« A demain s’il n’y a pas de neige ! »

Cette semi-plaisanterie concluait de temps à autre l’au revoir de fin de soirée… J’en ai gardé le souvenir depuis ma tendre enfance, associé à la bonhomie du parent qui ajoutait ainsi une note de cordialité à la séparation, même momentanée.

Il est vrai que si rarement la neige a entravé la circulation dans notre Bretagne au climat tempéré, il est cependant arrivé que, tombée en abondance, elle a parfois interrompu les déplacements projetés…

Outre sa résonance amicale, la réflexion d’André Maréchal, notre cousin, laissait entendre que les projets ne se réalisent pas toujours…

Que d’impondérables en effet dans la vie ici-bas… que de surgissements de l’inattendu qui peut, dans le quotidien des jours comme dans les grands événements, tout changer !

Le rappel biblique et l’exhortation qui l’accompagne sont toujours à méditer :

« Ecoutez, vous qui dites: aujourd’hui ou demain nous irons dans telle ville, nous y passerons une année, nous ferons du commerce et nous gagnerons de l’argent…

Eh bien ! vous ne savez pas ce que votre vie sera demain.

Vous êtes en effet, comme un léger brouillard qui apparaît pour un instant et disparaît ensuite… »

Est-ce une parole pessimiste destinée à engendrer craintes et tristesse, à paralyser toute action, à rendre l’être humain timoré…?

Non, tout au plus à rappeler à chacun sa fragilité et le caractère éphémère de sa vie… et à ceux qui se confient dans leur force, leur intelligence, leur argent, leur habileté, leurs calculs, leurs relations… que tout est en ce monde relatif, et que nul, quelque puissant ou riche qu’il soit ne sait même s’il vivra demain…

Un appel à l’humilité et au réalisme… à la sagesse également.

Pour ne pas avoir voulu y songer, tout au long de l’Histoire, et tout autant de nos jours, beaucoup se sont attiré – et parfois aux leurs hélas ! – bien des soucis, des revers, des épreuves et ont connu des drames qui auraient pu être évités.

Réfléchir avant d’agir, intégrer dans les plans et projets, la possibilité de rencontrer des difficultés voire de graves problèmes… n’est pas faire preuve de pusillanimité, mais de bon sens et d’expérience.

Il n’est heureusement pas utile pour autant de répéter comme le faisaient certains moines : « Frère, il faut mourir… Frère, mourir il faut ».

Ni insouciance, ni pessimisme, encore moins morbidité, mais une perception saine de l’existence, et la volonté de faire face en toutes circonstances avec détermination et courage.

L’éducation de l’enfant doit l’éveiller aux difficultés et aux risques qu’il rencontrera, en prenant bien soin de ne pas le décourager, l’amenant ainsi à se rendre compte que  » tout n’est pas facile « , que la réflexion et l’effort sont à considérer.

En agissant ainsi, il se préparera à affronter la vie d’adolescent puis d’adulte dans les meilleures conditions.

Nous vivons un temps particulièrement instable et changeant, où il semblerait parfois comme d’aucuns vont le répétant, que « tout peut arriver », que les enseignements des drames et souffrances des générations passées n’ont pas été réellement tirés…

Sur le plan mondial, mais aussi national… des événements inattendus, voire qui paraissaient définitivement révolus, ou impossibles, peuvent surgir et tout bouleverser…

L’homme sage, selon la Bible, sait envisager les diverses hypothèses, et se conduit en tenant compte des aléas possibles, tant dans sa vie personnelle que familiale ou sociale.

L’homme de foi, celui qui a appris de l’Évangile à se confier en Dieu et à veiller sur sa conduite, ne s’engagera pas « à la légère »… mais, comme le dit la Bible, préparera le chemin qu’il suivra…

Ses pas seront alors assurés et son exemple une précieuse indication pour les autres.

« Alors, à demain s’il n’y a pas de neige ! »… et s’il y a de la neige ? « Bien : on fera face ! »

Yvon Charles