Il y a encore un siècle et demi, les animaux étaient omniprésents dans la vie de l’homme. Que ce soit comme moyen de transport, ou pour bénéficier de leur force et de leur assistance dans divers travaux, l’être humain avait depuis des siècles domestiqué bien des animaux pour le seconder au quotidien.
Mais petit à petit, il a délaissé ses fidèles compagnons, particulièrement avec l’avènement des moteurs thermiques et électriques… hormis dans l’élevage agricole, et quelques filières spécifiques (canines notamment), la présence animale aux côtés de l’homme a majoritairement été cantonnée aux « animaux de compagnie» et aux loisirs (équestres entre autres).
Pourtant, depuis quelques années, « nos amis les animaux » semblent commencer à prendre une « revanche » sur la mécanisation, et faire leur retour jusque dans l’économie, et ce, dans de nombreux domaines !
Une solution efficace contre les nuisibles
A la ville comme à la campagne, ce sont les rapaces qui sont appelés à la rescousse. Ainsi, des fauconniers sont maintenant appelés dans les milieux urbains pour réguler les espèces classées « nuisibles » ou envahissantes, comme les pigeons, et les goélands notamment… par manque de prédateurs en ville, ces derniers peuvent devenir envahissants, tout comme les choucas et autres étourneaux dans les campagnes. Des fauconniers sont alors appelés par les mairies, les agriculteurs, etc., afin de chasser ou d’effaroucher les indésirés en introduisant régulièrement des prédateurs dans les environs, voire dans les bâtiments (gares, usines, hangars, entrepôts…).
A la rescousse de la Marine nationale
Mais il n’y a pas que sur terre que les grands oiseaux viennent aider les humains. Depuis quelques années, ce sont près de 250 albatros qui ont été équipés de balises permettant de repérer les bateaux pratiquant la pêche illégale dans les Terres australes et antarctiques françaises. Ces balises détectent le radar du bateau et transmettent sa position (les autorités peuvent alors vérifier si le bateau a coupé son système de détection habituel, et s’il a l’autorisation de pêche nécessaire).
Ces grands voyageurs (qui peuvent parcourir 20000km en 15 jours et repérer les bateaux de pêche à 30 km de distance) peuvent ainsi couvrir plus de 25 millions de kilomètres carrés d’océan et apporter leur précieux concours à la Marine nationale dans la détection des braconniers.
La traction animale
Dans un tout autre domaine, après avoir quasiment disparu des forêts dans les années 1970, le débardage du bois à cheval semble retrouver des couleurs.
Le souci de préserver l’intégrité des espaces naturels ainsi que les difficultés d’accès de certains sites (rochers, talus, ruisseaux), ont remis en valeur les capacités et les vertus de la traction animale bien que fortement concurrencée par les tracteurs et porteurs à grue.
En effet, le débardage des troncs d’arbres par les chevaux (voire des mulets) a l’avantage de préserver les sols en évitant le compactage, la formation d’ornières profondes, les pollutions à l’hydrocarbure, les nuisances olfactives et sonores, etc., mais aussi par sa maniabilité (un passage de 80 cm de large lui suffit), d’éviter d’abîmer les arbres avoisinants ayant vocation à rester sur pied.
Cheval ou tracteur ?
S’il n’y a pas de débat sur la plus-value écologique (chaque m3 de bois sorti par traction animale permet d’ailleurs d’économiser 1L de gasoil), il n’en va pas toujours de même de la rentabilité économique…
Le manuel de l’ONF à ce sujet précise qu’un forestier avec un cheval peut transporter jusqu’à 5000 m3 de bois à l’année. Le rendement variant de 10 à 40m3 par jour homme-cheval (selon la nature du terrain et le diamètre des fûts à déplacer). Le prix moyen est de 300€ HT par jour (pouvant aller jusqu’à 450€ HT), ou 9 à 20€ HT par m3 (selon les conditions d’exploitation).
