«L’école sera la mère des batailles de mon gouvernement et j’en serai le garant… Je réaffirme l’école comme la mère de nos batailles à qui je donnerai tous les moyens nécessaires pour réussir» affirmait il y a quelques semaines Gabriel Attal, tout juste nommé Premier Ministre après un éphémère passage à la tête de l’éducation Nationale.

Mais quelques semaines plus tard, les projets de « carte scolaire » pour la rentrée de septembre 2024 étaient dévoilés… et quelle déconvenue pour bien des parents et des enseignants !

En effet, loin de «redonner espoir à cette génération, à ces parents…», ces nouvelles cartes scolaires dévoilent un nombre rarement égalé d’écoles touchées par des fermetures de classes !

La Bretagne, parmi les meilleures académies de France en termes de résultats scolaires, n’est pas épargnée: 59 fermetures annoncées dans le Finistère, 42 dans les Côtes d’Armor, 45 dans le Morbihan, et 83 fermetures en Ille-et-Vilaine!

S’il est vrai que ces chiffres sont (très partiellement) compensés par des ouvertures de poste, une part non négligeable de ceux-ci ne seront pas affectés à des ouvertures de classes, mais à divers moyens de renforts et de remplacement.

Une tendance inquiétante…

A noter que dans ces fermetures de classes ne sont pas comptées les non-reconductions des « aides pédagogiques », ces fameuses aides mises en place depuis quelques années qui octroient à certaines écoles, ayant une fermeture de classe dans un contexte difficile, une aide pour un an. Il s’agira normalement d’un remplaçant affecté sur cette école pour une année afin d’aider l’équipe enseignante en place.

La solution peut sembler intéressante, mais concrètement la classe est officiellement fermée, et comme les académies manquent de professeurs des écoles, il s’agira souvent d’une personne recrutée sans formation dédiée… qui sera retirée une fois l’année écoulée, sans qu’il n’y ait de débat puisque le poste a déjà été officiellement supprimé…

A titre d’exemple, dans les Côtes d’Armor, cela représenterait 10 postes à la rentrée prochaine (en plus de 42 suppressions).

A la rentrée de septembre 2023, il y avait déjà eu 49 fermetures dans le Finistère, 44 dans les Côtes d’Armor, 26 dans le Morbihan, et 44 en Ille-et-Vilaine. Cette dramatique tendance faisait s’interroger le journal Le Télégramme sur une perspective de fermeture de 1000 classes à l’horizon 2030!

La dette et la démographie…

En effet, la carte scolaire est principalement bâtie en fonction de la démographie. Or, depuis quelques années, cette dernière est en berne dans notre pays.

Selon les estimations de l’INSEE, d’ici 2034 la Bretagne pourrait « perdre » près de 40000 enfants de moins de 15 ans… soit autant que les 10 dernières années. Et les 2/3 des élèves manqueraient dans les écoles primaires selon l’analyse du Télégramme à partir des projections de l’INSEE.

Mais, alors que le président de la République appelle de ses vœux un «sursaut des natalités» et que nombre d’enseignants réclament de profiter du «tassement démographique» pour alléger les effectifs par classe (actuellement les plus chargées d’Europe avec en moyenne 22 élèves par classe en primaire), il semble que ce soient les arguments budgétaires qui l’emportent.

Il est vrai que les finances françaises vont mal avec une dette à plus de 3088 milliards d’euros fin 2023, soit un taux d’endettement de près de 112% du PIB (contre 60% en 2000). La France vit «au-dessus de ses moyens» et s’enfonce de plus en plus, empruntant pour rembourser ses emprunts…

Quelles priorités ?

Dans ces conditions (baisse de la démographie et surendettement), il peut sembler logique de vouloir faire des économies. Pour autant est-ce sur l’éducation qu’il faut le faire?

Quand la France trouve des milliards d’euros pour faire de l’aide au développement à l’étranger, ne peut-elle pas garder quelques moyens pour assurer une instruction de qualité à ses enfants, et repenser sa logique de gestion des cartes scolaires à l’heure où elle décroche dans les classements internationaux (23e rang mondial au classement PISA pour la 7e puissance économique)?

Le motif budgétaire passe d’autant plus mal que cette année, pour les Jeux Olympiques, chacun des 4 millions d’élèves du CP au CM2 devrait recevoir un livret sur les «JO» et une pièce de 2€ frappée pour l’occasion… pour un coût total de 16 millions d’euros!

Ce genre d’opération fait grincer les dents dans les écoles impactées par les fermetures de classe au motif de budgets exsangues!

Peut-être que d’aucuns auraient préféré une autre priorisation dans ces budgets?

Mais ces dépenses sont importantes pour la «grandeur de la France» argumenteront d’autres…

Les classes les plus chargées d’Europe ?

Il fut une époque où les pays qui se développaient créaient des hôpitaux et des écoles… que penser de la trajectoire des pays qui les ferment? Quel avenir se réserve un pays qui négligerait l’instruction et l’éducation de ses générations futures?

Si la France a les classes parmi les plus chargées d’Europe, qu’elle recule dans les classements internationaux évaluant les compétences acquises par les élèves, peut-être est-il temps de changer de raisonnement et de « lever le nez » des tableaux de chiffres pour repenser un système de « carte scolaire » qui démontre toutes ses limites.

«Les enfants ne sont ni des moutons qu’il faudrait constamment compter, ni des sardines à entasser au maximum dans les classes, quitte à mélanger 4 à 5 niveaux», scandent les parents qui s’insurgent face à la vague de fermetures de classes! D’autant plus quand, afin de minorer les effectifs, certaines administrations refusent de comptabiliser les enfants de moins de 3 ans au motif que les décrets d’application de la loi votée en 2021 et stipulant qu’il faut les compter, ne sont pas encore parus!

D’ailleurs, si dans les zones d’éducation prioritaire la politique est de dédoubler les classes afin d’obtenir des effectifs de moins de 15 élèves, c’est qu’il y a bien un intérêt à cela…

Mais ce mal français qui veut que la gestion se rapporte toujours à des chiffres, trop peu contextualisés, et qui mène à l’effritement des services publics, est-il une fatalité?

Un espoir pour les écoles rurales ?

Le recteur de l’Académie de Bretagne, Emmanuel Ethis, a annoncé il y a quelques jours, à Pontrieux d’abord, puis à Treffrin, qu’il allait organiser fin mai un séminaire sur « L’école rurale du futur » pour engager une réflexion de fond et repenser le système afin d’y introduire d’autres éléments que les seuls critères démographiques.

Un député de Mayenne a, quant à lui, déposé une proposition de loi «visant à conditionner la fermeture d’une classe disposant d’au moins 15 élèves à l’accord du conseil municipal, dans les communes de moins de 2000 habitants».

Des initiatives qui, espérons-le, permettront enfin de faire évoluer favorablement la gestion de l’éducation. Peut-être prendra-t-on un jour conscience « là-haut » de tout l’intérêt que peut avoir une école rurale avec des classes pas trop chargées, des projets pédagogiques enrichissants, et un climat social apaisé?

A l’instar de Clint Eastwood qui aurait dit: «Tout le monde s’interroge sur comment laisser une meilleure planète à nos enfants, mais on devrait plutôt penser à laisser de meilleurs enfants pour notre planète», il est peut-être temps d’inverser la «logique» et de remettre au cœur de la réflexion l’enfant et la façon de lui donner une éducation et une instruction les meilleures possible…!

Guillaume Keller