde agricole. En les nettoyant, nous en avons récupéré plusieurs, à Plélauff, Gouarec et Mellionnec…

En lien avec l’Office de Tourisme, nous aurions voulu créer des parcours de randonnée mais il faut qu’ils soient agréés, conventionnés, et c’est compliqué!

On passe sur des propriétés privées dont les propriétaires ne souhaitent pas aller jusqu’à conventionner leur passage.

Il faut être respectueux de l’environnement, du propriétaire.

A l’échelle de la commune, nous avons réalisé quelques aménagements comme des tables de pique-nique, les points toilettes à proximité du canal.

Pour les deux étangs dont nous sommes propriétaires, nous avons signé une convention avec la fédération de pêche pour l’organisation d’ateliers à destination des plus jeunes: «Je découvre mon premier poisson».

Beaucoup de cyclistes qui suivent le canal de Nantes à Brest ou la Vélodyssée s’arrêtent pour s’approvisionner ou passer une nuit au camping de Gouarec qui se trouve en fait sur la commune de Plélauff et dont nous avons la responsabilité administrative.

Il y a quelques années, nous avions aussi un festival à connotation culturelle: «Empreintes d’artistes». Entre la chapelle et la salle des fêtes se tenaient durant un mois: salon du livre, expositions de peintures et sculptures, ateliers de gravures et de dessins pour les enfants… Mais comme beaucoup d’autres, depuis l’épidémie de Covid, cette association a plus ou moins disparu. Je voudrais bien relancer quelque chose à connotation culturelle. Les concours de boules, c’est bien, mais il n’y a pas que cela!»

Par rapport aux côtes et à la mer, le Centre-Bretagne paraît un peu parent pauvre… N’a-t-il pas lui aussi des atouts sérieux à faire valoir?

«Si, la richesse de l’environnement, de la culture et du patrimoine…

 Le patrimoine ici, c’est surtout la chapelle classée qui attire chaque été de nombreux visiteurs à cause de son jubé exceptionnel en Bretagne. Des gens qui font les allées couvertes des Landes de Liscuis viennent la voir; même si c’est très éloigné dans le temps, c’est la même tranche de population qui s’y intéresse, et ce ne sont pas les mêmes personnes qui feront la Vélodyssée sur le halage!

Il y a aussi toute la richesse du milieu naturel que l’on peut découvrir ou étudier en randonnée, la faune et la flore des landes, sans oublier la curiosité des frayères à brochets sur le canal…

 Une importante partie de la forêt de Quénécan se trouve sur la commune, tout comme la maison éclusière de Bon-Repos en amont de l’abbaye dont le «son et lumière» de plus en plus renommé attire, pendant plusieurs jours début août, beaucoup de monde sur le site…

La visite des Forges de Salle et le projet d’habitats insolites avec ses cabanes dans les arbres contribuent aussi au développement du tourisme local.»

La question démographique est parfois préoccupante, quel message donneriez-vous pour inciter des jeunes couples ou des moins jeunes à y demeurer, voire à s’y installer?

«Comme je l’ai dit, je n’ai même pas à les inciter à venir, puisqu’ils cherchent à y venir et que nous aurions une population qui aurait augmenté si les lois de l’urbanisme nous avaient permis justement d’offrir à ces jeunes-là des possibilités de constructions. Nous avons vraiment de la demande et nous avons des terrains qui restent en friche, envahis de broussailles qui créent des problèmes de voisinage que l’on nous demande de solutionner!

Il y a un désir de retour à la nature et les discours sur l’écologie, mais lorsqu’on veut mettre cela en pratique, on est bloqué par des lois contraires!

La commune n’a pas d’école, mais elle compte une soixantaine d’enfants, scolarisés sur 6 écoles situées dans un rayon de 5 km.

Les gens ici travaillent sur Pontivy, Rostrenen, Saint-Brieuc mais le télétravail se développe de plus en plus, nous avons la fibre qui est en train d’être installée.

Un couple a acheté une longère dans le bourg, la jeune femme télétravaille et dit qu’elle a une meilleure connexion ici en ADSL qu’elle n’avait à Rennes, elle a quitté Rennes pour venir à Plélauff !

Outre le désir de vivre en famille en pleine campagne, dans la nature, nous avons aussi des demandes pour un autre type d’agriculture, le maraîchage et la permaculture. Mais ce qui est recherché, ce sont alors des terrains de 2 ou 3 hectares que nous n’avons pas à proposer non plus… Les terrains qui sont refusés à la construction sont des petits lots, pas suffisamment grands ou sans habitat, ce qui ne correspond pas aux demandes de ces personnes-là…

Ces jeunes peuvent venir de très loin, on a parfois du mal à comprendre certaines arrivées, on se demande d’où ils viennent …

La Covid a amplifié ce phénomène mais on le sentait déjà venir avant. Ils viennent y trouver une qualité du cadre de vie et une certaine quiétude et honnêtement, nous n’avons pas de problème de sécurité ici (bien que j’aie été agressé à la porte de la mairie une fois quand même!).

Il y a beaucoup plus de jeunes que de moins jeunes. Les moins jeunes viennent quand ils ont des attaches familiales, il faut qu’ils aient déjà eu leur maison ici. Mais il y en a de moins en moins à venir. En fait, les moins jeunes sont déjà arrivés! C’est une population qui change beaucoup, on a beaucoup de nouveaux arrivants et des gens qui restent. L’année dernière nous avons eu huit naissances… »

Entretien recueilli par gaelle LE FLOCH