A titre de comparaison, un tracteur avec une grue ou un porteur auront un coût moyen respectif de 520 et 640€ HT/jour, ou de 5-6€ HT par m3, pour un rendement de 5m3 à l’heure ou de 30 à 80m3 par jour selon les conditions (chiffres FCBA).
Avec un rendement globalement 2 à 3 fois plus faible que les engins modernes, le retour du cheval n’a bien entendu pas vocation à détrôner les nouvelles machines, mais à venir en complément, pour certains travaux ou sites spécifiques.
46 races d’herbivores pour pâturer les landes bretonnes !
Dans la même philosophie, l’éco-pâturage, s’il n’a jamais cessé d’exister, connaît un nouvel essor depuis une trentaine d’années, d’abord dans les sites naturels protégés puis, plus largement, ces dernières années avec la vague écologiste.
Ainsi, vous aurez certainement aperçu des parcelles broutées par des petits moutons d’Ouessant ou des Landes de Bretagne, que ce soit sur des terrains privés ou appartenant aux collectivités locales. Bretagne Vivante estime ainsi que 28% des espaces éco-pâturés sont gérés par des associations, 27% par les départements, et 24% par les communes (le reste étant les privés et autres groupements). Ces surfaces représentaient en 2019 un peu moins de 2 000 ha en Bretagne. Caprins (3 races de chèvres), ovins (12 races de moutons), équins (15 races de chevaux), bovins (16 races de vaches), voire camélidés (lamas et alpagas) sont pour cela utilisés… soit près de 46 races différentes en Bretagne !
Dans le sud de la France ce sont des cochons nains de Nouvelle-Zélande qui ont été récemment testés avec succès pour désherber les vignobles. Leur petite taille évite les dégâts sur le sol, mais aussi sur les grappes qu’ils ne parviennent pas à atteindre. Ils se sont révélés bien plus intéressants que les traitements chimiques et désherbages mécaniques car ils mangent les racines des mauvaises herbes évitant ainsi la repousse. Ils peuvent faire le tour de chaque pied de vigne, et ils mangent même les feuilles mortes, limitant ainsi les maladies et parasites !
Pâturage ou fauchage ?
Si ce mode de gestion des espaces par pâturage est souvent retenu pour son aspect économique et écologique, il ne vient pas systématiquement en concurrence totale du fauchage mécanique. En effet, un ou deux fauchages annuels sont souvent réalisés en complément du pâturage, notamment si les ruminants sont sélectifs dans leur broutage, mais aussi pour permettre de maintenir une certaine diversité végétale qui pourrait sinon disparaître (certaines espèces sont favorisées par le fauchage, et d’autres par le pâturage… selon leur vitesse de pousse). Certaines zones ne se prêtent pas au pâturage si les surfaces sont trop faibles, ou si le coût de clôture est trop élevé, quand au contraire le fauchage sera impossible dans des zones trop humides, ou trop rocailleuses, ou encore à forte pente…
Une œuvre de préservation…
Notons que le mode de gestion des espaces naturels pourra influer directement sur la faune qui s’y développera. Ainsi par exemple, les landes de fauches favorisent l’alouette et la fauvette, quand les pâturages favorisent la linotte, et le tarier pâtre (d’autres espèces sont indifférentes au mode de gestion). L’étude de Bretagne Vivante mettra en lumière que les landes pâturées ont un peuplement plus dense quand les landes fauchées en ont un plus diversifié. L’idéal serait donc d’alterner les parcelles…
Au-delà de l’intérêt financier et écologique, ce retour des animaux dans l’économie et dans la vie courante permet de préserver des races (et des savoir-faire !) qui risquaient de disparaître… mais aussi de faire la joie des petits et des grands, toujours ravis d’observer cette faune.
L’Homme n’a donc pas fini de (re) découvrir la nature et combien il peut y trouver des solutions aux problèmes qu’il ne sait pas encore résoudre…
Guillaume Keller